Juil 012014
 

Dossier ISRI FRANCECONSTRUIRE, CONDUIRE, SORTIR DES BLOCAGES ET RÉUSSIR !

Dossier : Le changement
Troisième partie : Le changement en pratique

TROISIÈME PARTIE
Chapitre 2 sur 3
Le changement en pratique :
CONSTRUIRE, SORTIR DES BLOCAGES ET RÉUSSIR !
La sur le changement avait voulu déblayer les lieux communs du changement organisationnel, des résistances au changement et du changement personnel. Dans la , « Comprendre le changement personnel », nous nous sommes interrogés, dans un , sur les causes et les raisons du changement  ; puis, dans un , nous avons postulés que la réalisation des besoins et aspirations des salariés étaient une condition dont il fallait tenir compte dans un processus formalisé du changement. La troisième et dernière partie de ce dossier sur le changement est très opérationnelle car elle aborde la conduite même du changement. Elle s’adresse à tous les pilotes du changement et, aussi, à tous ceux qui vivent le changement au .

 

Ce que n'aborde pas cette troisième partie sur le changement


TROISIEME PARTIE : CHAPITRE 2 sur 3

A. Avant de construire, conduire et réussir le changement…

…commençons par faire trois remarques liminaires :

PREMIÈRE REMARQUE LIMINAIRE :

– Ce que n’aborde pas cette troisième partie sur le changement

Dans un soucis de clarté pour ce dossier sur le changement, certains points ne seront pas abordés. Ceci, pour deux raisons, au moins :

  • Soit, parce qu’à notre sens, ce qu’ils apporteraient à notre développement serait quantité négligeable dans notre domaine de réflexion : la socio-psychologie ; malgré tout l’intérêt qu’ils suscitent, à raison, par ailleurs. il s’agit, par exemple, des registres historique, philosophique, financier, concurrentiel, politique… Néanmoins, notre réflexion essaie d’être transversale, aussi, appellerons-nous, parfois, certains champs comme la sociologie ou la maïeutique pour appuyer nos propos.
  • soit, parce qu’ils ont déjà été développés dans les deux premières parties de ce dossier ou au travers d’un article additionnel à ces deux premières parties, dont vous trouverez la liste ici.

En revanche, nous vous invitons à nous suivre, ci-après, pas à pas, pour mener une conduite pratico-pratique GÉNÉRIQUE du changement. Chemin faisant, nous verrons comment sortir des blocages et construirons un « Guide de survie en ambiance hostile ».

Commençons par préciser pourquoi nous avons employé le terme de « générique », c’est l’objet de notre deuxième remarque liminaire.

Mise en garde sur le changement

DEUXIÈME REMARQUE LIMINAIRE :

– Mise en garde sur le changement

Si nous avons insisté sur le terme « générique » c’est parce que (pour être parfaitement clair) :


aucun livre, aucune méthode, aucune recette et, osons le mot, aucune amulette
ne vous apportera LA solution miracle en matière de changement !


Pour le dire autrement : soyez toujours méfiants envers ceux qui vous car ils créent dans votre esprit un monde artificiel, presque enchanté jusqu’à… la dure réalité du changement RATÉ ! C’est grave car vous seriez alors en péril, vous, à titre personnel ainsi que l’organisation !

Par exemple, vous êtes sans ignorer ces articles dans les magazines, les journaux très sérieux et sur les réseaux sociaux, qui vous promettent le « secret » de la réussite du changement : « le changement en X étapes » (disent-ils !) qui vous expliquent qu’il faut faire ci, qu’il faut faire çà mais qui ne disent JAMAIS pourquoi et comment le faire !

Avez-vous remarqué, aussi, l’étrange similitude de ces mêmes écrits, une espèce de ‘pensée unique’ où chaque texte semble paraphraser les autres, et ainsi de suite, vous laissant une impression de frustration, voire un arrière-goût amer et un sentiment de doute envers la compétence de leurs auteurs paraissant plus enclins à « faire un papier » ou « gagner de l’argent » qu’à donner réellement une solution : le fameux ‘secret’ (qu’ils ne connaissent d’ailleurs pas, constatons-le !) ?

Dans cette veine, vous l’aurez compris, n’attendez pas de ce dossier une quelconque solution à VOTRE problème. En fait, même s’il y a nombre de choses que peut mettre en œuvre un de sa propre initiative rien ne remplacera le , qui ‘fera alchimie’ opportunément de ses expériences, son expertise, ses formations et ses compétences pour les adapter à VOS besoins afin de conduire VOTRE changement ; car :

TOUT CHANGEMENT EST PARTICULIER


Voilà qui est dit ! Passons, maintenant, à la troisième remarque :

Nous sommes-nous bien compris ?

TROISIÈME REMARQUE LIMINAIRE :

– Nous sommes-nous bien compris sur le changement ?

Appeler un tiers externe neutre et objectif ne signifie pas au responsable du changement de se désengager ! En fait, la démarche consiste en un accompagnement audit-coaching-formation (selon les cas, en une seule de ces prestations) nécessitant un investissement franc, honnête et sans réserve de .

Ces remarques liminaires étant posées, entrons dans le vif du sujet : construire une « trame générique de conduite du changement » pouvant servir de guide dans le quotidien professionnel.

Bien entendu, tout au long de notre développement, à l’instar des deux de ce dossier sur le changement, nous serons particulièrement attentifs à considérer le changement organisationnel avec le changement personnel. Autrement dit, nous allons audacieusement viser, sur le fond, une conduite du « changement personnel DANS le changement organisationnel ».

Bref, nous imbriquerons DEUX PROCESSUS : celui de changement personnel avec/et celui de changement organisationnel.

Quand le changement semble bien se passer

B. QUAND LE CHANGEMENT SEMBLE BIEN SE PASSER

Nous pouvons affirmer, sans peur de nous tromper, que notre temps impose aux organisations et aux personnes de composer avec des . En fait, nul ne peut ignorer le changement : vous décidez de changer ou vous serez changé par la force des choses !

D’aucuns certifierons que ces changements doivent être appréhendés comme des opportunités stimulantes à saisir. Ce qui est certainement vrai pour les personnes qui aiment le défi et l’aventure, et ceux qui s’ennuient parce qu’ils sont engagés dans une routine structurelle.

Si nous nous figions dans cette voie (qui nous paraît bien idyllique !), nous considèrerions alors que la volonté et la motivation de tous sont certaines ou bien, peut-être inexistantes, et les consultants extérieurs appelés prodigueraient, en conséquence, uniquement des conseils simples, applicables et standards sur des méthodes, des techniques et autres modèles de type process et check-lists pour bien mener les changements. Cela suffirait, assurément !

Or, la réalité du terrain est toute autre !

Pour notre part, nous considérons quasi-systématiquement que les changements imposés peuvent aussi nous perturber énormément et, pour le coup, générer des émotions et augmenter notre anxiété considérablement, engendrant des incertitudes, entre autres

Alors comment gérer les situations pour exploiter efficacement le changement ?

. - Processus du changement

– Processus du changement : Fin – Transition – Démarrage

Nous avons déjà émis que le salarié soutenait le changement lorsqu’il estimait qu’il lui était favorable, et qu’il s’y opposait dans le cas contraire. De même que le souvenir positif ou négatif d’un changement vécu pouvait le prédisposer favorablement ou négativement à un nouveau. Vous l’aurez compris, la perception et l’expérience des salariés sont très importantes dans la conduite du changement !

Prestation - Supervision ISRIPetite astuce à l’usage du pilote du changement :
Voici, pour exemple, les attitudes facilitatrices à appliquer lorsqu’un collaborateur est résistant au changement à cause d’une mauvaise expérience (tiré des préconisations de )(1)Sciences Humaines, Les Grands Dossiers n°32, L’empathie, source essentielle de résilience, p.43 :

  • Manifester de l’empathie
  • s’intéresser prioritairement aux côtés positifs de la personne
  • rester modeste face à elle
  • être patient et ne pas se décourager face aux échecs apparents
  • laisser à la personne la liberté de parler
  • faciliter de la personne(2)Nous retiendrons seulement que l’estime de soi est « une forme de respect que l’on se porte en tant que dépositaire des valeurs positives que peut incarner l’être humain » (Gilles Prod’Homme, consultant-associé ISRI, Le guide du Mieux-être, Eyrolles, 2009, p.88
  • faciliter l’altruisme chez la personne
  • Surtout, éviter les phrases « gentilles » qui s’avèrent être très souvent assassines : « je me mets à ta place… », « tout ça c’est du passé, maintenant il faut aller de l’avant », « vous devriez suivre une thérapie »…


Nous allons commencer par envisager le changement personnel. Nous le considèrerons comme un processus en trois étapes(3)Comme le préconise le programme POSACTION, « Astuces de management n°4 ») :

1
FIN
du changement précédent
2
TRANSITION
vers le nouveau changement
3
DÉMARRAGE

du nouveau changement


L’étape FIN (étape 1 ) est un préalable car il nous paraît extrêmement difficile, voire impossible, de prendre un nouveau départ sans être arrivé à une fin. Tout est affaire de sensation et d’acceptation : tant qu’une sensation de perte persistera à la suite d’un changement, la fin ne pourra pas se réaliser !

Attention toutefois : n’insistez quand même pas trop sur la FIN car le secret est dans l’équilibre au risque de faire naître des résistances.

La TRANSITION (étape 2 ) est une période plus difficile à gérer. Dans cette étape, l’accompagnement des collaborateurs est plutôt d’ordre moral et consiste en un appui personnalisé. N’oubliez pas, managers, de partager l’information avec eux afin de leur permettre d’oublier, tout du moins, réguler plus facilement leur passé.

Changement personnel ISRI- Photo Bon à savoirMise en pratique
Test Diagnostic des difficultés potentielles au changement ISRIVoici, par exemple un outil standard permettant une mise en pratique de cette étape. Comme indiqué plus haut, cet outil est GÉNÉRIQUE et demande à être adapter à VOTRE situation : Diagnostic les difficultés potentielles (cliquez sur l’image ci-contre) :
« Si vous répondez 3 OUI et plus vous devriez revoir vos stratégies, particulièrement celles concernant la communication et l’aide personnalisée apportée à votre équipe lors de changements futurs. »(4)Astuces de management n°4, ib., p.2
. - Réduire la résistance au changement


– Réduire la résistance au changement : tout est une question de perception

La phase de DÉMARRAGE (étape 3 ) se heurte souvent aux résistances, surtout lorsque la FIN du changement précédent (étape 1 ) et l’étape de TRANSITION vers le nouveau changement (étape 2 ) ont été bâclées. Pour éviter les situations fâcheuses, il faut bien comprendre que tout est question de perception et, pour les individus, seul le changement « perçu » compte car, lui seul, affecte leur système de référence.

Prenons un exemple : Marc, travaille dans une fabrique de prêt-à-porter depuis deux ans. L’usine vient de moderniser ses machines grâce à un nouvel équipement informatique. Féru des Nouvelles Technologies, Marc est positif car il voit une opportunité d’exprimer ses connaissances informatiques. Colette travaille depuis plus de quinze ans avec succès avec la même méthode de fabrication et ne comprend pas cet investissement. Elle soupçonne la Direction de vouloir la licencier.

Marc et Colette réagissent différemment car leurs perceptions sont différentes à l’annonce d’un même changement. Surtout, leurs comportements resteront différents tout au long du processus de changement. C’est dire l’importance de tenir compte des perceptions pour réduire les résistances !

Prestation - Supervision ISRIPetites astuces à l’usage du pilote du changement :

  1. « Il ne s’agit pas d’avoir une stratégie pour chaque personne mais de confier à chacun un rôle qui lui convient. »(5)Astuces de management n°4, ib., p.3 Ce qui signifie : cherchez des collaborateurs qui connaissent bien leur métier dans la situation présente car ils peuvent jouer des rôles de leaders informels. Savoir s’entourer de ces personnes améliore considérablement les chances de réussir le changement. Dans l’exemple précédent, Marc pourrait être l’un des responsables de l’organisation du changement sur les machines alors que Colette pourrait contribuer en utilisant son sens critique et son expérience pour prévenir les obstacles et les erreurs.
  2. provoquez les dynamiques de changement en reconnaissant le caractère interactif des groupes qui se conforment à des codes internes. Sur ce point, le lecteur peut relire les articles suivants : Le changement, du besoin aux aspirations & Aspirations du salarié : désirs, espoirs, espérance, trois notions successives.
  3. Préparez votre équipe en lui donnant un axe constant vers le changement, des modifications mineures fréquentes permettent d’immuniser les personnes et les préparent à mieux réagir en cas de changement majeur.


Cet exemple montre bien que le changement n’est pas un processus rationnel et structuré mais bien une représentation subjective de chaque salarié.

Voici, en guise de résumé, de la gestion du changement, un « pense-pas-bête » que vous devriez toujours garder à l’esprit :

A. Reconnaissez l’intensité des réactions.
Le temps d’adaptation peut être différent d’une personne à l’autre mais chacune a besoin de temps pour s’adapter
B. Composez avec l’évaluation personnelle que chacun fait des conséquences
Plus une personne estime que les conséquences sont positives, plus sa motivation est forte.
C. Établissez une communication constante.
Laissez les personnes exprimer leurs réactions et les conditions qui seraient idéales pour eux


Nous ne nous étalerons pas sur la composante strictement objective du changement, celle des plans et des procédures (planifier l’organisation du changement, diriger avec un business-plan, organiser et contrôler selon des schémas et des tableaux voire l’utilisation d’un progiciel), parce qu’il existe pléthore d’outils sur l’Internet. En revanche, il existe bien peu d’outils pour créer un environnement de travail où le changement est prévu, accepté et récompensé. Ce sont que nous allons mettre en exergue, voire les créer, chemin faisant.

Changement personnel ISRI- Photo Bon à savoirMise en pratique
Test Evaluation de la résistance au changement ISRILa plupart des responsables croient être de bons communicateurs, pourtant une fois sur deux ce n’est pas le cas. En fait, le changement accepté et maîtrisé passe par l’entraide et les relations interpersonnelles, notamment par le dialogue.
Ci-contre, voici un outil standard permettant d’évaluer le degré de préparation de chaque membre de votre équipe. ATTENTION : cet outil est GÉNÉRIQUE et demande à être adapter à VOTRE situation (cliquez sur l’image ci-contre) :
« Additionner les résultats et multipliez par 2. Utilisez la table fournie pour évaluer le niveau de préparation au changement du collaborateur concerné ».
. - Guide du changement : le plan d'action


– Guide du changement : le plan d’action

Attention ISRILe succès du changement repose, en premier lieu, sur une planification bien préparée ET qui tient compte de l’aspect humain : objectifs précis, maîtrise des techniques de résolution de problème, communication constante, claire et totale, organisation de la participation des équipes… Comme nous l’avons indiqué plus haut (l’ABC de la gestion du changement) la gestion des réactions est essentielle, les pilotes du changement et les responsables d’équipes doivent maîtriser leurs émotions et concentrer leurs efforts sur les processus humains liés au changement organisationnel.

Attention ISRIEn second lieu, planifiez avec des objectifs clairs et sans ambiguïté ; ce que vous pouvez faire seul ou avec un ou deux de vos plus proches collaborateurs. Puis, seulement après, formez un petit groupe chargé d’identifier les éléments négatifs pouvant provoquer des résistances et quelles seraient les solutions à apporter. C’est ce même groupe qui vous aidera à développer vos stratégies, par exemple, besoin en formation, ressources nécessaires, plan de communication… N’hésitez pas à encourager chaque membre de l’équipe à partager leurs opinions et leurs idées, organisez des rencontres d’information tout au long du processus de changement.

Attention ISRIEn troisième lieu, développez un plan d’action global ET, surtout, des plans d’action individuels car chaque individu aura des préoccupations et un niveau de résistance différent pour un même changement. Voici un exemple de fiche de plan d’action individuel :

Changement ISRI - plan d'action individuelAttention ISRIEnfin, en quatrième lieu, il faut faire valoir tous les avantages du changement visé afin que tous vos collaborateurs sachent qu’ils devront constamment faire face à de nouveaux défis tout au long du changement.

Voici un guide du changement en 10 points pour ne rien oublier (et toujours à adapter, pour nous répéter !) afin de créer une équipe axée vers le changement :

Changement personnel ISRI- Photo Bon à savoirMise en pratique :
Préparer le changement

  1. Les raisons du changement ainsi que les objectifs sont clairs et sans ambiguïté.
  2. Les marges de manœuvre relatives aux objectifs et aux stratégies sont connues.
  3. les cadres de premier niveau ont discuté des motifs et des objectifs du changement avec les membres de leur équipe.
  4. Une stratégie de communication a été mise en place pour diffuser l’information requise en temps opportun.
  5. Les ressources sont suffisantes et un plan de formation a été mis en place.
  6. On a fait valoir les aspects positifs du changement et les dangers du statu quo.
  7. les cadres de premier niveau, les chefs d’équipe et les membres influents des équipes ont été intégrés à des groupes de travail.
  8. Les membres des groupes de travail ont reçu une formation à l’écoute active et à la résolution des problèmes.
  9. Un mécanisme de rétroaction est prévu.
  10. Les cadres de premier niveau sont capables d’identifier et d’aider les salariés qui résistent au changement ou qui sont perturbés ou stressés.
. - Faisons un point


– « Quand le changement semble bien se passer » (conclusion)

Changement organisationnel - Marissa Mayer (Yahoo)Nous pensons chez ISRI que rien ne résiste aux innovations managériales qui humanisent le changement et, plus largement, qui humanise le travail. Prenons un exemple, celui de Google. (notre photo) a voulu connaître ce qui avait convaincu les nouvelles recrues de signer. Invariablement, les candidats ont cité la grande latitude d’action et de décision laissée à chacun.

Rien d’étonnant à cela, finalement, car si votre gouvernance encourage vos collaborateurs à dire ce qu’ils pensent, à faire ce qui les passionne, à substituer ‘l’intelligence’ de la direction par ‘l’intelligence’ de la richesse humaine de l’organisation de la plus modeste à la plus prestigieuse fonction, alors tout le monde se sent sur un pied d’égalité et, veuillez me pardonner l’expression, est enclin à « mettre de l’huile » dans les rouages. C’est le défi de l’adaptabilité !

Facile, non ? Nous verrons plus bas comment nous y prendre et surtout comment réguler les résistances. En attendant, voici, ci-après, trois exercices pratiques mises en œuvre par Google pour parvenir à ce défi(6)Gary Hamel, « La fin du management, inventer les règle de demain », Vuibert 2007, p.111 :

1. Se prémunir du déni et de l’orgueil de ses collaborateurs

  • ouvrir l’élaboration de la stratégie
  • éviter la domination des anciens
  • adopter et conserver une hiérarchie plate (relations entre la direction et tous les collaborateurs)
  • encourager les divergences

2. faire générer continuellement de nouvelles options

  • faciliter les nouvelles expérimentations de chacun et en donner le temps
  • limitez les autorisations formelles
  • contrairement au planifier et exécuter, insistez sur le « testez et apprenez »
  • récompenser sans compétition, par exemple, lorsqu’une idée a changé la règle du jeu.

3. redéployez les ressources anciennes vers les initiatives de changement

  • encourager à travailler sur des projets connexes aux cœurs de métier des équipes
  • laisser expérimenter les idées en réel, sur le marché

Rappelons ici que « tout changement est particulier ». Ce qui signifie que les exemples, les outils et astuces proposés dans ce dossier doivent être adaptés à VOTRE situation. Car, il est bien évident que toutes les organisations, quelque soit leur taille, ne vivent pas leur développement à l’identique de celui de Google !

Atouts isri france - Flèche +A l’usage du pilote du changement : Combien de livres (chers payés) inventorient des dizaines de méthodes pour conduire le changement, combien d’articles, soi-disant attendus, qui offrent le secret de la conduite du changement et combien de prestations et de formations vous affirment vous armer définitivement contre les aléas du changement organisationnel ? Voici la réponse dans une thèse de doctorat qui présente les différentes structures d’organisation et de méthodes du changement, les processus, les changements et les ressources utiles au changement, une approche de formalisation et une mise en œuvre d’une approche avec l’application à un cas industriel réel ;


Mais, conduire le changement n’est pas aussi facile que cela vient d’être écrit ! Alors, voyons maintenant, quand ça se passe moins bien…

Le malaise du changement

C. LE MALAISE DU CHANGEMENT

Nous voici désormais parvenus à la phase de mise en pratique la plus intéressante des pistes évoquées au Message important ISRIcours des deux premières parties et des articles additionnels de ce dossier sur le changement personnel DANS le changement organisationnel : dépasser les et gérer le changement.

Changement ISRI - Exemple malentendu Face à FaceAvant d’aller plus avant dans sa lecture, nous conseillons vivement au pilote du changement de (re)lire l’article additionnel ISRI Le changement personnel, un feuilletage organisationnel. Il s’agit, par là, d’appréhender une base de compréhension minimale du fonctionnement humain qui existe en filigrane de toute démarche de conduite du changement. Puis, vous pouvez reprendre la suite de cette lecture.

. - Commençons par déblayer ce que nous ne ferons pas !

– Commençons par déblayer ce que nous ne ferons pas !

Lorsqu’il est un cas extrême où le changement doit être radical (remise à plat des processus existant voire faire table rase) vous pouvez toujours utiliser le BPR, c’est-à-dire le . Il va sans dire que cette ne tient pas vraiment compte de l’aspect humain et où le pilote de projet doit avoir un charisme suffisant pour imposer le changement radical visé car l’organisation est la plupart du temps parfaitement ancrée dans une ancienne culture d’entreprise. Aussi, ne nous attarderons-nous pas là dans ce dossier, précisant, au passage, qu’ !

Sur ce registre des méthodes extrêmes du changement, nous pouvons être amenés à user de la qui met en exergue quatre grands fondements permettant de faire évoluer les comportements :

  • casser les paradigmes
  • travailler les processus autant que les résultats
  • évoluer dans un cadre global
  • ne pas juger, ne pas blâmer

Le Kaizen appelle à de nombreux outils de créativité et de résolution de problèmes classiques que le praticien peut utiliser à sa guise, par exemple : le Pareto ou le . A ces outils s’ajoutent des outils/méthodes plus spécifiques au Kaizen, par exemple : le , le , le , etc.

Cependant, ici encore, nous ne développerons pas cette méthode Kaizen dans ce dossier car, même si ISRI est amené à l’utiliser dans ses prestations, elle est trop complexe à mettre en œuvre sans .

En fait, nous n’allons présenter aucun modèle panacée « miraculo-secret » parce que, répétons-nous :

TOUT CHANGEMENT EST PARTICULIER


De plus, dans la pratique, un professionnel extérieur est le plus à même d’appeler objectivement les modèles les plus adéquats en fonction du contexte et des situations ; voire de les mixer ou d’en créer de particuliers.

En revanche, à l’usage du pilote du changement, voici maintenant quelques conseils pratiques (non exhaustif) pour dépasser le phénomène individuel de la résistance.

. - Les techniques de survie en ambiance hostile

– Comment sortir des blocages ?
ou ‘Les techniques de survie en ambiance hostile’

Rappelez-vous : nous terminions le chapitre 5 de la deuxième partie de la manière suivante :


Lorsqu’une configuration favorise les manières de faire, les salariés usent de tactiques et de stratégies et se trouvent motivés par leur relations. Ils deviennent acteurs de leur changement et participent !

Alors GARE A CELUI QUI N’EN TIENT PAS COMPTE !
Flèche animée isri franceCar, le potentiel humain est la seule richesse permettant d’optimiser le changement organisationnel, sinon c’est l’éviction par la concurrence !

(Ceci est à garder à l’esprit pour la suite !)

En préambule à nos conseils, pour être efficace dans ses actions, le lecteur aura avantage à étudier avec la plus grande attention l’article additionnel à ce dossier intitulé : « « , car les peurs relatives au processus de deuil, comme il est présenté dans ce modèle d’Hudson, permettent de démystifier les a priori et d’accéder aux leviers permettant de dépasser les .

Attention ISRIVoici une interprétation du processus de deuil d’après la (7)Schéma repris et adapté de Marsan C., Gérer les conflits de personnes, de management, d’organisation, Paris, Dunod, 2005, chap.8 : les conflits relatifs aux situations de changement in Christine Marsan,’Réussir le changement’, De Boeck, 2008, p.128).

Phase de sidération N’entend pas
Phase de déni Refuse la réalité
Phase de colère – agressivité Se révolte, accuse, en veut à tout le monde. L’énergie est bloquée.
Phase de marchandage – résistance Donnant-donnant. Pour changer qui que ce soit, il va falloir obtenir quelque chose en échange.
Phase de dépression Prend conscience de l’inutilité des efforts. Relâchement de la résistance. L’énergie est au plus bas.
Acceptation Accepte l’évidence pour atteindre l’apaisement.
Investissement dans de nouveaux projets L’aspect émotionnel étant apaisé, il est alors possible d’envisager de nouveaux projets et de réaliser un nouveau départ. L’énergie de l’action est à présent retrouvée.


Cette interprétation du processus de deuil est une base de compréhension dont nous allons nous servir plus bas.

. - Dégel cognitif et recodage constructif

– Dégel cognitif et recodage constructif

Lorsqu’une situation est bloquée, nous considérons que c’est la preuve dynamique que les parties évoluent ! Cette perception de la situation est, pour les consultants ISRI, FONDAMENTALEMENT une bonne nouvelle car cela prouve que les mécanismes psychiques sont actifs ! Ce qui rend dès lors possible une orientation vers des clés de compréhension de l’implication affective en jeu. En effet, dès l’instant où les causes des freins sont conscientes, le blocage devient une information à traiter.

Bon, bon, mais comment doit-on procéder pour comprendre et conscientiser les causes des freins ?

Première piste : Vous avez certainement entendu parler de ce message antique, gravé sur le fronton du Temple d’Apollon, à Delphes : « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux ». Dans le cadre de ce chapitre, nous pourrions ajouter : « …l’Univers et les Dieux et ta conscience« .

Deuxième piste : « Lorsqu’on a un doigt pointé vers les autres, il y en a trois dirigés vers soi » (faites le geste pour vous en persuader !). Il n’est point besoin d’être psychologue pour constater que lorsque nous souhaitons que les choses s’améliorent (changent), nous avons tous une (très mauvaise) représentation commune, à savoir : il faut changer le contexte, l’environnement ; bref, changer l’autre ! Penser cela est une erreur DRAMATIQUE ! Insistons : D R A M A T I Q U E !

Sur ce point, Le Manuel d’Epictète est parfaitement clair : « …Accuser les autres de ses malheurs est le fait d’un ignorant ; s’en prendre à soi-même est d’un homme qui commence à s’instruire ; accuser ni un autre ni soi-même est d’un homme parfaitement instruit« .(8)Manuel d’Epictète, Flammarion 1964, p.210, chapitre V

En fait, l’unique variable que l’on puisse changer c’est soi-même ! Nous gagnerions tellement de temps si nous conscientisions cela, et notre vie serait tellement plus simple, même si la tâche peut paraître ardue, à priori !

A partir de la compréhension de ces deux pistes, essayons de trouver une manière de procéder à travers quelques exemples issus du terrain, évoqués dans le chapitre suivant.

Atouts isri france - Flèche + Piqûre de rappel très importante :Afin de bien circonscrire les propos de ces deux pistes, le lecteur aura grand intérêt à consulter le dossier sur le leadership, notamment les articles :
– « Critique et plaidoyer » et
– « Leadership=capacité+EFFICACITÉ« Sans doute, aussi, serait-il utile de prendre connaissance du , conçu pour éclairer objectivement vos modes relationnels. C’est un exercice d’auto-évaluation et d’évaluation. Il est d’auto-évaluation parce qu’il permet de se juger et de comparer ce que nous sommes réellement avec ce que nous souhaiterions être. Il est d’évaluation parce qu’il permet de connaître l’appréciation d’une autre personne de confiance et qui vous connaît (très) bien.


Continuez en lisant le chapitre suivant : « Des exemples et leurs solutions ».

(attention, même s’il reste gratuit, cet article suivant est en accès restreint, il vise à réunir de nombreuses expériences du terrain et de présenter les solutions correspondantes (ou l’absence de solution). Il est écrit à plusieurs mains et vise à remercier les différents auteurs qui ont participé à sa rédaction. Pour savoir comment participer à la rédaction de cet article et prendre connaissance de l’expérience des autres auteurs, merci de prendre contact par courriel à isri@isrifrance.fr.)

Pour en savoir +

Dossier Changement Caméléon ISRIPremière partie (trois chapitres) :
Des organisations à l’individu… et vice versa !
Changement personnel - Photo Rubiks cubeDeuxième partie (chapitre 1/5) :

Mais qu’est-ce qui peut bien nous faire changer ?
Changement personnel ISRI - Photo Besoins-aspirations PMDeuxième partie (chapitre 3/5) :
Du besoin aux aspirations
Certains, très judicieusement, verront dans la manière ISRI de conduire les changements, une transposition possible dans la sphère familiale et, plus généralement, dans ses relations avec la société…
Soyez critique, notamment si vous suivez une formation vous ‘promettant la Lune’ ou si vous lisez un livre vous assurant d’un « secret », aussi prestigieux ou de notoriété l’un ou l’autre fussent-ils !
Selon la dimension de la structure, il peut s’agir d’une équipe dédiée, multifonctionnelle, multi-sites, transversales…
Ce tiers extérieur objectif peut être une équipe de consultants.
Changement personnel ISRI- Photo Faire le pointPar ailleurs, nous rappelons ici, ce que nous avons déjà appuyer dans le dossier sur les Risques Psychosociaux (cf. § « Aparté à l’attention du manageur« ) à propos de ce point crucial de l’intervenant externe. Ainsi, pour être objectif et neutre, ce consultant-tiers doit-être totalement étranger à la structure ; ce qui exclu ipso facto… le copain consultant !
Le lecteur aura ici grand avantage de prendre dix minutes pour (re)lire le dossier ISRI sur l’éthique !
Cf. introduction de la première partie du dossier : Des organisations à l’individu… et vice versa ! : « Que nous soyons un responsable du changement, un salarié ou alors tout simplement un individu, nous retrouvons le changement au cœur de trajectoires et de stratégies n’ayant pas toutes les mêmes causes ni les mêmes réalités. Ainsi, entendons-nous parler de changement personnel, de changement organisationnel, de changement économique, de changement politique, de changement social… les sociétés modernes semblent entraînées dans un tourbillon de « changements » sans cesse croissant. »
A ce titre, le lecteur est invité à consulter le dossier ISRI sur les Risques Psychosociaux
Changement personnel ISRI - Photo Desir espoir espéranceLes espoirs, une bonne raison pour développer un projet. Cf. article ISRI : Aspirations du salarié : désirs, espoirs, espérance « […] le désir devient espoir lorsqu’un changement attendu plus important peut être réalisé (satisfait). L’espoir est donc lié à la préoccupation de sortir d’un état vers un nouvel état. [lire la suite…] »
Docteur en psychologie, président d’honneur de l’association française et francophone de psychologie positive, il est l’auteur notamment de :
« Guérir de son enfance« , Odile Jacob, 2004

et de « La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité« , Odile Jacob, 2012 Voir la libraire ISRI

Le lecteur peut aussi (re)lire le paragraphe intitulé
« Reconnaissance : estime de soi« 
dans l’article ISRI
« Comprendre le changement personnel : ce qui fait changer »
Tel qu’il est préconisé dans le programme POSACTION(9)Astuces de management n°4, solareh SA
Changement ISRI - Exemple malentendu Face à FacePar exemple, l’utilisation du ‘feuilletage organisationnel’ pour débusquer les malentendus et les incompréhensions. Voici un article additionnel ISRI présentant un exemple pour comprendre les malentendus :

Le changement personnel, un feuilletage organisationnel.

Marissa Ann Mayer, née le 30 mai 1975 à Wausau dans le Wisconsin, est une informaticienne et chef d’entreprise américaine. Elle occupe le poste de PDG de Yahoo ! après 13 ans chez Google en tant que vice-présidente responsable des services de cartographie et de géolocalisation.
Lire la suite sur Wikipedia
Lire, aussi, l’article suivant paru dans la Tribune : Yahoo prépare un grand virage stratégique pour redécoller
Changement ISRI - Thèse Thierry SIEBENBORNThèse présentée par Thierry SIEBENBORN (2005)
Une approche de formalisation du processus de changement dans l’entreprise
Changement ISRI – Tableau des méthodes (Thierry Siebenborn)
Changement ISRI - Tableau méthodes de changement - Thèse Thierry SIEBENBORN
Lire la thèse : « Une approche de formalisation du processus de changement dans l’entreprise »
La première partie du dossier énonçait les différentes explications aux résistances. Il convient, maintenant, d’ajouter un petit mot sur la vision ISRI à propos des résistances en considérant les aspirations, les désirs, les espoirs, l’espérance, les valeurs et les manières de faire des salariés comme nous les avons présenté dans plusieurs connexes à ce dossier, il est clair, chez ISRI, que la résistance au changement est considérée comme un leurre, une illusion. En ajoutant le feuilletage organisationnel à cette étonnante déclaration, nous affirmons que les salariés résistent en fait à une seule chose : l’image qui leur est donné du changement, souvent très pauvre. C’est la peur de ne pas arriver à changer qui est en cause, sur le fond, et la peur de la ‘perte’, principalement !

Tout est donc une question de PERCEPTION comme nous le précisions déjà plus haut dans cette troisième partie. En fait, nous croyons fermement chez ISRI que l’être humain est ADAPTABLE ! Qu’il est donc capable de CHANGER ! En ce sens, changer serait plus psychologique et culturel que procédural où tout serait rationalisé ! (NB : nous n’adhérons pas à l’idée que l’humain est l’agent du changement car nous pensons qu’il subit les événements plus qu’il ne les régente.)

« Comme le définissent eux mêmes les co-inventeurs de la méthode, Hammer et Champy, le BPR est « une remise en cause fondamentale et une redéfinition radicale des processus opérationnels pour obtenir des gains spectaculaires dans les performances critiques que constituent aujourd’hui les coûts, la qualité, le service et la réactivité ». En d’autres termes, le BPR se pose en méthode de « reconfiguration majeure » [Jacob, 1994] de l’organisation. Dans certains contextes particuliers comme, par exemple, lorsqu’il s’agit d’opérer une remise en cause profonde ou de mettre fin à certaines activités de l’entreprise, la méthode peut se révéler comme une solution incontournable. »(10)Thierry SIEBENBORN, une approche de formalisation du processus de changement dans l’entreprise, thèse, 2005, p.21.
Changement - BPRLa mise en œuvre successive et la supervision de ces étapes sont assurées par une équipe transfonctionnelle constituée généralement, voire uniquement, de collaborateurs du niveau hiérarchique le plus élevé, et formée :
            • d’un leader, chef du projet, activant la mise en œuvre des différentes étapes du projet
            • d’un responsable du processus sur lequel le changement va s’opérer
            • d’une équipe de Reengineering, ayant pour mission de diagnostiquer l’existant et de repenser le ou les processus à reconfigurer
            • d’un comité de pilotage, définissant la stratégie des actions menées et pilotant l’avancement du projet
            • d’un capitaine du Reengineering, responsable de la création des techniques et des outils de reengineering dans l’entreprise. (11)T. SIEBENBORN, une approche…, ib. p.24.
Pour de plus amples informations, nous invitons le lecteur intéressé par cette méthode du BPR à effectuer des recherches sur l’Internet.
De Kai qui signifie Changement, et Zen qui signifie Bon (pour mieux). Née dans les années 90 par le japonais Masaaki IMAI, la méthode s’axe sur une amélioration graduelle, ordonnée et continue, et impliquer tous les acteurs de l’organisation dans le changement mené.
Qui est concerné ?
De Quoi s’agit-il ?
Où ?
Quand ?
Combien ?
Pourquoi ?
Seiri : débarrasser,
Seiton : ranger,
Seiso : nettoyer,
Seiketsu : propreté personnelle – ordre,
Shitsuke : discipline – rigueur
Single Minute Exchange of Die – norme AFNOR NF X50-310
Système du Tout-ou-Rien
Logo ISRI pr ancien modèleEn effet, la mise en œuvre d’une telle méthode ne peut se réaliser sans une forme d’accompagnement et l’exercice d’un
Leadership les clés (ISRI)Si le lecteur est intéressé par le secret pour devenir un excellent leader, il pourra commencer par prendre connaissance du dossier sur le sujet ici.

Ce dossier est composé de trois parties, deux articles additionnels et un test : le test du leadership, conçu pour éclairer objectivement les modes relationnels. C’est un exercice d’auto-évaluation et d’évaluation.
.

Ce dernier vise les pratiques professionnelles existantes afin de développer, par la réflexion individuelle et collective, une interaction entre tous les acteurs visés par le changement.

Ce type de leadership suscite, en outre, des prises de conscience s’inscrivant dans une action où l’analyse des pratiques doit mener au développement de son propre modèle de pratiques et de ses propres compétences professionnelles pour l’accompagnement du changement.

Dossier Changement HUDSON ISRI courbe du deuil
Lire l’article complet : La roue de Hudson
Lettre ISRI FRANCE 1302 - Vignette : Intelligence émotionnelleLettre ISRI FRANCE 1302 - Vignette : Intelligence émotionnelle
Quelle que soit l’origine des risques psychosociaux (charge de travail, relations difficiles, conduites addictives, discriminations, harcèlements, etc.), leurs effets sont le plus souvent en lien avec une souffrance émotionnelle, silencieuse ou bien exprimée.
Lire l’article ISRI : « Une voie inexploitée pour prévenir les risques psychosociaux au travail : l’intelligence émotionnelle« 
Nous conseillons de lire ce tableau parallèlement à l’article additionnel ISRI La roue de Hudson.
Test du leadership ISRI FRANCE vignette

Notes de l`article   [ + ]

Juin 292014
 

Dossier ISRI FRANCELe changement : troisième partie
Le changement en pratique
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PROTOCOLE DE VALIDATION

Maintenant que nous avons livré dans les deux premières parties de ce dossier les éléments de théories suscités par notre interrogation sur le changement personnel, nous allons articuler les repères et les pistes qui ont émergées de notre expérience afin de rendre observable l’idée (c’est notre hypothèse) selon laquelle le changement personnel serait dû à la manière dont le salarié fait usage de la configuration de son entreprise. Par suite, nous construirons un modèle entre cette hypothèse et les axes théoriques du changement ; c’est-à-dire les représentations de l’individu (constructions singulières) et ses comportements dans la configuration (actions individuelles dans des représentations plurielles).

 

Troisième partie : liminaire


TROISIEME PARTIE : CHAPITRE 1 sur 3

le changement en pratique : PROTOCOLE DE VALIDATION

POUR COMPRENDRE LE CHANGEMENT PERSONNEL DANS LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

Avec ce chapitre « Le changement en pratique : protocole de validation », par la force des choses, nous sommes désormais amenés à synthétiser puis à expliciter, pour exploitation, les concepts d’individu, de configuration et de manières de faire ; mais également, d’usage de manières de faire et de statut d’individu.

NB : Pour mémoire, comme indiqué au début de la deuxième partie, le lecteur comprendra bien mieux notre développement s’il a pu lire les articles suivants :

Changement personnel - Photo IndividuLe changement personnel : individu, personne, personnalité Changement personnel ISRI - Photo ValeursComprendre le changement : les valeurs, importance et ambivalence Changement personnel - Photo Analyse ISRI
Optionnellement
La psychothérapie, le bras armé du changement positif

1) autour du salarié

1) Autour du salarié

Même si dans une entreprise on peut supposer ne rencontrer que des masques (des personnes en représentation, c’est-à-dire des personnages) qui représentent les identités de manière éthérées, une gestion des relations interpersonnelles doit y être organisée voire formalisée par les salariés(1)cf. article ISRI Le changement : individu, personne, personnalité.

Il s’agit, par exemple, de dépendances réciproques dans la configuration, de stratégies et de coups joués dans l’accomplissement des activités ou d’équilibre de tensions et de rapports de forces dans les rôles.

A retenir ISRINous envisageons donc un réseau de relations dans les entreprises où les salariés seraient liés par des agirs singuliers interdépendants. En particulier, ceux qui permettent de construire et de transformer leur « être relationnel » au sein de l’organisation (le service, l’équipe…).

Ainsi, lors de chaque action, un salarié en situation est susceptible d’exercer sur la figure globale de l’organisation (le service, l’équipe…) une influence basée sur le doit-être, le veux-être et le pouvoir.

A partir de là, avoir réfléchi sur l’identité(2)cf. Le changement : individu, personne, personnalité nous permet de la considérer comme un prisme autour d’une volonté d’existence par lequel d’autres aspects, par exemples la reconnaissance, l’appartenance ou les valeurs, sont reconnus, compris et examinés.

Ainsi, comprendre le changement des salariés à travers l’identité, nous a amené à nous demander quels étaient les facteurs sociaux, psychosociaux et les circonstances pouvant favoriser l’apparition de conduites spécifiques, motivations, intérêts et la sélection d’idées morales nouvelles.

Nous devons donc tenir compte, dans un changement organisationnel, LA MANIÈRE dont les salariés construisent leurs identités au sein de leur organisation (leur service, leur équipe…) mais également les transformations des identités.

Sur ce point, le salarié peut vouloir restaurer son image, rechercher une reconnaissance sociale ou se préparer à de nouvelles opportunités s’appuyant sur les fluctuations de la configuration. Dès lors, il est susceptible d’user d’un lien spécifique : l’identification.

Enfin, aborder les valeurs avec Scheler dans le phénomène de changement(3)cf. Comprendre le changement : les valeurs, importance et ambivalence a révélé l’importance décisive de la sympathie, de l’amitié et de l’éthique en tant que sentiment émotionnel pour la compréhension d’autrui. Nous projetons donc une éthique de base auquel chacun participerait ; c’est-à-dire construirait/modifierait.

En particulier, celle qui dépend des perceptions et des représentations qui, par suite, pourrait développer des règles collectives (même informelles) pour devenir le « contrat social » de l’organisation.

Ces représentations constituent les composantes du concept « statut d’individu » car elles sont sensées définir, dans les actions communes, l’individualisation des actes et de tous les systèmes sociaux que l’être humain développe pour devenir une personne sociale singulière, un individu.

2) Autour du concept de configuration

2) Autour du concept de configuration

Le contexte environnemental dans lequel évolue un individu nous a montré, avec Elias, l’impossibilité de dissocier l’individu de la société. Précisément, l’insuffisance d’analyser une configuration sans tenir compte du sens intentionnel des actions menés par les individus.

Il s’agit, par exemple, de formes d’interrelations qui s’entrecroisent et où le salarié pourrait exercer des actions synallagmatiques, des modifications de son expérience et de ses comportements.

A retenir ISRINous envisageons donc un rapport qui lierait réciproquement les salariés les uns aux autres au sein de l’organisation (le service, l’équipe…). En particulier, la solidarité peut faire l’objet d’un apprentissage par le salarié qui demande du temps empêchant l’immédiateté d’une présentation valorisante de soi. En fait tout dépend des intérêts et des motivations, c’est-à-dire des processus d’évolution, qu’il suit.

A partir de là, s’intéresser à l’identité nous a permis de saisir cette capacité à évoluer de l’être humain à partir d’un mixe de ses représentations réelles et symboliques distinguant le je, proche du cogito cartésien , d’autrui.

La configuration sociale particulière de l’organisation visée deviendrait alors celle des salariés dont les interactions pourraient être présentés comme la rencontre de la forme et du sens des représentations et des identifications.

Les identifications du salarié pourraient ainsi servir de base à la communication lors du passage à un nouveau stade de leur engagement, participation. Cette évolution s’exerçant à l’occasion d’échanges avec les autres, la portée de l’identification augmente.

Enfin, aborder les valeurs sous l’angle de la configuration nous a permis de soulever une hiérarchisation des attentes de l’individu. Nous projetons donc l’apparition de besoins à satisfaire par les salariés.

Autrement dit, la multiplicité des images, laissées à la variété des expériences vécues au sein de l’organisation (du service, de l’équipe…), devraient faire apparaître des possibilités d’individualisation à partir d’une recherche de satisfaction de besoins.

3) Autour des manières de faire

3) Autour des manières de faire

C’est autour du concept de manières de faire que le lecteur saisira mieux l’importance que nous attribuons à la configuration.

Dans la section précédente, nous avons distribué l’espace de la configuration selon un rapport qui lierait réciproquement les salariés à partir de leurs représentations. Lesquelles représentations devant servir de base à la communication.

Mais avec Certeau, nous avons appris que l’individu organisait sa communication comme un espace dans lequel, tel un joueur d’échec qui avance alternativement ses pièces en fonction de son adversaire, il joue des coups successifs.

Ces coups, loin d’être déstructurés, sont joués selon des tactiques et des stratégies, c’est-à-dire de manières intentionnelles.

A retenir ISRINous envisageons donc les transactions, les négociations du salarié dans l’usage permanent d’un entre-deux, d’un lieu qui le noue à l’autre dans les circonstances. En particulier, nous envisageons des ruses, des tactiques créatives singulières de la part du salarié dans des stratégies plurielles de branches.

A partir de là, avoir réfléchi sur l’identité nous permet de considérer cet entre-deux en tant qu’il ne saurait posséder une propriété formelle stable.

En fait, il varierait selon des clefs propres relatives au salarié.

A retenir ISRINous envisageons donc le salarié énonçant des coups joués (usage), grâce à des manières de faire, dans un lieu à la fois symbolique et habitable parce-que, les manières de faire du salarié suppose l’habitabilité circonstancielle d’un espace symbolique par des clefs d’accès, ses propres coups joués.

Enfin, aborder les valeurs sous l’angle des manières de faire nous permet de considérer l’habitabilité et les coups joués en fonction de la perception des valeurs par le salarié (émotion).

A retenir ISRINous projetons donc l’ajustement prioritaire de valeurs en tant que coups joués dans cet entre-deux.

Par exemple, pour s’intégrer, le salarié pourrait être amené à respecter et se soumettre aux systèmes de valeurs en vigueur ou en innover de nouvelles. Il pourrait, tout aussi bien, s’en écarter ; auquel cas il s’agirait d’un hors-lieu qui n’en demeurerait pas moins un lieu en tant que lieu autre.

4) Synthèse pour comprendre ce qui fait changer le salarié

4) Comprendre ce qui fait changer le salarié (synthèse des concepts)

La construction d’un schéma théorique explicatif du phénomène de changement permet de synthétiser l’explication de l’analyse des concepts appliqués en désignant les variables (individu, configuration, manières de faire) et les indicateurs (relations, identité, éthique, solidarité, représentations, besoins, entre-deux, valeurs. Ici, les indicateurs sont des appréciations subjectives exprimant des observations. Ce qui est observable et mesurable est le contenu ou le sens des discours) à mettre en relation et en donnant du sens à leur signification. Il devrait se présenter ainsi :

Changement personnel ISRI - Schéma Explication du changement

Ce schéma, envisagé fluctuant par nature (pour reprendre l’expression d’Elias) devra donc apparaître en évolution constante et mutation continue.

Ne fût-ce qu’un instant, il faut insister sur ce point qui, en particulier fait bien comprendre que ceci est possible parce-que les manières de faire seront toujours débattues et le micro-groupe (l’équipe, le service, le bureau…) évolue de façon libre et chaotique sous une éthique de base, même s’il existe des règles organisationnelles.

C’est ce que semble nous dire Lemos à propos de l’Internet : « on est en train de voir le développement d’un « écosystème » auto-organisant, informationnel et communautaire dans le nerf de l’infrastructure technique de communication. »

De plus, si la morale règle les conduites humaines et qu’elle concerne la raison et la perception (qui sont elles aussi humaines), alors le témoignage des négociations entre le salarié et son micro-groupe (l’équipe, le bureau, le service…), ainsi que l’examen de ses attitudes et comportements dans les contraintes de la configuration, c’est-à-dire dans les limites qu’imposent les transactions avec autrui, devraient nous donner de précieux renseignements sur ses manières de faire.

Il s’agira donc de repérer le salarié en tant qu’il produit des coups sans lequel il ne peut exister comme individu. Pour nous aider à ce repérage nous avons ordonné dans le tableau suivant un certain nombre de questions auquel le responsable du management devra répondre pour conduire et réussir le changement au sein de son organisation.

Mots clefs

Concepts

Individu Configuration Manières de faire
Personne (le salarié) • Quel sens du personnage mis en scène ?
• Quel comportement ?
• Quelle(s) motivation(s) ?
• Quelle place singulière ?
• Quelles actions réciproques, interdépendantes ?
• Quelles tensions dans les situations (sens) ?
• Quels « coups » joués ?
• Qu’en résulte-t-il ?
• Comment participe-t-il ?
• Comment définit-il ses intérêts ?
Identité Présentation de soi :
• Quelle identité personnelle ?• Quel devoir être ?
• Quelle volonté d’être (image produite) ?
Représentation des autres :
• Quelle identité sociale ?
• Quelle perception d’autrui ?
• Quel(s) repère(s) ?
• Quelle reconnaissance ?
• Que se joue-t-il ?
• Quelles interrelations, interactions, acculturation ?
• Quelle manière d’être ?
• Quelle(s) manières de créer, d’inventer ?
• Quelles successions d’ajustements des coups joués (négociation) ?
Valeurs • Quelle(s) images(s) perçue(s) ?
• Quelle émotion révèle les valeurs ?
• Quels besoins sont à satisfaire ?
• Quel(s) jugement(s) de valeur ?
•Quelle communauté de valeurs (préférences communes) ?
•Quels ressentiments (solidarité, sympathie) ?
• Quelle est la base d’évaluation de ses normes ?
• Quelles valeurs sont le produit d’innovations ?
• Comment s’y prend-il pour ajuster les valeurs du groupe aux siennes, détourner les normes, faire accepter ses propres valeurs ?
• Comment s’y prend-il pour coopérer ?


De ce tableau, tiré du modèle d’analyse que nous venons d’effectuer, nous voulons dégager les thèmes généraux pour le travail du responsable du changement qui souhaite tenir compte de ses collaborateurs.

C’est-à-dire, il observera et écoutera ce que les salariés lui diront de leur parcours personnel (identité), de leur trajectoire (individu), de leur engagement (personnage), mais surtout de leurs représentations (valeurs), de leurs préoccupations (besoins et intérêts) et de leurs manières de voir, leurs manières d’être, leurs manières de faire. Bref, ce qui fait LIEN entre l’organisation et ses membres, ce qui donne du sens aux dynamiques relationnelles, ce qui les fait changer.

Pour aider à la préparation, nous avons essayé d’en ressortir quelques préoccupations :

  • Eléments d’itinéraires :

Pourquoi et comment ils sont arrivés dans la structure ? Remonter aux origines devra permettre de relever les caractères des salariés au moment de leur entrée dans l’organisation, les identités déjà forgées, les valeurs originelles, les expériences antécédentes, leur situation professionnelle et familiale. Mais aussi les divergences, les diversités. Autant d’éléments susceptibles de déterminer un point de départ à leur changement : attente, projet, besoins, par exemples. Bref, tout ce qui a pu présider à leur entrée.

  • Nature des éléments évoqués lorsqu’on interroge les individus :

Qu’attendent-ils des activités de l’organisation et, plus précisément, du changement organisationnel ? Quelle image, quelle représentation en ont-ils ? Comment les jugent-ils (l’organisation et le changement organisationnel) ? Pour obtenir des réponses sur la position de chacun dans leur engagement, pointer les contradictions du statut d’individu confronté à une pratique relationnelle en tant que salariés exerçant une fonction au sein de l’organisation (professionnelle, syndicale…).

  • Situations vécues comme importantes, reconnues comme constructives, structurantes :

Quelles sont les stratégies développées selon leur position d’ascension ou de déclin à l’égard de leur engagement, à l’égard aussi des autres salariés ? Quelles sont les fortes situations ? Bref, ce qui nous permet de déterminer une configuration, les formes de jeux.

  • Construction du sens :

Quelles valeurs ? Quelle maturation de l’expérience vécue ? Comment se caractérise le mécanisme de dynamique ? D’engagement ? Qu’est-ce que le collaborateur en retient ? Ce qui doit permettre de relever les divers processus d’identification.

  • Adaptation/accommodation :

Comment les salariés, lorsqu’ils sont interrogés, ont-ils répondu à l’apparition de nouveau projet ? Dans quel délai se sont-ils engagés ? Est-ce que ça a été simple ou compliqué ? Comment s’y sont-ils pris ? Comment témoignent-ils de leur démarche ?

  • Pratiques et discours :

En les faisant parler de leur engagement, de leurs pratiques, on peut supposer arriver à percevoir leurs aspirations.

  • Et plus tard ?

Comment le salarié voit son avenir au sein de l’organisation (du bureau, de l’équipe, du service…) ? Quel comportement, par rapport à ce qu’il a vécu, peut-on déduire qu’il va adopter pour l’avenir ? De même, par rapport à ses aspirations émergentes, celles apparaissant au cours du changement organisationnel ? Ceci afin de déterminer s’il va continuer à s’engager dans son travail et par là se donner la possibilité de changer encore.

Ce sont ces thèmes que le responsable du changement doit chercher à renseigner par l’enquête, le dialogue et la communication

Conclusion : repérer le salarié changeant à partir d'un modèle d'analyse

Conclusion : repérer le salarié changeant à partir d’un modèle d’analyse

Changement personnel ISRI - Photo Modèle d'analyseDans la deuxième partie nous nous étions intéressés particulièrement au fait que le phénomène de changement personnel observable peut générer un réseau de questions et questionnements à partir desquels nous pouvons centrer le salarié en interrelation avec et dans l’organisation (le service, l’équipe, le bureau…).

Ainsi, nous avions pointé les concepts fondamentaux pouvant s’avérer être des pistes fécondes pour son intelligibilité. C’est-à-dire, comme nous l’avons montré, la question du changement pourrait être éclairé par les concepts et notions d’individu, personnage, identification, valeurs et configuration qui ont fait l’objet du développement (non exhaustif) dans la partie précédente pour éviter leurs confusions d’interprétations courantes.

Procéder ainsi nous a appris que le phénomène de changement personnel n’est pas « nécessairement provoqué par des changements de la nature extérieure à l’homme. […] Le seul environnement qui ait changé est l’environnement que formaient et que forment les hommes les uns pour les autres. »(4)Elias, N., La société…, op. cit., p.87 C’est pourquoi, analyser le concept d’usage de manières de faire s’est présenté comme un cadre pertinent.

Dans un même temps, nous avons démonté les mécanismes que ces concepts pouvaient exercer sur notre démarche de compréhension. Pour y parvenir nous avons mobilisé les travaux d’auteurs tels que Durkheim, Scheler, Elias, Certeau, entre autres pour finalement proposer la conclusion suivante :

« Plus un salarié use, dans une configuration, de manières de faire, plus ce salarié accède à un statut d’individu au sein de l’organisation changeante »

Ce qui signifie que :

A partir de ses désirs, ses espoirs et ses espérances à satisfaire ses besoins-aspirations, un salarié en tant qu’individu investit dans les dynamiques relationnelles pour en jouer ou bien profiter des circonstances pour les laisser jouer.

Pour parvenir à changer, ce salarié en tant que personne joue avec l’information qu’il donne de lui-même par la place qu’il s’accorde dans un jeu de dépendances réciproques qu’il contribue à former et changer.

Mais il le fait lors de moments d’échanges qui rendent visibles un lieu dans lequel il fabrique des stratégies et des tactiques propres à donner du sens à ses jeux.
Ainsi, il use de manières de faire singulières par un je sans cesse renouvelé sur la base d’un ensemble multiple de jeux, de je.

Néanmoins, accéder à un statut d’individu n’exergue pas l’individualisme. Au contraire, il faut bien entendre que cette personne/individu (non monade/Leibnitz) prend conscience de son individualité profonde (individuation/Jung). Démarche de conscientisation indispensable préalable permettant, ensuite, d’échanger et de s’enrichir auprès des autres personnes/individus.

Voici terminé le premier chapitre sur 3 de la troisième partie du dossier sur le changement. Dans le second chapitre, nous allons aborder l’aspect très pratico-pratique de ce dossier : l’élaboration d’un guide pour conduire et réussir le changement.

Lire la suite…

Pour en savoir +

Notes de l`article   [ + ]

Juin 292014
 

Dossier ISRI FRANCELe changement : deuxième partie
Comprendre le changement personnel
5/5
L’USAGE DE MANIÈRES DE FAIRE :
LA QUINTESSENCE DU CHANGEMENT

Ce dernier chapitre clos la deuxième partie sur le changement personnel. Ainsi, nous avons déblayé jusqu’à présent les principaux concepts directement liés au salarié en tant qu’individu pour mettre en exergue ses tactiques et stratégies d’adhésion ou de résistance pour conclure que le salarié était un inventeur de manières de faire. C’est cet « art de faire » du salarié dans le changement organisationnel que nous allons voir dans ce cinquième chapitre ; précisément quels jeux, tactiques et stratégies, tours, détours et contours il adopte pour assouvir ses besoins et ses aspirations. A partir de là, nous serons fins prêts pour élaborer un guide pratico-pratique, immédiatement applicable par le responsable du changement pour bien conduire et réussir le changement. Ce sera l’objet de la troisième et dernière partie de ce dossier.


L'usage de manières de faire : la quintessence du changement


Changement personnel ISRI - photo personne sur un échiquierDEUXIÈME PARTIE : CHAPITRE 5 sur 5

L’USAGE DE MANIÈRES DE FAIRE : LA QUINTESSENCE DU CHANGEMENT

Réseaux Sociaux partage ISRI FRANCE FlècheL’usage de manières de faire : la quintessence du changement

Si la présentation de soi suggère des manières de faire consistant en des manières de se présenter alors user de présentations de soi doit pouvoir révéler l’existence d’une logique de penser propre au salarié constitutive de ses intentions.

Ainsi, l’usage renvoie à l’utilisation des configurations (à travers diverses manières de faire, de penser, d’être, …) ; autrement dit, des manières de se présenter, se représenter et autres comportements et attitudes (afficher une apparence, investir physiquement les lieux, mettre en scène une identité positive, constituer un réseau de solidarité, …) C’est à partir des représentations du salarié-usager que nous pouvons repérer cet usage.

Pour le dire autrement, l’interprétation des représentations des configurations et les rôles endossés pour interagir doivent être complétés par l’interprétation de ce que le salarié « fabrique », « bricole », « braconne » pendant ces interactions.

En clair, après avoir montré l’existence de présentations de soi spécifiques aux circonstances du quotidien de l’organisation, il va s’agir d’aborder maintenant en quoi l’individu-salarié peut en « détourner » la logique pour son propre compte. Trouver le sens intentionnel de ces manières de faire nous conduit à mettre son changement au cœur de ces mécanismes.

Certeau dans « l’invention du quotidien » pose l’existence de deux mondes, celui de la PRODUCTION et celui de la CONSOMMATION ou des usages perçues comme des pratiques inventives et créatives, qui participent de l’invention du quotidien(1)Certeau, M. (de), L’invention…, op. cit., p.XXXVIII et suiv..

Il conçoit la consommation comme une « fabrication », une « poïétique » rusée, dispersée, silencieuse, quasi invisible qui s’oppose ou négocie avec le monde de la production dominante. Il cherche « à se placer dans la perspective de l’énonciation [qui] met en jeu une appropriation [,] instaure un présent relatif à un moment et à un lieu [et] pose un contrat avec l’autre (l’interlocuteur) dans un réseau de places et de relations. »(2)Certeau, ib., p.38-39.

A partir de nos missions dans les entreprises, nous avons découvert les modalités de ces quatre caractéristiques de l’usage (se placer, s’approprier, s’inscrire dans des relations et se situer dans le temps) ; ce qui va nous permettre de comprendre le changement à partir des opérations bricoleuses (usages) qui se construisent et se soustraient aux règles imposées et à l’influence des configurations.1) « Se faire une place »

1) L'espace : un lieu pratiqué

Réseaux Sociaux partage ISRI FRANCE Flèche1) L’espace : un lieu pratiqué

« L’espace est un lieu pratiqué »(3)Certeau, M. (de), l’invention…, op. cit., p.173. souligne Michel de Certeau, en associant la stabilité au lieu et la mobilité à l’espace.

Dans la configuration, le salarié exprime sa personnalité professionnelles et personnelle, il élabore sa vision du changement organisationnel, puis l’élargit au travers de prises de responsabilités en agissant (participation, investissement, rebellion, résistance…), par exemple ou en agissant pas ; ce dernier point étant, tout de même, une action.

Son expérience du lieu s’affine avec ses mois de participation pour finir par coller à la réalité du projet, à l’espace. Pour lui, cette expérience constitue des repères indispensables à l’aménagement de ses participations (ou résistances) et par là de ses manières de faire (se présenter, d’être, …), à fortiori pour celui qui est en ruptures avec le changement organisationnel et, à fortiori, s’il manquait déjà de repères par ailleurs, socialement ou filialement, par exemple.

Ce qui suggère l’appropriation de l’espace dans lequel il va (ré)inventer ses participations comme un remède à ses ruptures. Le rôle de l’imaginaire (une idéalisation, par exemple découlant de ses propres représentations est ici important.

2) S'approprier l'espace : une manière de faire individuelle

Réseaux Sociaux partage ISRI FRANCE Flèche2) S’approprier l’espace : une manière de faire individuelle

Ces attitudes d’appropriation de l’espace sont constitutives d’un espace personnel élargi au sein de l’organisation. Ainsi, il peut exprimer sa personnalité, s’approprier l’espace configurationnel de l’entreprise.

La question de l’usage de l’espace revient à saisir ce que celui-ci représente pour le salarié. Notre réflexion précédente avance l’hypothèse que les salariés s’engagent avec la perspective de réussir (leurs besoins-aspirations personnels mais aussi le changement organisationnel) rendant alors acceptables les efforts produits (l’usage de présentations de soi et autres manières de faire) et le risque de ne pas réussir.

Dans cette perspective nous déterminons une réciprocité : il n’y a pas de manières de faire sans l’existence de cet espace récipiendaire qui fonctionne comme polarisation et cadre préparateur aux changements.

A partir de là, la question à laquelle il nous est donné de répondre est : comment l’appropriation de cet espace(4)Plus précisément de ce lieu en tant que non-lieu qu’est finalement la configuration. par un espace personnel élargi peut-il être l’enjeu de ce qui est rendu visible (la manière de faire, de se présenter, etc.) ainsi que le souligne Certeau dans « L’invention du quotidien« (5)« L’écart entre les usages inventés et ceux constatés en posant l’existence de deux mondes, celui de la production, et de l’autre celui de la consommation ou des usages, perçus comme des pratiques inventives et créatives ». Certeau, M. (de), L’invention…, op. cit. ?

3) S'inscrire dans une relation : stratégies et tactiques

Réseaux Sociaux partage ISRI FRANCE Flèche3) S’inscrire dans des relations : stratégies et tactiques

En fait, l’appropriation de cet espace autorise le salarié à jouer des configurations selon des possibles de profits. Précisément, il transforme non seulement ses relations par rapport à ce qu’il a vécu, mais également ses présentations de soi ; il se place autrement face au projet de changement organisationnel pour devenir auteur, inventeur, créateur.

L’appropriation de l’espace se situe donc dans une sorte de mise en usage de cet espace pour espérer réaliser ses besoins-aspirations. Les usages constitués à l’intérieur des interactions prennent place et produisent des manières de faire que le salarié mobilise (présentation de soi, par exemple) lorsqu’il est en contact avec une configuration.

En clair, la configuration de l’organisation(6)(ou du changement organisationnel, ou de toute autre groupe comme le service, l’équipe, etc.) offre un cadre interrelationnel ; son usage permet son existence en tant que cadre favorisant les changements ; et les manières de faire l’optimisent par les changements mêmes. Pour ce faire, le salarié investit dans la configuration selon deux types d’opérations : les stratégies et les tactiques.

Avant d’aller plus loin, le lecteur aura tout avantage de lire ou relire l’article ISRI précédemment paru sur les manières de faire du salarié :

Changement personnel ISRI - Photo Echiquier
Le salarié dans son entreprise, un inventeur de manières de faire


Les stratégies

Changement personnel ISRI - Photo Echiquier TactiqueLorsque le salarié s’approprie (s’empare, use) l’espace par une présentation de soi (par exemple : participations, engagements, comportements…) il calcule les rapports de forces en jeux pour s’en servir de base à une gestion de celle-ci dans ses relations. Il joue, il ruse, il détourne la configuration et par là, les jeux, les ruses, les détournements des autres selon, par exemple, un style propre.

Dans cette logique du jeu de la ruse, du détournement, s’installe un rapport de dépendance entre ce calcul et cette gestion en même temps qu’elle dégage une marge de liberté ; en l’occurrence, le choix du style à employer.

Il va user ainsi de manières spécifiques de se présenter, appropriées à la circonstance, tirées de ses intentions et qui révèlent un lieu circonscrit comme un propre (Certeau).

Ce lieu propre est le lieu de ses intentions. Quand un salarié choisit une stratégie, ses jeux lui sont directement associés par un ensemble de résultats qui restent possibles compte tenu de toutes les stratégies dont disposent les autres salariés. Ainsi, il déploiera tous ses efforts pour réaliser ses motivations, ses besoins-aspirations, lui permettant de se distancer de ses ruptures, voire les cicatriser.

Son intention (que nous traduirons, ici, comme un but à réaliser) sera, dès lors, de veiller à réduire les éventuelles tensions au sein de son groupe ou, au contraire, les amplifier selon la finalité recherchée. Il donne un sens à ses intentions.

Cet usage de manières de faire, ses stratégies, autorise un degré de sécurité relatif à chacune d’entre-elles. Il s’intéressera alors à celles qui lui assurent le résultat le meilleur. Il s’assure ainsi et autant qu’il le peut contre le pire pour lui ; c’est-à-dire contre une contradiction des autres au sein de son groupe ou, plus largement, de l’organisation toute entière.

Pour y parvenir, il définit préalablement (consciemment ou pas) un point d’équilibre entre les meilleures réponses à la configuration. En résumé, le salarié s’approprie, se réapproprie, s’adapte, ruse, joue, détourne constamment. Bref, il change continuellement à l’endroit ou à l’encontre du changement organisationnel.

Les tactiques

Changement personnel ISRI - Photo TactiqueLorsque le salarié exploite (s’empare, use) de la configuration dans une situation relationnelle immédiate, ou lorsqu’il n’a pas le choix, il va chercher soit à tirer profit des forces existantes en leur temps opportun, soit les laisser jouer à son profit par des manières de se présenter, immédiates et circonstancielles. Il saisit ainsi l’occasion selon un art de faire des coups, une tactique qui signifie l’absence de propre (Certeau).

Les tactiques du salarié tentent ainsi de répondre aux besoins et aux préoccupations personnelles de l’heure mais restent relatives aux possibilités offertes par les circonstances et n’obéit pas à la loi du lieu, de la configuration, de la contingence. Elle est manipulation (forme d’usage) de l’espace dans l’immédiateté.

Autrement dit, le salarié fait preuve de créativité et d’invention en produisant des coups instantanés dans ses présentations de soi pour déjouer le jeu des autres. C’est ici que s’éveille son potentiel !

Certeau précise comment, devant les multiples détails de la vie quotidienne, les tactiques, engendrent une activité débordante : « il y a mille façons de jouer et de déjouer le jeu de l’autre, c’est-à-dire l’espace constitué par d’autres et qui caractérisent l’activité tenace, subtile, résistante, de groupes qui, faute d’avoir un propre, doivent se débrouiller dans un réseau de forces et de représentations établies. »

Un exemple de stratégie incluant des tactiques

Changement personnel ISRI - Photo Exemple TactiqueAinsi que nous venons de le souligner, le salarié trouve des façons de faire, des moyens de déjouer ou de composer avec la configuration pour arriver à ses fins.

Ce qui transparaît de nos missions sur le terrain c’est la capacité du salarié à personnaliser les usages de ses fonctions à des fins qui lui semblent le plus profitable, indépendamment du dessein initial de l’objet, c’est-à-dire indépendamment du but pour lequel il est à son poste.

En fait, il s’agit ici de choix, de sélections (de détournement stratégique) dans la gamme des possibilités offertes par l’organisation, pour tenter de répondre aux besoins et aspirations personnelles.

Ainsi, le salarié s’approprie un espace qui lui permet, en tant qu’usager, de jouer sur l’objet de sa fonction et, plus largement, de l’organisation ou de son groupe (équipe, bureau, service, agence…), tout en se passant des codes imposés par ces derniers (le corps de métier, par exemple), ou en tenant compte uniquement de ceux d’entre eux qui lui sont utiles dans la réalisation de ses propres objectifs. Ce que nous résumons par le tableau suivant :

Usage de la configuration
par les salariés
Configuration
(objet / mission)
Configuration
(étiquette)
Salarié
(besoins-aspirations équivalents
à ceux de la configuration
)
Salarié actif utilisation par les salariés
en tant que fin en soi
Salarié
(besoins-aspirations différents
de ceux de la configuration
)
Salarié actif si intérêt
sinon inactif
Utilisation par les salariés
en tant qu’outil


Ainsi, les salariés détournent parfois les outils, les utilisent à leur manière, avec leur logique, une logique de la ruse. Cette logique, « qui composent, à la limite, le réseau d’une antidiscipline », subvertie, du dedans pour en faire autre chose. « Alors, seulement on peut apprécier l’écart ou la similitude entre la production de l’image et la production secondaire qui se cache dans les procès de son utilisation. »(7)Certeau, M. (de), L’invention…, op. cit., p.XXXVIII. Leur mode d’emploi, se manifestant avec suffisamment de récurrence, correspond à des intentions, des préméditations.

En somme, face aux modes d’emplois prescrits par l’organisation, les salariés tendent à proposer des détournements de l’outil, des déviances de l’objet et des variantes de la mission, pour changer. Le sens donné à cet usage de l’organisation fait référence aux représentations et aux valeurs qui s’investissent dans l’usage de manières de faire.

4) Se situer dans le temps

Réseaux Sociaux partage ISRI FRANCE Flèche4) Se situer dans le temps

En fait, nous venons d’interpréter les usages en fonction des moments d’investigations que les salariés privilégient (appropriation par des stratégies, formation des usages et inventivité par des tactiques).

Pour résumer, les stratégies des salariés (déterminant un propre) sont une « victoire du lieu sur le temps »(8)Certeau, M. (de), L’invention…, ib., p.XLVII.. En effet, elles servent de base à une gestion de leurs relations ; c’est-à-dire, sont un véritable terreau de capitalisation des avantages permettant leur réutilisation.

Alors que la tactique dépend du temps parce qu’elle est immédiateté. Ce qu’elle gagne, elle ne le garde pas. Le salarié use de l’occasion.

La fréquence d’usage de tactiques et stratégies dans le temps nous permet de circonscrire les données sur les changements. Nous avons relevé sur le terrain qu’elles pouvaient être déstabilisées puis recomposées sous d’autres formes conduisant à une plus grande planification du temps. Ainsi, nous pouvons rendre-compte de la façon dont les salariés usent des configurations dans des temporalités spécifiques aux manières de faire.

Tours et détours : contours du changement

Tours et détours : contours du changement

Changement personnel ISRI- Photo Faire le pointRésumons-nous. La configuration en tant qu’offreuse de règles (c’est-à-dire une sorte de conditionnement, même si elle peut être mutuellement construite entre les salaréis au sein d’un groupe) conditionne le salarié selon une marge de liberté qui lui reste propre : ses intentions.

Les interactions entre l’offre et son utilisation (tactiques et stratégies) renvoient aux représentations (par exemples, sa dimension symbolique, les différentes images développées) du salarié.

La figure de celui-ci, rusé, subtil, bricoleur, capable de créer ses propres usages, apparaît comme celle d’un individu actif de son changement. Ses manières de se présenter (comportements, attitudes, …) répondent aux propositions de la configuration dans l’intention de se l’approprier et par là se donner quelques chances de réaliser ses besoins-aspirations.

Toutefois, la marge de manœuvre de ses manières de faire est limitée à la zone définie par toutes les manières de faire des autres salariés, réduisant sa marge de liberté et de pouvoir dont il est détenteur à un moment.

Autrement dit, l’appropriation de l’espace de la configuration permet de la comprendre comme un processus de création de sens, dans et par l’usage, dans toute sa dimension sociale. L’usage a ainsi une épaisseur socioprofessionnelle.

Dans cette perspective, l’usage fait partie intégrante des manières de se présenter et autres manières de faire, il vient s’y intégrer en même temps qu’il les transforme et transforme, simultanément, l’état du salarié ; c’est-à-dire, caractérise son changement.

Prenons un exemple. Nous avons parlé, plus haut, de style vu en tant que manière de se présenter ; l’interpréter, c’est interpréter un salarié qui a trouvé sa manière de dire(9)Ce qui nous amène, à énoncer une définition du style, celle de Greimas : « Le style spécifie « une structure linguistique qui manifeste sur le plan symbolique (…) la manière d’être au monde fondamentale d’un homme » » (Greimas, Aljirdas-Julien, Linguistique statistique et linguistique structurale in Le Français moderne, 1962, p.245). par une expressivité propre (manière de faire). C’est un art de faire, un savoir-faire pour comprendre, se distancer, faire le point, exister, se reconnaître, acquérir une identité, échanger, travailler sur soi, donner à être écouté, élaborer une pensée, évoluer, se dégager, se transformer voire se transcender, se sublimer et par là-même changer.

En effet, lorsque cette expressivité est authentique et tombe juste, son expression par une présentation de soi spécifique devient prégnante et porteuse pour le salarié ; il change en ce sens qu’il œuvre pour réaliser ses besoins-aspirations. Certeau parlait déjà d’une esthétique du savoir par un savoir-faire(10)« Le « retour » de ces pratiques dans la narration […] se rattache à un phénomène plus large, et historiquement moins déterminé, qu’on pourrait désigner comme une esthétisation du savoir impliqué par le savoir-faire », Certeau, M. (de), L’invention…, op. cit., p.110..

Ainsi, le style représente l’espace de ce que le salarié éprouve par rapport à ce qui est ou qui doit être à un moment donné. Les bénéfices sont donc tant au plan du savoir personnel que de la personne même. Il n’est plus tout à fait le même qu’avant, il évolue, il change en jouant de la configuration.

Ce qu’il est intéressant de voir finalement c’est que le salarié développe une créativité immédiate ou réfléchie (tactique ou stratégie) pour s’adapter aux situations et arriver à ses fins, répondre à ses attentes. Ce sont des temps d’ouverture à une socialisation (avec l’autre), porteuse d’autodidaxie (expérience-connaissance).

La façon d’utiliser la configuration est au fond tributaire de la façon d’user de manières de faire en tant que processus de socialisation propre à chaque salarié ; elles-même tributaire des différentes histoires et des règles propres des configurations à la fois modelées et modelantes. Si l’on considère qu’il peut trouver là une distance avec ses ruptures alors il change profondément, intérieurement, intrinsèquement.

Par cette autodidaxie, il acquiert de nouvelles manières de penser et d’agir selon un espace-temps de transition plus ou moins long : son espace personnel élargi. Elle constitue donc un mode d’apprentissage qu’il anime comme une ressource en quelque sorte dès qu’il est, par exemple, contraint d’inventer des solutions inédites à un problème particulier. Son changement nous est par là rendu intelligible.

La part de l'autre

La part de l’autre

Nous sommes arrivé au point de pouvoir rassembler un certain nombre d’éléments et sceller notre dossier pour souligner avec force un autre sens : la part de l’autre dans le changement.

A retenir ISRICe que nous avons interprété là est de l’ordre d’une mutation de fond individuelle, d’une singularité même si elle n’échappe pas à une certaine régularité ou peut être comprise par une loi. Sachant que l’expérience se soutient de généralités, de lois, qu’elle dépasse l’un pour toucher l’ensemble.

Dans nos exemples, il peut y avoir une sorte de ressemblance mais pas d’identité ; l’expérience (et son énonciation, usage de l’expérience, manière de faire) reste une singularité. C’est à partir d’elle que le salarié invente !

Bref, les manières de faire montrent un rapport intersubjectif en actes mais une singularité de l’expérience ; une similitude avec le changement organisationnel mais une multiplicité de coups joués singuliers. Une singularité qu’il nous faut donc entendre comme une construction par la pluralité. Ce qui témoigne de l’inscription du salarié dans un contexte socioprofessionnel configurationnel indispensable à la préparation de son changement.

Pour le salarié user de manières de faire revient donc à s’engager de manière singulière dans une pluralité de manières de faire. En effet, lors de nos missions, dans les énoncés, comme dans leurs énonciations, cela se marque par un « je » qui s’assume comme auteur propre et singulier.

Entre l’énoncé et l’énonciation, un lien. Ce lien est l’usage de manières de faire qui désigne la place que va occuper le salarié et où le singulier touche au général.

Cette place, outre le fait qu’elle soit au centre de sa construction, a la particularité de rencontrer un autre (un autre je) qui peut s’y reconnaître. Dans ce cas, le salarié a comme but de faire partager son expérience, c’est-à-dire de l’agir et de l’éprouvé. Il appelle ainsi « l’autre » pour le partager, l’évaluer (il joue un coup) et par là lui permet d’évoluer, de changer intérieurement. L’attitude de l’autre touche alors à des réactions d’empathie, de sympathie, d’antipathie (le coup précédent appelle un contre-coup) qui sont des modes de connaissances de la relation avec les autres.

Dans ses manières de se présenter, de se représenter la configuration amène à des manières de penser, d’agir. Ainsi, le salarié s’interroge, rend visible ses doutes et arrive immanquablement aux problèmes d’éthique. Il n’y a d’éthique que parce qu’il y a de l’autre. Chacun est à la recherche des gestes justes (tout du moins, qu’il croit justes), qui donnent de la dignité à ses actions, conduit finalement à la construction d’un ethos (Scheler).

Participer à cette construction le transforme parce-qu’elle est l’amorce d’une responsabilité qui reconstruit, à son tour, quelque chose de lui-même et de ses choix. L’usage de manières de faire épouse donc les situations communes par une singularité en même temps qu’il épouse la singularité des situations dans le commun.

Mais pour s’autoriser à changer de la sorte, un risque est à prendre car ce qui surgit dans l’interaction entre lui et les autres est sa subjectivité qu’il ne peut exclure. En ce sens, user de manières de faire correspond à un mode de restitution de ses sentiments : passions, amour, haine, rejet, masochisme. L’autre n’est plus alors seulement l’objet d’un regard extérieur, il est un confident.

Ainsi, l’usage de manières de faire prend la place des manières de faire même et marque ce que le salarié cherche à présenter. En effet, il se comporte, par exemple, de manière à gagner la sympathie des autres ! Son comportement moral tient compte du jugement de l’autre pour obtenir une appartenance, tout du moins, un allié dans le regard de l’autre.

Son identité est en train de revivre à nouveau (ou bien une nouvelle est en train de naître) par sa volonté personnelle (il change). Nous irons jusqu’à dire : au-delà des participations ou des fonctions mêmes, cette volonté est réaménagée pour que ses situations (les étiquettes allouées par sa fonction, son métier, l’organisation…) ne soient pas une charge pour lui. En fait, il se prépare à un changement continuellement et incessamment renouvelé dans une configuration qui structure ses manières de faire.

En effet, celle-ci est l’organisatrice des actions produites par les manières de faire. Elle vise à produire du contact, à former de nouveau micro-groupes, souvent informels, tels que « le clan des POUR » ou celui des opposants.

Ainsi, les projets sont moins des idées à développer que des idées à créer du lien social où les manières de faire témoignent d’un désir de réduire des ruptures ressenties, notamment avec « l’avant changement », de réaliser des besoins-aspirations. Leur usage élabore de nouvelles formes d’échanges socioprofessionnels.

Conclusion : l'art et la manière

Conclusion : L’art et la manière

A retenir ISRIEn somme, l’usage de manière de faire est une tension entre des aspirations et les craintes que celles-ci suscitent en même temps que cette tension est indispensable au changement individuel dans un cadre configurationnel de changement organisationnel.

Finalement, dans ce deuxième chapitre sur 2, nous venons de caractériser les séquences et les procédures qui marquent un changement d’état pour le salarié au travers de l’usage de manières de faire qu’il fabrique.

De la sorte, il s’approprie une place dans les configurations (un propre dans lequel il joue en stratège et tacticien) à partir de laquelle il va pouvoir dire les choses ; c’est-à-dire user de manières de se présenter (de dire, d’être, …).

Cette place a donc un sens, du sens. Un sens parce-qu’elle constitue l’espace personnel nécessaire à sa participation ; du sens parce-qu’elle est l’espace (au sens certausien du terme, c’est-à-dire un lieu pratiqué) à partir duquel il va jouer, ruser, fabriquer, détourner, bricoler, investir sa présentation de soi, ses manières de faire, d’être, d’agir, de penser.

Le salarié changeant est, en conclusion, la figure exemplaire qu’impose l’invention d’équivalences de codes, la réorganisation des systèmes. Il montre qu’il est possible de se déplacer entre le passé et le présent pour l’espérance d’un avenir, d’un devenir, qu’il peut inventer d’autres images de référence, dont l’ensemble finit par donner forme à une nouvelle représentation de soi et en jouer, en user pour répondre à ses attentes et par là se préparer à changer, puis changer et finalement changer continuellement.

De cette créativité naissent ses engagements, il change en même temps qu’il s’affirme comme un individu par rapport aux autres.

En fait, le salarié est un joueur ; sa salle de jeu est un théâtre où la dépendance des relations donne une idée de similitude et de réciprocité mais aussi de complémentarité entre sa singularité, son je et la pluralité des autres je.

Cela l’amène à user de tactiques et de stratégies dans lesquelles il fait preuve de créativité pour chercher le meilleur résultat, en même temps qu’il définit un point d’équilibre dans ses relations. Son acte (l’usage) est singulier, son action (la manière de faire) est la preuve visible de ses changements en cours.

Ainsi, le salarié est un individu pluriel changeant qui ne peut pas être pensé comme Robinson Crusœ mais dans une pluralité d’individus changeants, une configuration.

Ainsi, les relations interpersonnelles et les interactions révèlent la fabrication de l’espace, sorte d’entre-deux, bâtie autour de l’usage de manières de se présenter et qui portent les traces de la configuration dans laquelle les participations prennent place pour répondre aux attentes (du changement organisationnel, par exemple) et par là permettre le changement du salarié.

Cet usage participe à la construction et au renforcement d’une ambiance, qui fut si souvent énoncée par les salariés interviewés lors de nos missions, et par extension, au renforcement d’une identité groupale.

En résumé, comprendre les raisons du processus de changement personnel du salarié DANS le changement organisationnel c’est rendre compte des dynamiques relationnelles qui caractérisent les rapports. Ainsi, nous avons pu rendre visibles quelques matériaux participants du phénomène observé. Ainsi, nous avons pu décoder les schèmes opératoires réalisés par les salariés. En clair, nous avons repéré cinq mécanismes fondamentaux des manières de faire et de leurs usages :

  • une recherche de satisfaction des besoins-aspirations pour transformer les ruptures en mieux-être,
  • une mobilisation des représentations pour les utiliser dans les différents contextes où ils risquent d’en avoir besoin,
  • des présentations de soi adaptées pour s’intégrer dans une configuration,
  • des stratégies singulières pour interagir,
  • des tactiques individuelles pour acquérir ou conserver sa place.

Lorsqu’une configuration favorise ces manières de faire, les salariés usent de tactiques et de stratégies et se trouvent motivés par leur relations. Ils deviennent acteurs de leur changement et participent !

Alors GARE A CELUI QUI N’EN TIENT PAS COMPTE !
Car, le potentiel humain est la seule richesse permettant d’optimiser le changement organisationnel, sinon c’est l’éviction par la concurrence !


Dans la troisième partie de ce dossier, nous tiendrons compte de ce que nous venons d’exposer afin d’en extraire un guide opérationnel permettant de conduire et réussir le changement.

Pour en savoir +

Notes de l`article   [ + ]

Juin 292014
 

Dossier ISRI FRANCELe changement : deuxième partie
Comprendre le changement personnel
4/5
PRÉSENTATION DE SOI : LES JEUX, LES ENJEUX

Nous venons d’interpréter le phénomène de changement à partir des besoins-aspirations du salarié (ou d’un groupe : bureau, équipe…). Nous avons conclu que ces besoins-aspirations étaient un entremêlement d’intérêts à satisfaire et de représentations. Précisant que cet entremêlement peut donner naissance, à son tour, à de nouveaux besoins-aspirations selon une circularité de satisfaction provoquant une ré-interprétation des systèmes de valeurs. Cette ré-interprétation permettant, ainsi, de solutionner les éventuelles discordances dans les interactions et interrelations.


DEUXIÈME PARTIE : CHAPITRE 4 sur 5

présentation de soi : les jeux, les enjeux

PRÉSENTATION DE SOI : LES JEUX, LES ENJEUX

Considérant que la satisfaction des besoins pouvait être appréhendée dans les dynamiques relationnelles. Autrement dit, maintenant que nous avons interprété ce qui semble se jouer dans la participation des salariés, c’est-à-dire satisfaire des besoins-aspirations, il nous faut traiter de la manière dont ils s’y prennent pour y parvenir, leurs manières de faire.

En fait, les comportements des salariés apparaissent proches des notions de stratégies et de tactiques. Comme nous l’avons déjà écrit dans un article, les stratégies, des manières d’agir pour atteindre un objectif et les tactiques, des habiletés inventées au coup par coup (Certeau).

Nous allons donc expliciter comment les interactions et interrelations rendent visibles les tactiques et stratégies qui les ont rendus possibles.

Dès lors, se pose la question des jeux de relations, de ce qui fait leur trame, c’est-à-dire, quelles manières de se représenter, communiquer, s’identifier. Pour le dire autrement, nous allons pointer, ci-après, les stratégies et les tactiques exercées par le salarié dans son rapport aux autres, dans sa (re)présentation à l’autre. Nous ne tiendrons pas compte des aspects hiérarchiques car indépendamment des postures de réserves, de pouvoirs et autres, les articulations psychologiques des tactiques et stratégies restent les mêmes.

Nous allons considérer au préalable la nature des manières de faire. C’est-à-dire, « plus qu’il n’y est représenté, l’homme ordinaire donne en représentation »(1)Certeau, M. (de), L’invention, op. cit., p.14.. Ce qui va nous permettre de montrer en quoi il y a logique d’action chez le salarié.

Changement personnel ISRI - Photo EliasLes travaux de Norbert Elias (photo ci-contre) faciliteront notre compréhension « de la manière dont les individus pensent leur rapport au monde »(2) Elias, N., La société…, op. cit., p.19..

Elias a été conduit à considérer la société en tant qu’elle est interdépendance des individus. Pour lui, « l’objet propre de la sociologie […] ce sont des individus interdépendants. »(3)Corcuff, Philippe, Les nouvelles sociologies, Nathan, coll. 128, 1995, Les formes spécifiques de ces interdépendances formant une configuration, comme nous l’avons vu dans le premier chapitre de cette deuxième partie.

Il a été amené à partir du concept de configuration, a étudié « comment […] la représentation de l’identité des personnes, dans la relation entre la référence au nous et au je, est variable. »

Ce qui nous oblige à préciser la part d’influence des interrelations et des interactions dans le phénomène de changement individuel du salarié. En nous référant à Elias, une entreprise peut être pensée au travers de ses salariés (une association au travers de ses adhérents…) et les salariés peuvent être pensés par leurs interactions et leurs relations les uns avec les autres.

Changement personnel ISRI - Photo GoffmanNous allons traduire pour rendre intelligibles les manières de faire du salarié. Pour nous y aider nous nous réfèrerons aux travaux d’Erving Goffman (photo ci-contre) parce-qu’il assimile le monde à la scène d’un théâtre où les relations sociales tiennent des représentations et les individus, dans leurs interactions de face-à-face, des rôles d’acteurs soumis à des règles indispensables : la manière de se représenter, l’idéalisation de sa place, l’image de soi et l’identification à un groupe social.

Nous allons donc interpréter maintenant ces deux notions de configuration (interdépendance) selon Elias et de présentation de soi selon Goffman à partir des dynamiques relationnelles couramment repérées dans les organisations lors de nos prestations.

1) La configuration, un réseau de relations réciproques

1) La configuration, un réseau de relations réciproques

Nous avons souvent noté sur le terrain, dans les entretiens avec les salariés, une détermination qu’ils avaient à se produire, à jouer un rôle dans les relations interpersonnelles et l’impression qu’ils veulent donner aux autres ou qu’ils perçoivent des autres. Cette détermination prenant forme à partir de « l’attraction vers des objets perçus, représentés ou imaginés »(4)Chombart de Lauwe, P.-H., La culture et le pouvoir, L’Harmattan, 1983, p. 272. pour fournir des buts au salarié : les besoins-aspirations à satisfaire. Il peut s’agir, par exemple, une identification par un langage commun, de signes particuliers, développés au sein d’un corps de métier, d’une équipe ou, plus simplement, pour communiquer(5)Par exemple les smiley ; -) ou les abrégés (A+)..

Ce type d’identification abstraite fonctionne ainsi à partir d’images mentales, de concepts comme le bonheur ou le fait d’être bien dans sa peau.

Tout en étant l’expression d’aptitudes et d’intérêts personnels ou collectifs cette détermination est également la résultante de ce qu’Elias appelle les interdépendances entre individus.

Le concept de configuration permet d’envisager à la fois l’interdépendance croissante des relations sociales au sein d’une organisation et l’exigence faite à chacun de s’affirmer singulièrement, comme un individu. En effet, cette détermination, est entretenue et cherche à se réaliser non pas en vase clos, mais en interaction avec et dans une configuration.

Dans cette perspective, nous considérons une organisation comme l’environnement, le lieu, l’espace où les salariés sont liés les uns aux autres par un ensemble de dépendances réciproques, selon un équilibre de tensions plus ou moins stables. Cet équilibre, à l’instar d’Elias, a la capacité d’influer sur la figure globale de l’organisation, la rendant fluctuante, donc changeante.

Ceci nous conduit à considérer les salariés comme des êtres sociaux pris dans les relations d’interdépendances c’est-à-dire, à envisager leurs comportements, leurs participations ; par extension, essayer d’éclaircir le changement observé (participation ou résistance), sous l’angle de configurations socioprofessionnelles.

Une organisation est donc un milieu spécifique de socialisation et de professionnalisation, une configuration au sens de Norbert Elias. Les salariés y sont en perpétuelle négociation dans la mesure où, par son caractère incertain et contradictoire, la participation (ou la résistance) suppose de la part des salariés-acteurs(6)…même ceux qui n’agissent pas sont des acteurs ! un processus coordonné et interactif de construction des actions, d’interprétation des activités, de définition des priorités, de compréhension des objectifs, etc.

La configuration articule ainsi trois niveaux d’interprétation, constituant une succession de niveaux croissants : participations, régulations sociales et conventions de fonctionnement ; et ne prend de sens que dans leurs perpétuelles interactions.

Le maillage du tissu social d’une organisation, qui même lorsqu’il est très vaste et/ou très spécifique, n’est jamais que des « systèmes-personnes » en relations, se déforme et se transforme nécessairement en même temps que ceux-ci.

Prestation - Supervision ISRIPetite astuce à l’usage du responsable du changement :
Il apparaît d’autres configurations d’aspect différents et éphémères dont il faut absolument tenir compte. Le « temps café » en est un exemple. Le « café » est avant tout un lieu de relations sociales et d’échanges. Ce moment crée une configuration spécifique en tant qu’unité de temps, unité de lieu, unité d’échanges. En effet, il est le nœud de rencontres multiples, le lieu informel où les salariés peuvent se retrouvent, l’endroit incomparable où se tissent, au gré de l’instant, les discussions les plus aberrantes, les projets les plus fous avant de disparaître et réapparaître ensuite sous la forme d’une nouvelle configuration identique sur le fond et différente sur la forme de la précédente, les salariés et les centres d’intérêts ayant changés quelquefois. Cet exemple est significatif de la nature des configurations et de ses fluctuations.


La configuration d’une organisation désigne donc un vaste réseau d’interdépendances de toutes sortes (inter-services, intra-équipe, intra-entreprise, par exemple).

De cette approche, les salariés et les groupes qui composent l’organisation se combinent différemment, engendrant à chaque fois une nouvelle configuration sociale, donc de nouvelles conditions d’échanges. Le salarié va ainsi s’insérer dans une multitude de configurations au sein desquelles il agit, se différencie.

Toutefois, d’une manière plus générale, les objectifs des salariés constituent une part importante des éléments constituant la représentation du groupe (équipe, service…) par ceux-ci. Insistant sur le fait que les configurations variantes représentent, elles-mêmes des configurations à parts entières, cela laisse supposer que les objectifs globaux de satisfaction des besoins-aspirations (personnels et collectifs) soient réellement présents partout de la même façon quelles que soient les conditions de fondation des configurations. La recherche de satisfaction des besoins-aspirations faisant office d’invariant.

Mais, pour qu’il y ait véritablement interaction plusieurs conditions sont à réunir. Il faut que les salariés acceptent un minimum de normes communes, aient un passe de complicités libres, s’engagent dans l’échange, adaptent leur comportement aux circonstances et situations. C’est ce que nous allons développer maintenant à partir des représentations de soi aux autres et de la perception de soi par les autres, formes d’interactions.

2) Idéaliser sa place par la séduction et la manipulation

2) Idéaliser sa place par la séduction et la manipulation

Simultanément de l’apparence et de la manière, la représentation produite par le salarié englobe un processus d’idéalisation. Il tente, en effet, de paraître meilleur à ses propres yeux ainsi qu’aux yeux des autres. Il agit dans le contexte d’une recherche de valorisation de soi. Ce qui participe de son changement puisque, par là, il a intérêt à ce que ses relations l’emportent temporairement sur ses autres considérations dans le but d’une amélioration de soi cohérente. Il agit alors par une stratégie de détours.

N’oublions pas qu’il cherche à satisfaire des besoins-aspirations ; notamment celui de séduire pour exister, de manipuler pour arriver à ses fins.

C’est pourquoi le salarié-personnage entre dans un processus d’idéalisation dont on voit pointer la socialisation au sein de l’organisation ; celle qui maintient le masque d’une attitude devant être perçu positivement par les autres au risque de ruptures (résistance, démission, licenciement…). Pour y parvenir, le salarié use de stratégies de détours en tant que moyens à la satisfaction. Sur le terrain, nous en avons relevé deux principales : séduire et manipuler.

La séduction est avant tout une présentation de soi, un acte d’artifices, une stratégie du charme et des promesses. Quand le salarié séduit, il joue un rôle pour attirer l’autre. Ce rôle est celui d’un hypnotiseur. Mais, cette séduction n’est pas sans ambiguïté ni double-fond dans la mesure où elle imite un langage par lequel le salarié affirme son identité.

Quant à la manipulation, elle est une technique, autre forme de stratégie où l’autre devient une cible à malaxer en vue d’une fin, c’est l’art du pharisaïsme.

Par ces deux stratégies le salarié veut convaincre de l’utilité de sa place. Par là, il use des stratégies de séduction et de manipulation afin d’idéaliser sa place et se valoriser, se donne, en fait, un pouvoir (par exemple), une image de soi sympathique en tant que pouvoir de persuasion.

Il s’agit bien là d’une stratégie de détours, d’un détournement des sentiments. Nous y voyons au fond une sorte de tromperie(7)Tromperie qui n’est pas nécessairement vicieuse. Elle peut, en effet être altruiste en même temps qu’elle peut servir les desseins du trompeur. Après réflexion, peut-être y a-t-il tromperie envers lui-même d’abord. Il semble, en fait, se convaincre inconsciemment qu’une fin honorable justifie le moyen de manipulation ? parce que le salarié use d’une parole secrète ou d’une attitude camouflée en décalage avec l’argument lui-même : trouver les mots justes pour stimuler un autre membre, faire en sorte que l’autre accepte un contenu qu’il n’aurait pas approuvé autrement.

Pour prendre un exemple du terrain, ce fût exactement le cas, dans une petite commune, où une mise en œuvre stratégique a permis au premier adjoint au Maire de convaincre l’opposition à faire le compte-rendu d’un projet de contournement de la ville.

A retenir ISRIEn résumé, séduire et manipuler c’est faire croire et entrer par effraction pour convaincre, persuader dans le but d’atteindre une fin valorisante pour soi. Mais le risque est grand, en ce sens, une représentation de soi condamnée par le mensonge ou l’escroquerie (ou perçue comme tels), mettrait en danger les rapports sociaux et la personnalité même du salarié. La reconnaissance espérée ou acquise peut ainsi disparaître constituant une source d’insatisfaction générant une résistance ou une démission, par exemple.

L’interaction sociale au sein d’une configuration n’est donc pas neutre, ses enjeux, par voie de conséquence, sont considérables : satisfaire des besoins-aspirations, gages d’un changement organisationnel facilité.

3) S’adapter, une tactique pour être

3) S’adapter, une tactique pour être

Sur l’ensemble de cette deuxième partie en cinq chapitres, il ressort une idée importante selon laquelle les impressions données à l’autre dans les représentations de soi des salariés sont exposées à des distinctions. Selon les circonstances le personnage-salarié peut se produire de diverses manières ; de même qu’il peut donner une impression différente au regard des autres. Ce qui suggère une adaptation circonstancielle des présentations de soi.

Rappelons, ici, l’omniprésence des (englobantes, préalablement intériorisées, nouvelles ou modifiées) qui gèrent les relations interpersonnelles à leur base. Pour n’en rappeler que quelques-unes : échanger (la communication), faire confiance (la confiance). « Ainsi, une présentation de soi réussie renforce l’image positive que les autres ont de nous et celle que nous avons de nous-même. »(8)Fisher, Gustave-Nicolas, Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, Dunod, 1996, p.188.

Ce qui veut dire, la manière de se représenter du salarié se situe dans sa capacité d’adaptation aux circonstances et situations. Il s’agit là d’une improvisation, un jeu tactique ; c’est-à-dire une gestion au coup par coup de la présentation de soi à l’autre. Cette interaction, image-de-soi/capacité-d’adaptation, se produit au sein des organisations par une gestion de la présentation de soi dans la configuration. C’est-à-dire, une évaluation permanente et immédiate de ce qui est désirable et de ce qui est jugé possible. La réponse circonstancielle et subite alors envisagée par le salarié dans ses rapports lui permettra de saisir au vol l’adéquation entre la présentation de soi et la représentation de soi par autrui afin de mettre en œuvre une tactique (au travers d’une communication non verbale appropriée à la situation, par exemple).

L’image que le salarié a de soi et des autres est en fait une condition élémentaire pour travailler avec les autres et pour arriver à s’entendre avec les autres dans les configurations.

Changement personnel ISRI- Photo Bon à savoirEn clair, il s’agit pour le salarié de faire reconnaître, dans un système fluctuant, toujours changeant (la configuration), son rôle et son identité par une présentation de soi idoine en même temps qu’il accepte ou rejette l’identité des autres. Il acquiert ainsi par l’expérience de ses interactions une aptitude à user de l’ensemble des normes et des valeurs mises en jeu dans sa présentation pour s’adapter. Dès lors les membres d’une même se trouvent placés dans une relation étroite de dépendances mutuelles.
Nous comprenons beaucoup mieux, dès lors, l’indispensable obligation qu’ont les responsables du changement de tenir compte de ses collaborateurs et, beaucoup mieux, d’en réveiller le potentiel pour réussir le changement !


Nous dirons en résumé, la présentation de soi est une façon pour le salarié d’aborder la vie de l’organisation, de prendre contact avec les autres, une façon de mettre en valeur sa personnalité, ses traits distinctifs qui le caractérisent, l’individualisent, le singularisent : c’est « l’écriture de soi » et la « lecture de l’autre ».

La présentation de soi peut être considérée comme des actes dans le sens où ils véhiculent une dimension en terme de mise en scène (Goffman).

La présentation de soi, c’est aussi une attitude simulatrice dupant l’entourage. Ainsi, la configuration de l’organisation finit par ressembler à un théâtre dans lequel les salariés-personnages jouent avec les projets, trompent les autres tout en sachant qu’ils ont besoin des deux pour satisfaire leurs besoins-aspirations. Pour synthétiser notre interprétation nous avons construit le schéma suivant (cliquez pour agrandir) :
Changement personnel ISRI - Représentation de soi
De la représentation de la configuration de l’organisation et de la présentation de soi dans cette configuration nous dirons finalement qu’elles participent véritablement au changement des salariés. Autrement dit, pour changer, ce dernier exerce nécessairement des présentations de soi au sein de la configuration dont il a une représentation personnelle.

En même temps, l’image de sa présentation aux autres, la conscience du jugement que l’autre porte sur lui et les sentiments positifs ou négatifs qui en résultent (et par là, l’image de soi) évoluent.

En clair, les représentations de la configuration sont construites à la fois objectivement et subjectivement. En effet, la présentation de soi aux autres des salariés, comme extériorisation par rapport à soi, agit en retour de manière contraignante sur eux, la réalité de la configuration est objectivée ; comme produit des représentations et des participations, agit en retour intériorisée par eux, elle est subjectivée. Cette réciprocité, voulu ou non, de soi vers l’extérieur et inversement, participe du changement du salarié.

Lire la suite…

Pour en savoir +

(Re)Lire le paragraphe c) Appartenance : émotions et valeurs du Chapitre 1/5 : Qu’est-ce qui fait changer ? Ainsi que l’article additionnel suivant : Comprendre le changement : les valeurs, importance et ambivalence
…d’un même groupe, d’un même service, d’un même bureau…

Notes de l`article   [ + ]

Mai 152014
 

Le changement : Des organisations à l’individu… et vice versa ! (1re partie)
RÉSISTANCES, EST-CE BIEN RATIONNEL ?
(2me chapitre)

Dossier changement résistance ISRISignifier le changement organisationnel conduit inexorablement à signifier la question de la résistance. Celle-ci est généralement perçue négativement par les directions car elles évoquent viscéralement la résistance au changement lorsqu’elles sont confrontées à un échec. Pourtant, l’analyse psychosociologique et notre expérience sur le terrain montrent que les gens ont de bonnes raisons de ne pas vouloir changer.

 

Question de départ

RÉSISTANCE AU CHANGEMENT : EST-CE BIEN RATIONNEL ?

Chaque fois que les consultants ISRI interviennent dans une organisation ils sont confrontés à une réalité contradictoire : d’un côté, la perspective de changements ambitieux émis par les directions, d’un autre côté les obstacles et la résistance à ces changements par les salariés.

Or, lorsque nous interrogeons les salariés, la plupart d’entre eux veulent que « ça change » et souvent la demande est convergente avec le changement programmé de l’organisation. Alors que se passe-t-il ?

A. Les raisons pour ne pas changer

A. Les raisons pour ne pas changer

Dans le premier chapitre, nous avons rappelé que Michel Crozier avait montré la rigidité du système bureaucratique et les différents jeux de pouvoir.(1)M. Crozier & E. Friedberg, l’acteur et le système, seuil, 1977 dont un chapitre est consacré au « changement comme phénomène systémique » in Prépa IFCS, Victor Sibler, Ed° Lamarre, 4è éd°, 2008, p.238.

Michel Forsé et Henri Mendras ont résumé les travaux de Crozier et Friedberg : « Les acteurs ne sont pas attachés de façon passive à leur routine : tout le monde est prêt à changer rapidement s’il y trouve son compte, mais en revanche, on résistera en fonction des risques encourus avec le changement ».(2)Le changement social, Armand Colin, 1983.

Par ailleurs, une enquête menée par le Laboratoire Technique Territoire et Société à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées à la fin des années 90, a montré que les salariés de base vivaient dans une forte incertitude lorsque l’évolution rapide de l’organisation mettait, tour à tour leur service (leur atelier, leur groupe…) en position alternée de force et de faiblesse créant, ainsi, de l’incertitude.

Or, en situation d’incertitude, l’être humain reste prudent, sceptique et une telle situation qui perdure, apprend au salarié de douter de tout…

Si à cela, l’encadrement fait l’objet de rotations rapides, les exigences sont contradictoires (faire mieux, plus vite, moins cher…) et les ordres s’annulent les uns les autres, la situation amène à des résistances, finalement, bien rationnelles !

B. Les explications aux résistances

B. Les explications aux résistances

Nous aborderons dans ce chapitre quelques explications aux résistances de manière succincte uniquement car la partie 3 de ce dossier y revient en détails pour en présenter une manière pratique de les gérer.

1) Les résistances individuelles au changement

D’après Kotter et Schlesinger il y aurait quatre raisons majeures de résistance individuelles au changement :(3)Krotter JP.P Schlesinger L.A. et al., organization : text, cases and reading on the management of organizational design and change, Homewood, III, R.D. Irwin, 1979, in Réussir le changement, Marsan C., De Boeck, 2008.

  • l’intérêt individuel prime sur l’intérêt de l’organisation,
  • le manque de confiance dans les responsables du changement,
  • la peur de ne pas développer les compétences demandées et les comportements attendus,
  • la perte du connu, des acquis.

Collerette, Delisle et Perron, quant à eux, parlent principalement de peur et d’une préférence pour la stabilité : l’inconnu, perdre ce que l’on possède, remettre en cause ses compétences…

Ces explications, non exhaustives, des résistances individuelles au changement posent la question des valeurs, de la manipulation, du contrat moral, autant de thèmes que nous aborderons dans la partie 2 de ce dossier. Pour l’heure, passons aux résistance organisationnelles.

2) Les résistances organisationnelles au changement

De nombreux auteurs ont mis en évidence l’inertie structurelle des organisations et l’importance de l’institutionnalisation des buts pour assurer leur survie et leur pérennité(4)Hannan M.T., Freeman J., 1989, Boeker, 1989, Kimberly, 1979. Ce sont précisément, ces points qui induisent des résistances au changement.

Une origine parallèle de résistances réside dans la perte des privilèges et des acquis au sein de l’organisation.

Par ailleurs, un facteur très important siège dans les normes, les valeurs, la culture d’entreprise dont certains traits d’attachement ont une incidence sur l’aptitude à changer.
Enfin, pour mener à bien le changement, un responsable des actions doit être clairement identifié et reconnu, sinon, on court le risque de l’inertie, de l’apathie et de la routine.

3) Les résistances politiques au changement

Les syndicats, les lobbies, les personnes influentes sont des éléments importants dont il faut tenir compte car ils peuvent orienter les décisions des acteurs.(5)C. Bareil, La résistance au changement : synthèse et critique des écrits, HEC Montréal, Cahier de recherche n°4, août 2004.

4) les résistances collectives au changement

D’après Carton(6)Éloge du changement : leviers pour l’accompagnement du changement individuel et professionnel, Village mondial, 1997 in C. Marsan, op.cit., les formes collectives de résistances au changement sont au nombre de quatre : l’inertie, l’argumentation, la révolte et le sabotage. En quelques mots, voyons ces résistances collectives :

L’inertie est une absence de réaction au changement même si les personnes laissent entendre qu’elles acceptent le changement.

Un changement non argumenté sur le fond et/ou sur la forme ne sera pas intégré.

La révolte est toujours précédée de menaces et se caractérise de plusieurs manières : grève, recours à la hiérarchie, demande de mutation, démission… elle survient lorsqu’un salarié est incapable d’ajuster sa réalité à celle du changement proposé.

Le sabotage, technique pernicieuse, visant à déstabiliser l’initiateur du changement. Elle consiste en une révolte sous une apparente soumission. Elle prend souvent la forme d’un excès de zèle ou/et la formation de réseaux de contestations sous-jacents.

C. Que constatons-nous, en fait ?

C. Que constatons-nous, en fait ?

Prestation - Supervision ISRIPour résumer la résistance au changement organisationnel, nous ferons une constatation : la résistance n’est pas systématique, elle est souvent induite par la manière dont est introduit le changement.

Autrement dit, dès lors que l’on considère les émotions, les affects et les identités de toutes les parties prenantes, les résistances sont amoindries. Ce qui nous amène à faire la transition vers le corollaire du changement organisationnel, à savoir :

le changement personnel (chapitre 3).

Pour en savoir +

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Juin 062013
 

Dossier ISRI FRANCELe changement : deuxième partie
Comprendre le changement personnel
3/5
DU BESOIN DU SALARIE A SES ASPIRATIONS

Chapitre 3 sur 5 :
JEUX, TACTIQUES ET STRATÉGIES
Ce troisième chapitre
sur 5 (de la partie #2 du dossier sur le changement personnel) vient appuyer ce que le développement du chapitre 1 et du chapitre 2 ont permis de démontrer, à savoir, l’incontournable démarche consistant, pour les entreprises, à tenir compte SINCÈREMENT et VÉRITABLEMENT du potentiel de leurs collaborateurs ; au risque d’éviction par la concurrence !

 

Liminaires

Comprendre le changement :

Du besoin du salarié à ses aspirations


Liminaires :

Pour une parfaite compréhension de ce chapitre 2 « Comprendre le changement : du besoin du salarié à ses aspirations » du dossier sur le Changement Personnel, nous invitons le lecteur à prendre préalablement connaissance des articles additionnels ISRI suivants. Ces articles font parties du dossier complet et abordent l’explication de nombreux concepts indispensables à une bonne compréhension du phénomène de changement :

Changement personnel ISRI - Photo Echiquier
Le salarié dans son entreprise,
un inventeur de manières de faire
(tactiques & stratégies)
Changement personnel ISRI - Photo Desir espoir espéranceAspirations du salarié :
désirs, espoirs, espérance

Jeux, tactiques et stratégies

DEUXIÈME PARTIE : CHAPITRE 3 sur 5

DU BESOIN AUX ASPIRATIONS :

JEUX, TACTIQUES ET STRATÉGIES

Nous nous sommes intéressés jusqu’ici aux liens entre individus, aux projets qu’ils pouvaient mener, aux valeurs qu’ils pouvaient partager. Nous avons pu montrer que ces besoins étaient compris dans les dynamiques relationnelles.

En d’autres termes, le salarié réunit des circonstances nécessaires à la satisfaction de ses attentes pour s’en emparer. Il investit, ainsi, dans la dynamique relationnelle pour en jouer. Dans un deuxième cas de figure, le salarié peut trouver dans les dynamiques relationnelles les circonstances nécessaires à la satisfaction de ses besoins. Sans s’en emparer, il profite, néanmoins, des circonstances qui sont réunies, il les laisse jouer.

L’engagement du salarié semble donc guidé par la satisfaction de ses attentes, de ses besoins.

Or, les besoins à satisfaire n’ont de sens qu’en étroite liaison avec la nature et l’importance que le salarié leur donne. Ce qui suppose de tenir compte d’une certaine hiérarchie des besoins.

En fait, cette hiérarchie des besoins est celle dont la satisfaction permet au salarié de progresser, d’atteindre un état supérieur sans qu’il s’en rende compte. Par exemple, l’adhésion à un projet correspond à un changement de comportement passant de l’intérêt à la participation, entraînant une modification de l’échelle des valeurs.

Ainsi, en se référant à la théorie d’Abraham MASLOW, le salarié trouve, à travers sa participation « les racines de la satisfaction de ses besoins personnels par les contreparties que lui apporte l’entreprise »(1)Maslow Abraham, (Motivation and personality) New York : Harper and Row, 1954 in Tissot Jacques (Marketing /vente), publication de la MIFI (Maison de l’innovation et de la formation industrielle), 1995.

Pour Maslow, la notion de besoin est proche de celle de valeur ; les valeurs sont vues comme des représentations cognitives des besoins. Pour simplificatrice qu’elle soit, la pyramide de Maslow propose une hiérarchisation par émergence. A chaque fois qu’un niveau de besoin est atteint l’homme cherchera à satisfaire le niveau supérieur. Il pose la « réalisation de soi » comme la clef de voûte de toute vie psychique : « un processus de développement personnel, de réalisation de soi, se déclenche chez l’individu et l’anime d’une manière dynamique. »

Mais, pour Paul-Henry CHOMBAT DE LAUWE il serait « vain de parler des besoins des hommes sans tenir compte de leurs aspirations, de leurs intérêts, de leurs systèmes de représentations et de valeurs. »(2)Chombart de Lauwe, Paul-Henry, Pour une sociologie des aspirations, Denoël-Gonthier, 1971, quatrième de couverture.

En clair, ce seraient moins les besoins que nous devrions prendre en considération que les aspirations. Nous envisageons donc compléter immédiatement la notion de besoin selon Maslow par la notion d’aspiration de Chombart de Lauwe. Parce-que, s’ouvrir à la théorie des aspirations permettra de faire ressortir les motivations les plus profondes des salariés, c’est-à-dire leurs désirs, leurs espoirs et leurs espérances.

La satisfaction des besoins-aspirations est donc un élément constitutif de la participation du salarié. Mais, cette satisfaction des besoins-aspirations s’effectue dans les dynamiques relationnelles et leurs articulations.

Ce qui veut dire qu’elle se déroule dans les interactions ; particulièrement sous la forme de dépendances d’intérêts communs et de réciprocité. C’est pourquoi la participation des salariés, au regard des travaux de Norbert ELIAS, peut-être posée en termes de« dépendances réciproques qui lient les individus les uns aux autres. »(3)Elias, N., La société…, op. cit., p.12. : « comme au jeu d’échec, toute action accomplie dans une relative indépendance représente un coup sur l’échiquier social, qui déclenche infailliblement un contrecoup d’un autre individu limitant la liberté d’action du premier joueur. ». Ib., p.13.

Aspirations et dynamiques du changement

1) Aspirations et dynamiques de changement

Jusqu’à présent nous avons rapporté que la raison d’être de l’engagement du salarié est commandée par la recherche de la satisfaction de besoins personnels.
Nous avons été amenés à souligner que les dynamiques relationnelles reliaient (ou pas) les salariés entre eux pour préciser qu’elles représentaient la forme, l’espace, le lieu dans lequel ils pouvaient construire cette recherche de satisfaction.

Nous pouvons, alors, conclure que le salarié investit ou profite des circonstances pour y parvenir, se trouvant ainsi dans une relation de type socio-économique avec les autres salariés, d’une part, et avec l’organisation, d’autre part.

Nous allons maintenant expliciter cette notion de besoin afin de rendre intelligible les processus de satisfaction des salariés au sein même de l’organisation. Il nous semble nécessaire de nous appuyer dans un premier temps sur les travaux du psychologue Abraham Maslow parce-qu’il a centré ses explications de l’activité comportementale sur le rôle fondamental de cette notion de besoin.

Pour lui, les besoins assureraient les orientations de l’individu vers l’obtention de buts spécifiques(4)En résumé, l’humain est vu comme un être se dirigeant vers son plein épanouissement (la réalisation de soi). Cette approche suppose l’existence du Moi et insiste sur l’importance de la conscience et de « la conscience de soi ». Le but serait donc de permettre à tout individu de se mettre en contact avec ses émotions et ses perceptions afin de se réaliser pleinement, c’est-à-dire, atteindre la réalisation de soi. Pour Maslow, le comportement est aussi notre désir conscient de croissance personnelle.Ainsi, Maslow a construit une hiérarchisation des besoins sur cinq niveaux(5)Selon Maslow, les besoins humains sont organisés selon une hiérarchie où, à la base, on retrouve les besoins physiologiques élémentaires et à son sommet, les besoins psychologiques d’épanouissement, sociaux et affectifs d’ordre supérieur. Ce seraient ces besoins qui créeraient la motivation humaine. A la fin de sa vie, Maslow rajoute les besoins spirituels en sixième besoin, tout en haut de sa pyramide suggérant le dépassement de soi.

Nous laisserons de côté le premier niveau, les besoins primaires, lié à des déterminants physiologiques(6)Besoins physiologiques fondamentaux (et biologiques) sont de l’ordre de huit : faim, soif, sommeil (repos), élimination, respiration, sexualité, évitement de la douleur, protection de l’environnement par le logement. En clair, ce sont les besoins dont la satisfaction est importante ou nécessaire pour la survie. pour ne retenir que les besoins secondaires(7)C’est-à-dire : besoins psychologiques, sociaux et affectifs d’ordre supérieur., dont la spécification est la plus intéressante pour la suite de ce travail parce-qu’ils résultent de l’expérience et des habitudes acquises par le salarié dans l’environnement de l’organisation.

Ce qui pousse à agir

2) ce qui pousse à agir

(Des aspirations à la satisfaction des besoins)

Lorsqu’un niveau de besoin est atteint l’individu (l’individu, de manière générale, le salarié, en l’occurrence) cherchera à satisfaire le niveau supérieur. Ce qui signifie qu’à chaque fois qu’un niveau de besoin n’est pas satisfait, le salarié se raccrochera au niveau immédiatement inférieur.

MAIS, la validité de ce classement hiérarchique n’a pu être vérifié en pratique ; comme nous allons le voir, la réalité n’est pas aussi statique. Elle présente des va-et-vient entre les différents besoins.

Cependant, ce classement constitue un instrument méthodologique que McGrégor et Peter Drucker(8)Drucker, Peter, Le Management par objectifs (Management of results), 1964 in Encyclopædia Universalis à Drucker P. ont utilisé pour élaborer la notion de direction par objectifs plutôt que par contrôle.

Ce principe inspirera, aussi, vingt ans plus tard Inglehart dans ses travaux sur le post-matérialisme et Paul-Henri Chombart de Lauwe qui a cherché à établir une sociologie des aspirations. Ce sur quoi nous reviendrons un peu plus loin. Comme eux dans leurs recherches, nous garderons la présentation habituelle sous forme de pyramide de la hiérarchie des besoins de l’homme définis par Maslow car elle facilite notre compréhension initiale et nos interprétations.

Changement personnel ISRI - Schéma Pyramide de Maslow
Échelle de la hiérarchie des besoins selon Maslow dite « pyramide » de Maslow
(cliquez sur l’image pour l’agrandir)

La pyramide de Maslow nous permet de situer dans sa hiérarchisation, les besoins des salariés-individus. Pour nous expliquer nous aborderons la notion de confiance ; parce-que nous avons pu constater dans nos prestations ISRI que la satisfaction des différents niveaux de besoins de cette hiérarchisation se déroule chez le salarié dans un climat de confiance et aboutit à un résultat efficace en terme de quantité, qualité et délai.

De plus, la confiance semble être un supra besoin, une condition à satisfaire réciproquement d’autres besoins. Ce qui va nous permettre d’élargir nos interprétations sur des besoins dont la satisfaction conditionne d’autres besoins.

La confiance est un élément souvent énoncé par les salariés lors de nos entretiens sur le terrain dont nous pouvons donner deux interprétations des conditions de sa réalisation.

L’une à connaissance consciente, sanctionnée par les attentes fondées du salarié, par exemple, la reconnaissance d’un projet mené.

L’autre qualifiant un certain type de rapports humains. Par exemple, une forme d’amitié bienveillante autorisant des liens de solidarité sans obligatoirement aller jusqu’à l’intimité.

La confiance s’établissant par le moyen d’échanges particuliers (obligations, solidarité, par exemples) définies par des relations asymétriques que chacun occupe dans l’organisation. L’une et l’autre de ces explications conduisant le salarié, dans l’organisation, à satisfaire un besoin relationnel.

Pour résumer, si un climat de confiance est présent (satisfait) il devient possible de s’engager (mais pas obligatoire ! D’autres éléments peuvent jouer, nous allons le voir) dans un (des) projet(s) et/ou rendre possible la satisfaction d’un besoin de lien social lui même basé sur la recherche de satisfaction d’un besoin d’échanger. C’est au fond l’argument de Maslow : satisfaire un niveau de besoin afin de pouvoir passer à un niveau de besoin supérieur.

Mais réciproquement, cet échange est aussi attente. Le salarié attend de celui avec qui il est en interaction qu’il agisse dans un cadre définit par sa position, son rôle, celui de supérieur hiérarchique ou de collègue de travail, d’adjoint ou de collaborateur, par exemple.

Ainsi, la relation d’échange devient indispensable pour comprendre le phénomène de changement parce-que sa réciprocité est conditionnée par la condition de confiance en tant qu’elle est attente, vis à vis de l’autre, du respect des règles connues des deux. La confiance comme une assurance, en quelque sorte ; l’assurance du respect des règles.

C’est la raison pour laquelle le rejet des règles exclut celui qui se rendrait coupable de transgression. Nous voyons là une sorte de « code interne » du comportement. Mais si les relations entre les salariés peuvent être réglées par l’échange basée sur la confiance, peut-on les comparer aux relations entre micro-groupes (les services, les équipes, les bureaux) ?

Ainsi, si les besoins de sécurité psychologique de la pyramide de Maslow (niveau 2)(9)Besoins économique, physique comme la protection, le confort, l’absence de menace, l’environnement organisé, etc. « ne peuvent pas être la base d’une motivation profonde et prolongée »(10)Tissot Jacques, Consultant, livre Marketing /vente 1995, publication de la MIFI (Maison de l’Innovation et de la Formation industrielle), l’originalité de l’environnement organisé de l’entreprise peut être situé à un autre niveau de cette hiérarchisation, précisément au niveau 3 : « besoins sociaux, besoins d’appartenance ».

Prestation - Supervision ISRIParce-que nous avons souvent relevé dans nos accompagnements ISRI que ce que semble voir le salarié de son organisation est une réponse à ses besoins d’appartenance à un groupe (le service, le bureau, l’équipe, l’agence…), c’est-à-dire à des micro-groupes(11)Michel Maffesoli parle de « tribus » : « le tribalisme rappelle, empiriquement, l’importance du sentiment d’appartenance, à un lieu, à un groupe, comme fondement essentiel de toute vie sociale. ». Maffesoli, Michel, Le temps des Tribus, La table ronde, 2000, p.XII.

Paul-Henri Chombart de Lauwe, quant à lui, parle d’unité de vie sociale : « l’unité de vie sociale est une unité de vie quotidienne, une unité d’usage, une unité de relation […] Elle a une existence. » Chombart de Lauwe, P.-H., op. cit., p.128, voire à l’organisation toute entière aussi ou seulement.

A plusieurs reprises, au moment des entretiens que nous avons eu l’occasion d’effectuer dans les entreprises, les salariés ont exprimé cette appartenance. Dans certains cas, c’est l’étiquette du métier exercé qui autorise un sentiment d’appartenance.

A partir de là, nous pouvons voir cette appartenance micro-groupale (que d’autres appelleraient tribale(12)Michel Maffesoli a proposé la métaphore de la « tribu » pour prendre acte de la métamorphose du lien social (Maffesoli, M., Le temps…, op. cit. p.III).ou unité de vie sociale) comme un « idéal communautaire »(13)Maffesoli, M., Le temps…, ib. p.XII., une reconnaissance à satisfaire.

Cette « organisation communautaire idéale » permet, dès lors, une double communication : intra-groupes (de salarié à salarié) et inter-groupes (d’un service à un autre service ou d’une équipe à une autre équipe, par exemple).

Ainsi, le besoin de relation ne se limiterait pas seulement à la satisfaction d’un besoin d’échange mais s’élargirait sur un besoin de communication en tant qu’échange. Notamment à partir de l’idée de réciprocité et de dépendance de l’échange. Il ne s’agit donc pas, ici, de communication en tant qu’elle puisse être émission – canal de transmission – réception – feed back. Ce qui veut dire au fond, la satisfaction des besoins d’échanges et de communication fusionnent pour satisfaire un besoin de relation.

Sur cette idée, John Adair(14)ir John, Le leader, homme d’action, Top, 1991 in Chibber, M.L., Leadership, Sai, 1998, p.40 ne distingue plus le but d’un projet et l’individu. Il inventorie les besoins de chaque projet selon trois orientations intimement liées :

  1. les besoins du projet, c’est-à-dire, définir, organiser, attribuer les tâches, contrôler la qualité et le rythme,
  2. les besoins du groupe, c’est-à-dire, être un exemple personnel, discipline, esprit d’équipe, motivation, responsabilisation, communication, formation du groupe et
  3. les besoins individuels (valorisation, connaissance de chacun, utilisation des capacités personnelles, formation).

Une telle fusion comprend entre autres : l’institutionnalisation du dialogue, une définition précise des tâches, une information rigoureuse, la fixation d’un ordre de distribution de celles-ci, le renouvellement de certaines fonctions.

Changement personnel ISRI - Photo communication-échange

Schéma de la fusion des besoins pour une communication en tant qu’échange

Ce schéma fait apparaître que les relations au sein des organisations s’inscrivent dans une interaction satisfaisant les besoins de communication en tant qu’échange des salariés.
Cette interaction, consiste en une multitude de situations où les salariés sont plus ou moins positionnés et/ou en attente/recherche de participation.

Simultanément, ces comportements prévoient évidemment l’élaboration d’un « code externe » définissant les rapports du groupe (le bureau, le service, l’équipe, l’agence, le site…) avec l’ensemble de l’organisation voire avec l’extérieur (clients, partenaires, relations, organismes financiers…).

Changement personnel ISRI- Photo Faire le pointLes points importants sont :

  1. reconnaître, ici, le caractère interactif du groupe et
  2. susciter aux salariés un comportement qui se conforme à ces codes (internes et externes). Suscitation exercée par le truchement de valeurs englobantes, celles de l’organisation, d’où l’importance de l’existence de valeurs fortes notamment fondatrices.

Pour exprimer différemment ce dernier point, même s’il y a une distinction de l’organisation en plusieurs groupes (services, équipes…) qui suivent leur propres règles et qui ont une certaine autonomie les unes vis-à-vis des autres, l’image perçue des valeurs de l’entreprise a la pouvoir d’intervenir et d’influencer les relations à l’intérieur de l’organisation et des groupes. Ceci étant possible parce-que les besoins sont satisfaits dans le cadre d’échanges fondés sur une relation de confiance de qualité (code interne) dans une structure qui donne les moyens, forme une contingence, pour que cet échange existe (valeurs englobantes).

Si nous avons mis en évidence une corrélation entre la structuration en groupes de l’organisation et un « idéal communautaire » dans les groupes (qui, par déviance, peut engager une « guerre des services »), elle nous permet seulement de la voir en tant que psychologie de métavaleurs et métabesoins(15)Cf. la pyramide de Maslow. Si nous nous arrêtons au point 4 de la pyramide c’est parce-ce que Maslow croyait que c’est précisément à ce type de besoin que la majorité des gens s’arrêtent. A fortiori, nous n’aborderons pas le point 5. D’autant que pour lui la réalisation de soi (qu’il appelle aussi actualisation) n’est jamais complètement atteinte et toujours à rechercher davantage. du salarié : la confiance, les échanges, la communication.

Ainsi, par là même, le salarié pourrait être vu plus passif qu’actif. C’est-à-dire, qu’il pourrait être considéré dans ses changements uniquement au travers de choix successifs liés à des intérêts plus ou moins grands.

Or, nous l’avons constaté particulièrement actif dans ses changements lors de nos prestations ISRI. Ceci s’est présenté dans les entretiens lors de situations où un même besoin peut s’énoncer, s’affermir et s’opérer graduellement.

Ici, se pose, donc, le problème de la satisfaction des besoins du salarié ou plus exactement la réalisation de ses aspirations. Nous voulons dire par là, l’espérance de voir se réaliser ses aspirations.

Chombart de Lauwe définit l’espérance en tant qu’elle : « correspond à une attitude globale de tout l’être qui, au delà des désillusions et des espoirs déçus, garde une raison de vivre malgré les échecs qu’il rencontre »(16)Chombart de Lauwe, Paul-Henri., Pour une sociologie des aspirations, Denoël-Gonthier, 1971 p.36. De même qu’il a défini l’espoir : « L’espoir est une attente du maintien d’un état auquel on attache une grande valeur, de la réalisation d’une situation nouvelle pour soi-même ou pour un groupe plus ou moins large auquel on appartient. L’espoir est lié au soucis, à la contrainte, à la préoccupation dont on veut sortir, à la peur de perdre ce que l’on possède et en même temps à l’avènement d’un ordre nouveau de conditions nouvelles dans lesquelles une plus grande liberté sera réalisée. » Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie…, ib., p.35-36.

Espérance qui est donc (en même temps qu’elle permet) une dynamique à connotation positive (en l’occurrence l’engagement, la motivation) et autorise le salarié à s’engager, c’est-à-dire à faire évoluer ses attitudes et comportements. En un mot, changer !

Autrement dit, les aspirations peuvent jouer un rôle dans l’évolution des relations à l’intérieur d’un groupe voire dans toute l’entreprise.

Mais alors qu’est-ce qui motive ces aspirations ?

Pour suivre Maslow, c’est la satisfaction des besoins du niveau 4(17)Besoin d’indépendance, d’autonomie, d’estime (de soi et des autres), par exemple la reconnaissance et le prestige, la compétence, etc., c’est-à-dire la « valorisation de l’individu » en tant que tel, et non pas dans le but de s’approprier la « fidélité » du salarié. qui va permettre de motiver le salarié.

Petite astuce à l’usage du responsable du changement :Prestation - Supervision ISRICe besoin utilise des moyens comme l’implication dans la prise de décisions, des projets, donner la possibilité d’être fier de ce qu’on fait, de ce qu’on est, de se sentir capable de réussir ce qu’on entreprend, d’être respecté par les autres, d’être apprécié, reconnu, etc.Dans cet objectif, il faut se demander comment vos salariés expérimentent leurs propres valeurs comme objectif de changement. Ici, nous pouvons faire place à une vision globale des aspirations, qui inclut, non seulement les aspirations matérielles, mais également les aspirations sociales et de pouvoir. En substance :

  • sur le plan matériel, le salarié changeant aspire à des conditions matérielles qui développent ses possibilités de développement personnel
  • sur le plan social, le salarié souhaite l’estime, la reconnaissance de son engagement et de ses efforts, l’amitié, ainsi qu’un climat humain environnemental positif, de confiance ;
  • sur le plan du pouvoir, le salarié souhaite comprendre ce qu’il fait, participer à l’orientation de ses activités, à leur organisation ainsi qu’au contrôle des résultats de son ouvrage.


Maslow(18)Maslow, A.H., Motivation…, op. cit. Cf. aussi notamment Argyris, Chris, Participation et organisation, Dunod, 1970. affirme qu’une fois les aspirations satisfaites, « un processus de développement personnel, de réalisation de soi, se déclenche chez l’individu et l’anime d’une manière dynamique. » Celui-ci entre alors dans la maturité et adopte un comportement d’adulte.

C’est ce que nous avait suggéré, sur le plan philosophique, Nietzsche dans « les trois métamorphoses »(19)Voir le premier chapitre qui pose le problème et que nous adaptons dans ce travail pour la cohérence de notre interprétation.

Le salarié (l’enfant de Nietzsche, c’est à dire l’adulte en devenir) est capable d’agir sur la réalité extérieure et maîtriser son environnement ; il soumet son action à l’épreuve des faits ; il unifie sa personnalité par son œuvre ; il n’y a plus d’écart entre le réel et la vision qu’il en a, il n’y a plus d’écartèlement entre ses aspirations et son ouvrage.

Le salarié est alors capable de construire, de créer ; et cette capacité est essentiellement dynamique. C’est ainsi que le salarié, qui remplit une mission volontairement choisie (en conséquence, dont il s’est rendu responsable), entre dans un processus de développement continu : il fixe plus haut l’objectif suivant et ainsi de suite jusqu’à la pleine utilisation de ses possibilités(20)Cf. la pyramide de Maslow.. Il change !

De la même manière, les conditions du comportement de maturation (maturité) se ramènent à la notion de responsabilité. Pour paraphraser Nietzsche : l’homme qui ne peut être responsable risque de ne jamais devenir un adulte, mûrir (évoluer donc changer).

Mais, l’exercice de la responsabilité suppose une certaine autonomie, une liberté dans le choix des moyens, une compétence suffisante et une possibilité de la développer, un certain contrôle sur les résultats de son travail.

Changement personnel ISRI- Photo Bon à savoirDans nos entretiens, sur le terrain, ces différents points de liberté, autonomie et responsabilité (qu’il faut comprendre, ici, en tant que choix), sont apparus de façon récurrentes. Ainsi, dans leur engagement, les salariés constatés changeants, font ressortir l’absence de divergence entre les aspirations personnelles et les possibilités offertes par l’organisation et les projets menés par leur service ou leur équipe. Ce qui témoigne de l’adéquation ou de l’influence de l’organisation de l’entreprise, d’une part ; celle des représentations du salarié et des systèmes de valeurs(21)Chombart de Lauwe précisant : « Les groupes poursuivent un but en fonction […] d’ensembles de représentations, de systèmes de valeur. Pour les individus, […leur] accomplissement n’est possible que dans […] des groupes auxquels [il] participe et dont il partage plus ou moins les aspirations. » Chombart de Lauwe, P.-H., Pour une sociologie…, op. cit., p.18.du service ou de l’équipe, d’autre part.


Il est dès lors possible de faire un premier inventaire des besoins-aspirations du salarié changeant : reconnaissance et appartenance, autonomie et liberté, responsabilité.
Ces besoins-aspirations correspondent, dans nos prestations ISRI, soit à des éléments extérieurs, comme l’image, la notoriété de l’entreprise ou la liberté de choisir sa participation à un projet ; soit à des éléments subjectifs, tels la perception, le raisonnement et l’action de manière à transformer une situation existante ; soit les deux : extérieurs et subjectifs.

Paul-Henri Chombart de Lauwe suppose l’intégration sociale par une « aspiration à la considération » et « un besoin de ne pas être déconsidéré. »(22)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, op. cit., p.16

A la reconnaissance se superpose « une aspiration à passer à un état jugé par lui [(le salarié)] supérieur, à obtenir des objets ou un statut auquel il ne pouvait pas jusqu’ici prétendre. »(23)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib. Nous permettant de relever, dans notre hypothèse, « plus le salarié accède à un statut d’individu. »

Les aspirations du salarié changeant sont orientées par des images, des symboles liés à des représentations. En d’autres termes, les besoins sont des pulsions et les aspirations des désirs(24)« Le désir est un mouvement de l’être vers un objet que l’on ne possède pas, ou de conservation et de développement d’un bien que l’on possède. Spinoza le présentait comme « un appétit accompagné de la conscience de lui-même ». Mais cette conscience peut être claire ou confuse. […] La tendance qui correspond au désir peut porter le sujet […] vers un état vague évoqué à travers des images parfois très flous. Dans ce cas le désir n’a pas de limite. » Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie…, ib., p.35., des souhaits.

Les uns, venant du salarié lui-même ou par rapport aux pressions environnementales, les autres, sont tournés vers un but.

Pour mieux l’exprimer : un projet d’avenir qui prend forme à partir de besoins non satisfaits d’une part, c’est-à-dire de « l’attraction vers des objets perçus, représentés ou imaginés »(25)Chombart de Lauwe, Paul-Henri, La culture et le pouvoir, L’Harmattan, 1983, p. 272., et d’autre part, qui fournit des buts au salarié en tant que sujet-agent individuel et social.

Buts formés, entretenus et réalisés en interaction avec l’environnement de l’organisation. C’est-à-dire, le milieu particulier du corps de métier de l’entreprise qui « fournit l’univers des symboles et des valeurs par lesquels s’élaborent, s’expriment et se diffusent les aspirations chez les personnes et dans les collectivités »(26)Rocher, Guy, Pour une théorie psychosociologique des aspirations, dans Bélanger, P.W. Rocher, Guy et coll.., Le projet A.S.O.P.E. : son orientation, sa méthodologie, sa portée sociale et ses réalisations, Les Cahiers d’A.S.O.P.E., vol. VII, PUL, 1981, p.52 (en l’occurrence l’association).

Ce milieu étant « à la fois le milieu qui provoque l’éclosion des aspirations, qui les entretient et les diffuse, et aussi le lieu de leur réalisation ou de leur frustration. »(27)Rocher, G., Pour une théorie…, ib. p.52.

En ce qui concerne plus spécifiquement les aspirations individuelles, nous pouvons définir celles-ci comme des projets que forment les salariés (quelquefois formulent) et qui les motivent précisément à poursuivre leurs projets.

A retenir ISRIEn clair, le terrain a révélé que le salarié satisfait de ses aspirations au présent pourra ne pas aspirer aller plus loin dans ses projets. Cette traduction s’effectuant dans le but de s’assurer une socialisation ou encore de développer des aptitudes, à moins que ce besoin ne paraisse trop grand au salarié, trop difficile à réaliser.

Mais à l’inverse, comme l’exprime Guy Rocher, « le milieu socioculturel présente aussi des contraintes, des obstacles, des empêchements aux aspirations. » Ainsi, la nécessité d’obtenir un écho à ses désirs constitue une de ces contraintes à l’élaboration ou au maintien de ses aspirations.

C’est en cherchant les qualités heuristiques de ce concept d’aspiration autour duquel peut s’organiser les interrelations que nous avons tenté une interprétation du rapport entre le salarié et ses représentations. Dans ce que nous avons relevé de nos prestations, c’est que l’aspiration est participation. A partir de là, elle est révélatrice de rapports entre le salarié et l’organisation.

Alors, même si le salarié porte un intérêt au cadre de son corps de métier dans l’organisation, pris dans son sens le plus large, son intérêt personnel peut être tourné aussi bien vers des activités, bien sûr en dehors ses activités professionnelles, mais aussi, culturelles ou philanthropiques, c’est-à-dire, désintéressées.

Mais n’oublions pas qu’un intérêt porté dépend de la valeur attribuée. Par cela, le salarié devient changeant. C’est-à-dire « à travers les choix successifs liés à des intérêts plus ou moins grands, dans des situations différentes, une même aspiration peut se préciser, se fixer et se réaliser progressivement. »(28)Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie…, op. cit., p.19.

A retenir ISRINous venons de voir que les aspirations des salariés se rattachent au désir et à la valeur en liaison avec la représentation. La réalisation des aspirations doit nécessairement s’effectuer dans une mise en projet. Cette mise en projet leur permet de participer à la vie de l’organisation. Participation caractérisée par des interactions et des interrelations sociales.

A partir de ce cadre d’analyse, du terrain et nous appuyant sur ce que nous avons développé précédemment, nous pouvons légitimement déduire que les aspirations des salariés se modifient en fonction de trois notions qui peuvent paraître au premier abord successives mais qui sont, en fait, entièrement liées entre elles : « les désirs, les espoirs et l’espérance »(29)« Les aspirations pourraient se situer apparemment sur trois plans successifs, suivant la distance et la nature des objets vers lesquels elles tendent : les désirs, les espoirs et l’espérance. » Chombart de Lauwe, P-H., ib., p.35.

Plus précisément, sur le terrain, nous avons relevé :

  1. le désir de reconnaissance et d’appartenance à un groupe,
  2. l’espoir de développer un projet en relation avec une histoire individuelle et
  3. l’espérance d’être ou de conserver un état d’être pour « garder une raison de vivre malgré les échecs rencontrés. »(30)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.36.

Nous avons écrit, par ailleurs, un article sur une interprétation possible de ces trois notions :

Changement personnel ISRI - Photo Desir espoir espéranceAspirations du salarié : désirs, espoirs, espérance


Faisons un point sur les besoins-aspirations

3) Les besoins-aspirations, une dynamique circulaire

Changement personnel ISRI- Photo Faire le pointFaisons un point !

Pour faire le point sur ce qui a été écrit jusqu’ici nous dirons : bien que la théorie de Maslow sur les besoins humains puisse servir de base, les notions abordées nous permettent surtout de retenir que le comportement du salarié est l’aboutissement d’un entremêlement qui lie besoins-aspirations et représentations.

Par conséquent le fait de repérer des motifs comme : s’engager, participer, se motiver, suivre un projet, etc. invite les salariés à reformuler les représentations dans un nouveau système de valeurs pour régler les éventuelles discordances. Ce qui permet la mise en œuvre de projets communs.

Ainsi, une vie collective harmonieuse au sein d’une organisation ne peut exister que si les besoins-aspirations et les objectifs individuels y trouvent un degré suffisant de satisfaction et d’accomplissement ; et il ne peut y avoir un degré suffisant de satisfaction des objectifs individuels que si les micro-groupes que les salariés forment (leur bureau, leur service, leur équipe…), et dont ils entretiennent le fonctionnement par leur propre action, doivent être constitués de telle sorte qu’ils n’engendrent pas de tensions destructrices.

Par ailleurs, « c’est le processus psychosociologique par lequel un sujet désirant est attiré ou poussé vers un objet proche ou éloigné dont il prend conscience à travers des images, des représentations, des symboles et qui contribue à définir et à orienter ses projets. »(31)Chombart de Lauwe, La culture et le pouvoir, Stock, 1975.

Au fond, il s’agit de dynamiques circulaires que nous avons eu a interpréter jusqu’ici !

En clair, les motifs pour rejoindre une organisation sont multiples et divers,bien que souvent ils soient exprimés par la fonction, le corps de métier ou la notoriété de l’organisation. Au sein de l’organisation naît alors chez le salarié des besoins-aspirations liés à des désirs, espoirs et espérances eux-mêmes dépendant des valeurs-représentations préalablement intériorisées (histoire individuelle) ou englobantes (à partir des valeurs de l’organisation).

Si un besoin-aspiration est satisfait alors il y a naissance d’un nouveau besoin-aspiration d’ordre supérieur (Maslow) qui, à son tour, est à satisfaire (circularité).

Si le besoin-aspiration n’est pas réalisé le salarié atteint un premier seuil d’aspiration. Alors, il pourra soit créer un nouveau besoin-aspiration d’ordre inférieur (circularité), soit disparaître lorsque le seuil d’aspiration est ultime (démission), soit résister à l’organisation, par exemple.

Ce qui nous amène à proposer un schéma récapitulatif révélant cette circularité dynamique de la théorie des besoins-aspirations des salariés dans une organisation

Changement personnel ISRI- Circularité des besoins-aspirations

Schéma générique de la circularité des besoins-aspirations des salariés
et des groupes (équipes, bureau…) dans une organisation (cliquez pour agrandir)

Mais, si les aspirations peuvent jouer un rôle dans l’évolution des relations à l’intérieur d’un groupe et participe par là du changement du salarié, nous avançons que sa participation pouvait être posée en termes de dépendances réciproques (Elias), de présentation de soi (Goffman) et de manières de faire (Certeau). C’est ce que nous allons décortiquer maintenant.

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Pour en savoir +

Notes de l`article   [ + ]

Juin 042013
 

Changement personnel ISRI - Photo Desir espoir espéranceCHANGEMENT PERSONNEL :
Aspirations du salarié :
désirs, espoirs, espérance
trois notions successives ?

Cet article décrit trois notions caractérisant les aspirations des salariés dans le processus de changement organisationnel, ceux de désir, d’espoir et d’espérance(1)Le lecteur peut lire le résumé du Café Philo des Phares, paru le 21 février 2010.. Il cherche, aussi, à déterminer si ces trois notions sont ou non successives pour une meilleure conduite du changement. Pour y parvenir, l’auteur s’appuie sur le bilan d’une mission réalisée auprès d’une association loi 1901, en 2006 (cette mission a fait l’objet de 197 pages de compte-rendu et de 149 pages d’entretiens et de réunions).

 

Les désirs : une raison du bien-être

1) Les désirs : une raison du bien-être

Changement personnel ISRI - Photo Chombart de LauwePour P.H. Chombart de Lauwe (notre photo), « des objets […] peuvent prendre une importance telle que leur absence déclenche des gestes de désespoir ou fasse naître une attitude de désespérance. »(2)Chombart de Lauwe, Paul-Henri, Pour une sociologie des aspirations, Denoël-Gonthier, 1971, p.36. Pour vérifier les propos de P-H Chombart de Lauwe, voici l’exemple significatif d’une association loi 1901 de 273 membres dont l’objet général est « les NTIC » (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) permettant un accès ou un perfectionnement à l’informatique.

Cette association est composée de plusieurs « branches » ayant chacune des spécificités en fonction du public visé ou de l’action envisagée : pour les jeunes, pour écrire un livre, pour les personnes en disponibilité, pour apprendre, pour les Seniors, pour réparer le matériel, etc.

Chaque membres peut créer une « branche » et en devenir le pilote dès lors qu’il le désirait. La « branche CAO » (Conception Assistée par Ordinateur) a été créée par un couple. Entendu lors d’entretiens individuels, ce couple souhaitait à l’origine(3)au moment des entretiens, la branche CAO était en sommeil faute de participants. Nous cherchions à savoir pourquoi les membres ne rejoignaient pas cette branche, entre autres missions au sein de l’association) partager leur passion personnelle de l’informatique. Ils voulaient, entre autres, « faire des cartes de visite ». En réalité, le couple avait le désir de partager une passion MAIS l’espoir que d’autres la partageraient.

Changement personnel ISRI- Photo CAOA la création, tous les espoirs étaient permis ; rapidement une équipe de cinq membres s’était constituée. La création du logo de la branche devait être « le point de départ » afin « d’exister physiquement ». Chacun était « motivé et plein d’idées »(4)Les phrases en italiques rapportent les propos des pilotes lors des entretiens.. Mais, « très vite on s’est retrouvé à trois puis, peu de temps après, à deux. », c’est-à-dire, le couple-Pilote.

Par la suite, piloter cette branche est devenue pour eux une obligation engendrant une « lassitude ». L’enchaînement des faits dans le temps ont abouti à l’expression de regrets, remords et reproches caractérisant leur déception de n’avoir pas pu échanger, communiquer avec les autres membres qui manifestement avaient d’autres désirs.

En clair, pour le couple-Pilote de cette « branche », le désir de réaliser des cartes de visites était exercé en fonction d’une représentation globale axée sur l’utilisation du monde informatique (image avant-gardiste, de prestige). Mais à cela s’impose des motivations plus profondes ; celles liées à un désir plus lointain de rencontrer d’autres adhérents et d’échanger avec eux sur leur passion personnelle.

Il est aisé de constater que les propos sur leurs aspirations révèlent des besoins de communication, de reconnaissance, d’appartenance. Si nous prenons en considération que les faits se sont déroulés sans qu’ils puissent satisfaire ces désirs nous pouvons supposer que cela a engendré le délitement de la branche.

Ce qui voudrait dire qu’il n’y a pas eu de réponse au moins égale au niveau d’aspiration des membres. C’est-à-dire, au niveau d’accomplissement que l’adhérent attendait ; pour mieux l’exprimer, espérait atteindre.

Au fond, le couple-Pilote avait besoin d’attachement, d’affection, d’amitié pour s’affirmer alors que sa compétence et la fonction qu’il occupe, celle de pilote de branche, auraient dû le rendre indépendant de ces besoins.

En somme, le couple part de ses manques pour exprimer une faiblesse, une dépendance aux autres. Autrement dit, exprimer une rupture de solidarité humaine et de besoins sociaux, ici, de reconnaissance et d’appartenance.

Dès lors, cet enchaînement de faits rend possible l’interprétation suivante : le désir d’être reconnu et d’appartenir à un groupe peuvent être tels que leur insuffisance, voire leur carence, entraînent inévitablement des réactions d’angoisses et de désespoirs conduisant à des attitudes de lassitude, d’abandon.

A retenir ISRILe regard de l’autre et son écho espéré positif est donc capital. Ainsi, le besoin ne crée pas toujours le désir, le sens du rapport peut être inversé, c’est-à-dire le désir crée le besoin « car le désir a sa source, non seulement dans les pulsions internes, mais dans les sollicitations des images, des représentations. »(5)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.65.

Donc, le désir, bien que partant d’images floues, est une mobilisation de l’individu pour obtenir quelque chose qu’il ne possède pas. Par extension de l’idée : le conserver et le développer s’il le possède déjà.

Mais, si cette première notion souligne, dans cette branche, des déceptions, c’est-à-dire des besoins inassouvis, des aspirations irréalisées engendrant un abandon, à l’inverse, la branche CEB(6)CEB de cette association : Comprendre l’Économie et la Bourse est une branche de cette association usant de progiciels boursiers. est un bel exemple à la fois de réalisation des aspirations et de cohésion.

Les espoirs : une bonne raison pour développer un projet

2) Les espoirs : une bonne raison pour développer un projet

Changement personnel ISRI- Photo CEBSuccinctement, la branche CEB s’est développée à partir de plusieurs étapes successives.(7)« Parce-qu’avant de comprendre les mécanismes de la finance il faut du temps et acquérir une expérience. » en la matière. Cf. les entretiens avec quatre membres de cette branche. La première étape a consisté en l’étude du langage et l’appréhension des rouages de la Bourse. La deuxième, à constituer la mise en place d’un portefeuille fictif d’actions pour « se faire la main » en simulant des investissements. La troisième, de créer un véritable club d’investissement(8) Un club d’investissement est un groupe de personnes qui décident de mettre en commun une épargne mensuelle d’un montant peu élevé.

L’objectif principal de cette démarche est, à la fois, de permettre à ses membres d’apprendre et de comprendre les mécanismes économiques, financiers et boursiers afin de constituer un portefeuille fictif d’actions puis investir réellement en Bourse ; répartir les risques et obtenir une fiscalité avantageuse ; mettre en commun et échanger des « savoirs »..

Changement personnel ISRI - Schéma MaslowCes étapes successives nous font penser au principe d’émergence de Maslow : Si les besoins d’une étape sont satisfaits, il y a développement de l’étape suivante. Ce caractère donne une importance particulière à l’interprétation des rapports entre les membres de cette branche et le but à atteindre, créer un club d’investissement. C’est l’occasion d’exprimer les représentations, les images et les symboles sous l’angle des aspirations.

En clair, l’espoir serait une attente qui prendrait naissance dans un contexte social déterminé (par exemple, il faut gagner de l’argent, le contexte social l’oblige) par un système de valeurs propres (j’ai envie de gagner de l’argent).

Ainsi, pour chacun des membres interviewés et faisant partie de cette branche, nous retrouvons, derrière ces images, des modèles personnels circonscrits par une contingence et des valeurs auxquels ils attachent une grande importance.

Pour exemple, un modèle de la branche auquel se réfère un membre dans son comportement peut l’inciter à s’investir à partir d’intérêts différents de ceux de la réalisation du projet commun. C’est-à-dire, l’association est vue comme un lieu d’expérimentation pour gagner de l’argent(9)Comme l’a exprimé un membre en entretien.

Mais un autre membre, se réfère à un autre modèle et, sous son influence, accorde plus d’importance à des valeurs d’entraide, un certain type de relations sans toutefois abandonner l’idée de gagner de l’argent. Ici, nous supposons que les aspirations changent de niveau et de nature. Elles passent d’une préoccupation (la dimensions sociale) à un intérêt libre (créer le club d’investissement). Donc, dans une certaine mesure le système de valeurs de ce membre s’en trouve modifié bien que le contexte social impose de gagner de l’argent dans tous les cas.

Nous pouvons citer un autre exemple se rapportant non pas à des images mais à un modèle du rôle du pilote de la branche. Brièvement, le Pilote veut exercer un système de type démocratique(10)« Lorsque les aspirations des personnes et des groupes sont prises en considération dans la décision, le pouvoir est de type démocratique. » Chombart de Lauwe, P.-H., Pour une sociologie…, op. cit., p.27. afin d’encourager les membres dans leurs comportements de prises d’autonomie et leurs donne aussi la possibilité de développer des sentiments de satisfaction. Cette approche de la conscientisation semble bénéfique à l’ensemble de la branche et encore plus pour ceux dont le niveau d’aspiration était le plus proche de leurs capacités à les réaliser.

En définitive, lorsque la première notion (le désir) est réalisée, c’est-à-dire lorsque la reconnaissance, la communication et les échanges sont présents, les besoins-aspirations tantôt dépendent d’un système de valeurs, tantôt tendent à le bouleverser au fur et à mesure des situations et des circonstances.

Pour le dire autrement, les espoirs sont d’abord pris entre une perception individuelle des modèles et l’individualité intime de chaque membre de cette branche de l’association. Ainsi, le membre se réfère plus ou moins consciemment à un processus d’élaboration de ses représentations de la branche et des différentes fonctions exercées, différents rôles joués.

Ensuite, les rencontres entre les différents modèles, loin d’aboutir à des oppositions, autorisent un développement. A moins que ce ne soit justement les discordances et les contraintes qui rendent possibles l’assemblage de modèles nouveaux, d’un nouveau système de valeur garantissant le succès : « lorsque le désir, tourné vers un objet, devient aspiration, cet objet est valorisé en fonction d’un système de valeurs propre à une société, à un milieu, à un groupe. »(11)Chombart de Lauwe, P.-H., Pour une sociologie…, ib., p.28.

A retenir ISRIEn d’autres termes, le désir devient espoir lorsqu’un changement attendu plus important peut être réalisé (satisfait). L’espoir est donc lié à la préoccupation de sortir d’un état vers un nouvel état. Nous trouvons là une boucle : au fur et à mesure que le membre de la branche acquiert un sentiment de pouvoir dans ses échanges, la part de l’espoir prend une place de plus en plus grande dans les communications et les échanges ; il acquiert une certaine liberté.

Mais au-delà des désillusions (le désir) et des espoirs perdus, l’espérance (troisième notion) correspond à une posture globale de l’adhérent. En fait, l’espérance permet de garder une raison de vivre dans toutes les circonstances. C’est elle qui motive, qui engage. En ce sens, la branche Littérature (le projet Echap) est un exemple d’espérance.

L'espérance : une raison de vivre

3) L’espérance : une raison de vivre

Changement personnel ISRI- Photo EchapTous les membres composant cette branche Littérature sont en recherche d’emploi, l’âge moyen est de 46 ans. Les membres aspiraient à s’extraire d’une première difficulté : le piège de l’isolement, de la solitude, ennemies perfides du chômeur.

Confirmé par cette personne lasse de son engagement dans le monde associatif : « Échap, parce-qu’on veut s’échapper de ce carcan du chômage.»
Egalement confirmé par le Pilote, journaliste de métier : « la seule issue de secours consiste à rester en contact, en réseau, de manière à demeurer dans la course ». Convaincu du bien-fondé de cette théorie du groupe et de la force libératrice de l’écriture de leur expérience, le pilote a échafaudé un projet de livre écrit à plusieurs mains.

Une expiation, en somme, comme les membres de cette branche se plaisent à répéter, et le choix même du terme « échap« (12)Le nom « Echap » est venu à partir de la touche du clavier informatique « échap » (ou « esc », abréviation de escape en anglais). Sur un ordinateur, cette touche permet, en outre, de fermer des fenêtres, sortir d’une situation. exprime l’envie d’un autre état de celui de chômeur trop âgé.

Changement personnel ISRI- Photo livre Fous du Kiosque PeynetPour le Pilote, « prendre le stylo c’est reprendre une parole arbitrairement ôtée par la perte d’emploi. » Le symbole est très fort. Fort comme leur cohésion et leur entraide mutuelle malgré la fraîcheur de leurs relations au début. Ils ne se connaissaient pas. Mais fort comme la constance et l’envie d’aller jusqu’au bout. Chose qu’ils se sont promise et qu’ils ont finalement réalisée fin 2001(13)Les fous du Kiosque Peynet, La Mirandole, 2001. Parce-que, pour eux, « publier un livre c’est interpeller l’Autre sur sa propre conscience d’être, facilitant ainsi de manière indirecte, la réinsertion sociale par l’approche de l’échange et du travail de groupe et de recherche. Comme quelque chose de nouveau, pas vraiment encore défini, qu’il faudrait apprendre. »

En somme, des histoires d’êtres pour une histoire d’être par l’écriture d’une expérience. Une expérience au singulier puisque chacun a pris un rôle dans le livre pour s’exprimer. L’intrigue faisant arbitrage entre les accidents individuels (le chômage, les problèmes familiaux) et leur histoire commune prise comme un tout (la difficulté d’une réinsertion socioprofessionnelle, d’une intégration sociale par un emploi).

A cet égard, on peut dire que cette écriture offre une histoire chargée de sens composée d’événements ou d’incidents. De même, elle transforme les accidents individuels (événements ou incidents) en une histoire commune organisée dans une totalité intelligible. Bref, « la mise en intrigue est l’opération qui tire d’une simple succession singulière une configuration. »(14)Son intrigue fait « médiation entre des événements ou des incidents individuels, et une histoire prise comme un tout. A cet égard, on peut dire équivalemment qu’elle tire une histoire sensée de- un divers d’événements ou d’incidents (les pragmata d’Aristote) ; ou qu’elle transforme les événements ou incidents en- une histoire. » Ricœur, Paul, Temps et récit. L’intrigue et le récit historique, t.1, Point, 1991, p.127.

En clair, le je du texte vient en écho au je singulier. Cette écriture de l’expérience vécue nous a particulièrement touché parce-qu’elle implique l’adhérent dans l’espérance.
De même, elle accepte d’exposer cette commune singularité en construisant, en leur nom propre, l’expérience de chaque membre, une partie de leur histoire.

Dès le départ il n’y a pas eu d’écriture distancée. En fait, c’est le contraire que nous avons perçu : une appropriation. C’est ce qui a été relevé dans le lapsus révélateur du second interlocuteur : « c’est un terme que j’ai employé dans mon li… dans notre livre. »

De plus, cette pratique de l’écriture a la particularité de rencontrer un autre dans la même situation.

Par la réalisation de cette aspiration à témoigner et à expier, l’adhérent est devenu dynamique, a trouvé du courage, décidé de réagir se donnant d’autant plus de chances de réussir son insertion socioprofessionnelle(15)Certains membres de cette branche Littérature ont retrouvé un emploi avant d’achever le livre.. Bref, cette écriture de l’expérience vécue évolue au fil du temps et nous informe d’une éthique en action puisqu’elle assemble les singularités. Donc, elle est à la fois de l’agir individuel et de l’éprouvé commun.

Nous interprétons cette pratique de l’écriture en tant qu’elle facilite le transfert et l’innovation : elle autorise la transformation, le changement. Bref un passage qui touche l’adhérent dans ses jugements du risque encouru. C’est-à-dire n’être pas lu du tout, et donc avoir travaillé pour rien.

Par cela cette pratique de l’écriture, vu comme l’espérance de sortir du chômage, est objet d’échanges. C’est-à-dire, réduit l’isolement. Précisément, besoin recherché par les adhérents-auteurs de ce livre. Mieux, elle permet de consacrer des relations interpersonnelles et des témoignages publics où l’on parle autour et mesure l’émotion de l’adhérent-auteur.

Pour résumer, une intégration du passé dans le présent qui, de ce fait, autorise un possible futur : la réinsertion socioprofessionnelle. Donc, à la fois, un rôle réducteur, des ruptures, voire leur disparition, et un rôle constructif (la réinsertion).

Changement personnel - Photo CerteauC’est donc à partir de l’espérance de la réalisation d’un centre d’intérêts (écrire un livre) que sont apparues les aspirations de cette branche (écrire un livre pour « dire », témoigner d’un mal-être). Mais c’est surtout en gardant en filigrane Michel de Certeau qui dit : « Une théorie du récit est indissociable d’une théorie des pratiques, comme sa condition et en même temps que sa production. »(16)Certeau, Michel (de, notre photo), L’invention du quotidien 1. arts de faire, Gallimard, coll. Essais, 1990, p.120.

A retenir ISRIEn résumé, si l’émergence de l’espérance personnelle est mue par un manque, une rupture sociale par exemple, elle n’en est pas moins transformée en aspirations personnelles de réduction de ce manque, de cette rupture. Mais, l’adhérent conscient de sa situation réelle peut transformer son aspiration personnelle en aspiration collective de création d’un projet nouveau qui tendra à la réduction de ses ruptures sociales. Ainsi, le membre se porte toujours avec un autre vers un état qui lui semble meilleur que le sien en fonction d’une vue générale qu’il peut avoir de la société ou d’une situation.

Synthèse des trois notions : de la succession au lien intime

4) Synthèse des trois notions : de la succession au lien intime

D’une manière plus générale, la réalisation des aspirations permet de satisfaire progressivement un certain nombre de besoins.
Les exemples de situations précédentes montrent que les aspirations peuvent être observées en fonction des comportements et des représentations.

C’est la raison pour laquelle, du simple désir (image plus ou moins fugitive)(17)« Le désir, lié à l’inconscient, à la partie la plus intime de la personne, prend sa source dans des événements de la vie du sujet et ces événements sont marqués par le cadre social dans lequel l’individu a vécu. […] L’histoire personnelle de l’individu est étroitement liée à la structure et à l’histoire de la société dont il fait partie. Il n’est pas possible de comprendre l’une sans se référer à l’autre. La psychologie ne peut pas ignorer la sociologie. » Chombart de Lauwe, P-H., Pour une sociologie…, ib., p.28-29 à l’espérance (attitude globale), en passant par les espoirs (attente d’un changement), les salariés d’une organisation se situent dans « un mouvement d’ensemble qui les prend tout entier sans qu’ils puissent toujours distinguer nettement ce qui différencie leurs désirs, ce qui relie leurs espoirs, ce qui les unit dans l’espérance. »(18)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.38.

Par là, les besoins-aspirations expriment la personnalité tout entière de l’individu dans un contexte donné, du salarié dans une organisation.

Donc, « les hommes n’aspirent pas seulement à acquérir des biens, même immatériels ; ils aspirent à atteindre certains états et à réaliser les conditions dans lesquelles ces états seront possibles, en particulier en créant des structures nouvelles. »(19)Chombart de Lauwe, Pour une sociologie…, ib., p.37. « L’état » peut être interprété en tant que « statut d’individu » inconsciemment visé par des actions singulières (le désir, l’espoir et l’espérance) et l’expression « structures nouvelles » comme une figure globale interactive, interdépendante et réciproque, toujours changeante ; c’est-à-dire une configuration (comme un projet, par exemple).

Néanmoins, les aspirations comportent toujours le risque d’une grande vulnérabilité face aux tentatives de leur satisfaction. D’où les possibles désillusions, désespoirs et désespérances. Mais, les transformations qui s’opèrent alors sur les représentations dans les interrelations et les interactions amènent toujours l’individu (en l’occurrence un salarié) participant à jouer un rôle de plus en plus engageant dans ses propres décisions et orientations. Il change.

Car les projets personnels se présentent petit à petit comme des projets communs. Les valeurs personnelles sont alors mobilisées en vue d’objectifs liés à la satisfaction des besoins commun (par exemple, un projet) et par extension à la satisfaction des besoins personnels.

A cette fin, les notions de désir, d’espoir et d’espérance se lient pour intervenir sur les comportements (engagement, motivation, abandon). Ce qui fait de la réalisation des projets menés (ici, par les branches de cette association que l’on peut étendre à n’importe quelle organisation), quelque chose d’autre qu’une simple activité.

 

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Mai 052013
 

Comprendre le changement personnel :
les valeurs, importance et ambivalence

Changement personnel ISRI - Photo ValeursComprendre le changement personnel :
les valeurs, importance et ambivalence

Si « la valeur n’attend pas le nombre des années » n’importe qui peut changer à n’importe quel moment. Mais si, au regard de l’expression : « nous n’avons pas les mêmes valeurs », voulant signifier que nous campons dans notre position, comment pouvons-nous espérer changer ?


De quoi parle-t-on quand on discute de valeurs ?

A. De quoi parle-t-on quand on discute de valeurs ?

La revue Futuribles a rendu compte d’une étude menée sur l’évolution des valeurs des Européens : « Unité ou multiplicité, convergence ou divergence, universalisme ou/et localisme des valeurs, sont-ils comme nous, ou sont-ils autres ? » Les conclusions résumées des Futuribles sont les suivantes :

  1. la société influence les individus dans leur choix de modèles, d’idéologies.
  2. A leur tour les individus exercent une part d’influence par exemple en rejetant ou en reprenant ces idéologies ou ces modèles.
  3. La société est en nous qui sommes dans la société.
  4. Les idéologies font partie intégrante de la personnalité des individus mais sont largement constituées en dehors d’eux. Par exemple les grandes orientations de socialisation en matière politique, économique ou religieuse se prennent assez jeune et l’influence du milieu social est grande.

S’il y a peu de risque de nous tromper en postulant n’avoir pas les mêmes valeurs, pouvons-nous avoir certaines valeurs communes ? Quelles sont les valeurs que l’on suit quand on s’engage dans la vie publique, par exemple ou pour une action au sein de notre entreprise ?

Répondre à ces questions est particulièrement intéressant parce qu’elles nous adjoignent à comprendre les dynamiques relationnelles au sein même des organisations et le changement du salarié au sein de cette organisation.

En effet, les configurations ne sont pas simplement un élément d’identification ; elles sont aussi la scène où se joue la vie sociale, et, souvent, le lieu même de la socialisation. Tout comme on devient individu en s’appropriant, en intériorisant une logique et des valeurs qui existent dans la société où l’on vit et, plus précisément, dans l’organisation où l’on travaille.

Les valeurs : affaire de mots et d'idées mais aussi production de rapports sociaux

B. Les valeurs : affaire de mots et d’idées mais aussi production de rapports sociaux

Enquêter sur les valeurs impose une distinction en deux types : les valeurs qui sont extrinsèques, notamment socialement, qui ont un état d’importance, de grandeur pour l’individu ou un groupe d’individu (par exemple, être heureux et utile) et celles qui sont intrinsèques, précieuses donc personnelles.

Or, il existe d’autres distinctions en deux types : les valeurs instrumentales (honnêteté, politesse, se rapportant à un mode de comportement) et les valeurs terminales, telles la liberté (qui ont trait à des buts de l’existence).

Si pour certains « les valeurs sont les ressorts fondamentaux des désirs et des préférences, les mobiles profonds qui nous animent » parce-que, « dans toute société, la détermination des objectifs s’effectue à partir d’une représentation du désirable et se manifeste dans des idéaux collectifs »(1)Tchernia, Jean-François, Research International in Futuribles, analyse et prospective juillet-août 1995, p.9. Et aussi, Valade, Bernard, Dictionnaire de la sociologie, Larousse Thématique, 1996, p.235

Pour Talcott ParsonsChangement personnel ISRI - Photo Parsons, « les valeurs sont des repères normatifs, des concepts abstraits qui servent à chacun de référent pour la pensée et l’action. »(2)Stoetzel, Jean, Théorie des opinions, Puf, 1943 in Futuribles, ib. p.13 Vu sous cet angle, le terme valeurs est proche de la notion d’éthique dans un registre philosophique.

Ce qui voudrait dire que, si le terme de valeurs a trait aux différentes vertus ou à tous les traits de la personnalité humaine ou de la vie sociale, alors le terme de normalisation peut comporter des termes de valeurs outre ceux d’obligations.

En l’espèce, il est intéressant de remarquer que l’homme ne peut pas vivre sans règles qui légitiment des attentes et justifient des sanctions. Peu importe le contenu de ces règles, elles seraient intériorisées et correspondraient à une position d’autonomie et d’indépendance par rapport au monde. C’est la raison pour laquelle l’espèce humaine est une espèce normative.

Bref, qu’il s’agisse des travaux de ces auteurs, ou bien, qu’il s’agisse de Karl Marx dont les valeurs dans sa tradition est l’idéologie (agissante, équivalente à l’éthique et à la solidarité) légitimant le rapport de production capitaliste dans le fonctionnement de la société ; de Max Weber qui voit les valeurs comme antécédentes au capitalisme et donne dans ses théories une place prééminente à l’individu ; ou de Durkheim avec sa conscience collective qui désigne en quelque sorte les valeurs par lesquelles se fait le lien social, il semble que le concept de valeurs, quel que soit le nom qui lui est donné par les auteurs que nous venons de citer (idéologie, éthique, conscience collective), reste très global.

Changement personnel ISRI - Photo StoetzelLa première difficulté concerne donc l’approche empirique et quantitative du concept de valeurs : en quoi peut-on inférer la présence de telle valeur à partir de telles batteries d’indicateurs ? Interrogation qui était déjà apparue au début du siècle avec les premiers tests d’intelligence.

Par exemple, Jean Stoetzel (photo ci-contre) différencie les valeurs des opinions qui sont l’adhésion à un jugement qui n’existe que lorsqu’elle est exprimée, consciente.

Malgré cela, c’est à partir des opinions que les individus expriment qu’on peut « inférer » correctement les valeurs qui expriment, elles, les désirs et les préférences individuelles et sociales. En définitive, chacune des trois distinctions proposées jusqu’ici (intrinsèque/extrinsèque, instrumentale/terminale et repère-normatif/mobile-profond) éclaire des aspects différents des valeurs des individus.

Autant d’indicateurs des raisons des changements que nous pourrions observer au sein des organisations ; ce qui devrait témoigner de la fécondité des valeurs dans le travail des salariés.

Changement personnel ISRI - Photo SchelerMais pour aller plus loin, Max Scheler « a reconnu la valeur non seulement des personnes singulières, mais aussi de ces personnes communes que sont la nation, la totalité culturelle, etc. L’homme, en la vie psychique de qui s’étagent différents niveaux interdépendants, végétatif, instinctif, associatif, pragmatique, est aussi esprit(3)« [La personne est] la substance unitaire de tous les actes qu’un être effectue. » Scheler, Max, Le formalisme en éthique et l’éthique matériale des valeurs, 1913-1916, tr. Maurice de Gandillac, Gallimard, 1955, p.IV Ce centre d’activité libre ne subsistant que dans l’accomplissement des actes intentionnels, c’est-à-dire se référant aux valeurs(4)Scheler in Encyclopædia Universalis, Cd-Rom 98 à Philosophie de la personne (Jerphagnon, Lucien). »

Changement personnel - Photo BoudonPour Raymond Boudon, « [(Max Scheler)] affirme l’objectivité des valeurs, au sens où les valeurs existeraient indépendamment du sujet qui les appréhende. »(5)Boudon, Raymond, La théorie des valeurs de Scheler vue depuis la théorie des valeurs de la sociologie classique, Travaux du Gemas n°6, 1999

C’est précisément ce que nous allons développer dans la section suivante, c’est-à-dire, la théorie des valeurs de Scheler. Parce-qu’elle nous amènera à comprendre le phénomène de changement au travers de contradictions ou de correspondances entre les valeurs personnelles et les valeurs objectivées par l’individu dans ses interactions et interrelations.

NB : Afin de mieux appréhender les concepts de personne et d’individu comme nous l’exposons dans ce papier, le lecteur aura grand avantage à lire l’article se trouvant en suivant ce lien.

La théorie des valeurs de Scheler, une conception des catégories morales

C. La théorie des valeurs de Scheler, une conception des catégories morales

Pour Max Scheler, les valeurs sont révélées par l’émotion. « Les valeurs sont des phénomènes de base donnés à l’intuition affective perceptive. »(6)Scheler, M., Le formalisme…, op. cit., p.284 in Boudon, R., La théorie…, op. cit., p.21 Mais, si des inclinations particulières à dominante subjectives, comme le respect ou l’éthique, orientent l’individu vers les valeurs, elles ne déterminent pas pour autant leur contenu.

Précisant que, si des mécanismes divers (l’intérêt, le ressentiment, l’affection, par exemple) entraînent une perception biaisée des valeurs, ils n’en affectent pas moins les valeurs.
Pour résumer la pensée de Scheler, cette indétermination des valeurs laisse place à l’innovation, qui réussit lorsqu’elle répond à des inclinations. Elle ouvre à une marge d’interprétation faite de jugements de valeurs, lesquels engendrent des conflits de valeurs.

Réciproquement, ces conflits sont incompréhensibles si l’on ne voit pas cette indétermination. Ainsi, il traite plusieurs sources de distorsion des valeurs. Par exemple :

  • le pharisaïsme en tant que donnée générale : « les individus sont normalement mus par l’intérêt »(7)Palante, Georges, L’individualisme aristocratique, les Belles Lettres, 1995 in Magnone, Fabrice, Le Monde Libertaire n°1028, 1-7 fév. 1996 ;
  • le ressentiment comme un rapport d’impuissance à un état de chose qu’un individu souhaiterait changer : « on peut évaluer positivement ou négativement quelque chose qui ne le mérite pas, lorsque cette valorisation à un effet psychologique positif sur l’évaluateur lui-même »(8)s’inspirant de Nietzsche  : Die Genealogie der Moral, 1887 Scheler, Max, Ressentiment im Aufbau der Moralen, p.3-5, in Boudon, R., La théorie…, op. cit., p.24 ;
  • le relativisme, découlant du fait que l’objectivité des jugements de valeur auxquels nous croyons soit le témoin de conflits de valeurs : « [(l’individu)] risque alors de se laisser séduire par la thèse de la subjectivité des valeurs morales, par la thèse de « l’arbitraire culturel » des valeurs et par les diverses théories qui font des valeurs des illusions »(9)Scheler, M., Le formalisme…, ib. p.326 in Boudon, R., Travaux du Gemas n°6, ib. p.25 et
  • les facteurs cognitifs qui, d’une façon générale « font bien voir que le contenu des valeurs est pour partie contingent et pour partie tributaire de données propres à telle ou telle société. »(10)faisant écho à Durkheim : Scheler, Max, Le formalisme en éthique et l’éthique matériale des valeurs, 1913-1916, tr. M. de Gandillac, Gallimard, 1955, p.IV, p.308 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.26

Mais, si le contenu des valeurs est indéterminé, Scheler note un corollaire crucial, à savoir qu’elles ne peuvent, en elles-même, déterminer les normes puisque, les valeurs reçoivent un contenu particulier dans des contextes culturels déterminés.

Changement personnel - Photo Maisonneuve« Pour Maisonneuve (1985), les normes sont des règles et des schèmes de conduite très largement suivis dans une société ou un groupe donné, […] Elles se réfèrent à ce qui paraît socialement désirable, convenable dans tel ou tel groupe particulier. Elles traduisent les valeurs dominantes dans ce groupe. […] Elles ont pour fonction la cohésion, la réduction de l’incertitude et la socialisation. »(11)Cazals-Ferré, Marie-Pierre et Rossi, Patricia, Eléments de psychologie sociale, A. Colin, coll. Synthèse, 1998, p.28

Par suite, « les normes, qui sont déduites de ce contenu particulier, ne sont pas des conséquences directes des valeurs. » Ici, Scheler apparaît comme très proche de Weber et de Durkheim.

Sur le thème de la religion « il retrouve Benjamin Constant (De la religion considérée dans sa source, ses formes et ses développements, 1824-1831) pour qui les religions traduisent des idées identiques dans des symboliques variables ou Tocqueville, qui déclare dans la « Démocratie en Amérique » que l’immortalité de l’âme et la métempsycose sont des traductions symboliques de la même idée. »(12)Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.26.

Cette théorie explique que les mêmes valeurs s’expriment normalement par des symboles variables. Plus important : s’il y a indétermination des valeurs, il y a logiquement variabilité des normes.

Comme Tocqueville ou Durkheim, Scheler suggère un passage des valeurs aux normes par le truchement de théories : « théories d’inspiration religieuses dans les société traditionnelles, d’inspiration philosophique et/ou scientifique dans les sociétés modernes. »(13)Boudon, R., Travaux du Gemas n°6, p.28

Ainsi, les normes seraient inspirées par les représentations et les théories en vigueur dans telle ou telle société. Mais tout cela n’est possible, précise Scheler, que si « la notion de personne peut se former. »

Autrement dit, si la reconnaissance des droits de l’individu est une traduction dans le registre des normes de la valeur de personne : « s’il ne peut venir à aucune personne sensée l’idée de faire deux espèces des Noirs et des Indo-Européens, c’est en raison de l’installation définitive de la valeur de personne humaine. » (Scheler cite le paléontologue Quenstedt : « Si les Noirs et les Indo-Européens étaient des limaces, les zoologistes en feraient deux espèces. » Scheler, M., Le formalisme…, ib. p.299 in Boudon, R., ib. p.31).

Donc, pour Scheler, la notion de personne est une « catégorie purement morale »(14)Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.32 distincte des notions de je (psychologie), caractère (sociologie) et d’âme (théologie). Ainsi, pour Scheler, on ressent les valeurs, on ne peut les expliquer (« on ne peut expliquer pourquoi un poème, un tableau ont de la valeur »(15)Scheler, M., le formalisme…, ib. p.212 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.33.

Ce qui nous permet de voir une opposition entre affectif et rationnel, entre les affects variant selon les ressources de la personne et, par exemple, des sentiments d’attraction ou de répulsion qui eux peuvent être aisément associés à des raisons identifiées, articulées ou axiologiques. C’est-à-dire, des raisons pouvant être objectivées, analysées, défendues voire formalisées. Les raisons axiologiques devant être entendu, ici, en tant que jugements de valeur.

Par voie de conséquence, si nous nous référons au célèbre aphorisme de Pascal, « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas », la variabilité des valeurs ne s’explique que « si l’on suppose que l’affectivité n’est pas vierge de raisons métaconscientes »(16)Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.31, de raisons propres pouvant être mises en évidence.

Par exemple, «un enseignant corrigeant un examen n’a pas réellement conscience du jugement de valeur qui détermine le « bon temps » à passer sur la copie. Cependant, il peut « justifier » de ce « bon temps » par des raisons (entre autres) de temps disponible, de devoir envers les candidats, de nombre de copies à corriger, d’obligations morale diverses, tant personnelles que professionnelles, son existence en général, le lieu de correction. »

Pour résumer : le fait que les valeurs s’expriment de manière symbolique, le fait qu’elles donnent naissance à des normes, que ces normes soient tirées de valeurs empruntées à la société ambiante, constituent un système particulier de normes et de valeurs caractéristiques d’une société, d’une organisation.

Par extension, cela voudrait dire que la morale produit des normes susceptibles d’orienter les agirs humains.

Pour le dire autrement, « la réflexion théorique sur les valeurs a peut-être une influence sur la création d’un nouvel ethos »(17)Scheler, M., le formalisme…, ib. p.311 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.28. Ce qu’il faut entendre par ethos est « le caractère commun à un groupe d’individus d’une même société »(18)Dictionnaire Encyclopædia Universalis, Cd-Rom 98.

Dans notre propos, les ethos, constituant donc des constructions tendant à l’expression de valeurs morales. En clair, la théorie de Scheler nous intéresse particulièrement parce-qu’elle s’attache aux faits.

Ainsi, pour préciser ce que nous disions à la fin de la section précédente à propos des valeurs personnelles (leur variabilité et leur diversité) et de leur objectivation dans les interactions et interrelations, cette théorie nous permettra de repérer : – les sentiments de l’individu (du salarié) qui se traduisent par des jugements de valeur , – l’objectivation de ces jugements de valeur, c’est-à-dire leur manifestation concrète et – les développements axiologiques des valeurs communes favorisant le changement au sein des organisations.

Ceci nous amène à nous demander ce qui peut bien conduire l’individu à la construction d’un nouvel ethos. Ici, notre objectif est de chercher l’influence sur les changements d’une conciliation entre les valeurs personnelles (les jugements de valeurs) qui produisent des normes susceptibles d’orienter les agirs humains et l’objectivité des valeurs dans les interrelations qui pourraient engendrer la création d’un nouveau système de valeur. C’est ce qui va être abordé maintenant dans la section suivante.

Peut-on fonder un système de valeurs ?

D. Peut-on fonder un système de valeurs ?

Nous venons de saisir que les valeurs morales dépendent pour Scheler de nos émotions liées à des schémas théoriques et sont le produit d’innovations.
De même, nous avons vu que la morale intervenait pour produire des normes qui sont susceptibles d’orienter les agirs humains.

Alors, si ces émotions visent et laissent apparaître non seulement les valeurs mais aussi les agirs humains, sur quelles bases l’individu évalue-t-il le choix de ses normes ?

Par là donc, se pose le problème d’une morale qui met en relation l’individu avec un groupe social déterminé. Dans ce qui nous préoccupe ici : le salarié changeant avec l’organisation.

Les analyses de Scheler affirment que « [l’]indétermination des valeurs est non seulement observable ; elle permet aussi de comprendre qu’il existe en manière de valeurs des innovateurs, et que ceux-ci soient tenus pour occupant une place élevée dans la hiérarchie des valeurs. » Les analyses de Scheler sont ici très proches de celles de Weber : « les prophètes au sens large, comme Confucius ou Jésus, occupent une place exceptionnelle dans la hiérarchie des grands hommes, parce qu’ils ont été des créateurs de valeurs.

En même temps, il faut comprendre que les innovateurs ne sont reconnus que lorsqu’ils répondent aux « Neigungen » [(dispositions)] du public »(19)Boudon, R. Gemas n°6, ib. p.22.

Changement personnel ISRI - Photo WeberTrès proche de Weber, donc, ou de Durkheim, Scheler nous propose d’y répondre par la valeur sentimentale de sympathie. Sympathie qu’il faut entendre non pas comme une bonne disposition envers quelque chose, mais plutôt à la manière de ce que nous venons de développer, comme un sentiment éprouvé pour quelqu’un. C’est-à-dire en tant que perception (émotion) et acte intentionnel (agirs humains). Par là même, la sympathie permet de saisir comme telle, par exemple, une sorte de désir d’union, de coopération positive (solidarité) pour conduire au bonheur, au plaisir et au bien être.

(aparté) Dans Ethique à Nicomaque (1099 a 17-21), Aristote impose le plaisir dans les actions morales : « On n’est pas un véritable homme de bien quand on n’éprouve aucun plaisir dans la pratique des bonnes actions, pas plus que ne saurait être jamais appelé juste celui qui accomplit sans plaisir des actions justes, ou libéral celui qui n’éprouve aucun plaisir à faire des actes de libéralité, et ainsi de suite. S’il en est ainsi, c’est en elles-mêmes que les actions conformes à la vertu doivent être des plaisirs. » Sur ce point, Scheler exprime un autre argument : « l’homme peut tendre, non vers le plaisir, mais vers le bien ; et l’on ne peut réduire l’un à l’autre en faisant mine de croire qu’on recherche le bien en raison du plaisir qu’il y a à faire le bien »(20)Scheler, M., Le formalisme…, ib. p.257 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.8.
D’autres auteurs, ainsi Pascal, Rousseau, H. Bergson, d’autres écoles telles que les Utilitaristes anglo-saxons (Bentham, J.S.Mill) réhabilitant l’affectivité, ont mis l’accent sur le rôle des sentiments, la valeur de l’intuition et la fonction de l’intérêt et du désir, voire de l’amour dans le jeu de la pensée humaine. (fin d’aparté)


Dans un autre article ISRI, nous avions précisé que pour exister et s’identifier, l’individu avait besoin des autres, cela voudrait dire que son existence et son identification seraient régis par le principe de sympathie régnant entre personnes appartenant à divers groupes. En l’occurrence, entre les salariés de l’organisation répartis en services ou équipes (micro-groupes), par exemple.

Ce serait, donc, la sympathie qui assurerait la cohésion de ces groupes. Autrement dit, la sociabilité aurait trouvé ses fondements avec la sympathie.

Ce qui va nous intéresser de repérer alors ans les entreprises, c’est comment la sympathie va permettre une communication et signifier des conduites interpersonnelles. Nous nous intéressons à cette approche de la sympathie parce-qu’en tant que valeur, émotion, elle nous permet d’aborder le phénomène de changement comme une interrelation.

Des auteurs tels Husserl ou Simmel peuvent être évoqués à l’appui de la théorie de Scheler pour parler d’amitié et d’éthique.

L’amitié, peut être entendue comme une lien d’affection, de tendresse, de générosité pour une personne, une forme d’amour. Valeur elle-même, elle est tolérance et permet une claire acceptation entre des différences et la reconnaissance de valeurs mutuelles. En ce sens elle marque le respect et l’égalité.

Pour Aristote, l’amitié est « un sentiment de bienveillance active et réciproque, lien social par excellence. Nul bonheur n’est pensable si l’on est privé d’amis. » De ce point de vue, c’est un sentiment réciproque.

Changement personnel ISRI - Photo KantPour Kant, l’amitié « exige que l’on se maintienne l’un à l’égard de l’autre à une distance convenable »(21)Kant, Emmanuel, Fondements de la métaphysique des mœurs, II, tr. V. Delbos, Delagrave, par.46, 148. Ici, l’amitié, pour être authentique, doit se fonder sur une certaine distance.

Mais ce qui définirait le mieux l’amitié pour Scheler serait certainement une forme sublime de sympathie à l’égard d’autrui. Autrement dit, un altruisme. En ce sens, les changements observables pourraient être éclairés par la question de l’amitié en tant qu’altruisme. Parce-que la personne se manifeste à l’amitié dans la diversité de ses actes.

Cette diversité autoriserait les interrelations permettant, à leur tour, son évolution donc son changement.

Cette amitié, en tant qu’altruisme, peut dès lors désigner le lieu de naissance de l’éthique.

C’est ce sens, qui éclaire la question d’autrui : autrui comme autre, altérité, non plus alter ego, différence.

Cependant, Scheler introduit une distinction essentielle entre les formes de l’éthique et l’ethos : l’éthique apparaît « lorsque un ethos régnant se décompose »(22)Scheler, M., le formalisme…, ib. p.317 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.29. Il définit l’ethos comme « le système de normes et de valeurs caractéristique d’une société. »

Alors, si autrui est celui avec lequel une personne peut construire véritablement une relation et une réciprocité dans l’amitié notamment, autrui doit être aussi celui qui impose des limites et ouvre au désintéressement. Nous traduisons : ouvre à la morale, à la construction d’une éthique.

Changement personnel ISRI - Photo Comte-SponvillePourquoi a-t-on besoin de morale ? Parce-que, sans elle, rien de ce qui existe ne saurait être évalué ni affronté. Pour le dire avec André Comte-Sponville, « pour essayer de comprendre ce que nous devrions faire, ou être, ou vivre, et mesurer par là… le chemin qui nous en sépare »(23)Comte-Sponville, André, Parler de morale ?, Magazine littéraire n°361, 01-98. Vu sous cet angle, la relation à autrui dépasse le cadre strictement affectif de Scheler. Toutefois nous lui resterons fidèle parce-que, nous le rappelons, une perception biaisée des valeurs par les individus n’en affectent pas moins les valeurs(24)C’est ce que nous avons compris avec la théorie de Scheler, p.46.

Or l’éthique étant une valeur, le fait que « toute connaissance éthique s’effectue selon des lois rigoureuses de la perception affective n’affecte en rien son objectivité. »(25)Scheler, M., le formalisme…, ib. p.335 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.21

Ainsi, en élaborant son éthique de la sympathie, Scheler s’attache à montrer qu’elle serait une forme englobante. « Ce qu’il appelle « théorie de l’identification de la sympathie » permet d’expliquer les situations de fusion. […] Cette théorie de l’identification est en parfaite congruence avec le développement de l’image »(26)Scheler, Max, Nature et Formes de la sympathie, Payot, 1928, p.113 in Maffesoli, Michel, Le temps des tribus, La Table Ronde, 2000, p.136. Ce qui semble faire écho :

  1. à la notion de solidarité comme nous l’avons comprise ; c’est-à-dire, ici, en tant qu’elle peut être expliquée comme une situation de fusion et
  2. au concept d’identité en tant qu’il puisse apparaître comme une image.

Poser tout ce qui vient d’être développé dans cet article suppose une connaissance concrète des comportements de l’individu, en l’occurrence du salarié. Espérant découvrir, par là, « comment la profondeur peut se cacher à la surface des choses. »(27)Michel Maffesoli montrant, à propos de la vie quotidienne, comment la profondeur pouvait se cacher à la surface des choses. Maffesoli, Michel, Le temps des Tribus, La table ronde, 2000, p.138 C’est-à-dire, comment « l’expression » du salarié à la recherche de sa place au sein de l’organisation, d’une relation à l’autre et de reconnaissance identitaire permet une compréhension du phénomène de son changement personnel que l’on pourrait observer.

Pour ne pas conclure sur les valeurs

E. Pour ne pas conclure sur les valeurs

En résumé, ce que nous apprenons, c’est que le phénomène de changement échappe aux normes et au contenu même des valeurs. Elles-mêmes tributaires de toutes sortes de facteurs extra-moraux. La relation des membres d’un groupe est donc fonction des valeurs internes qu’il produit : « l’apparition d’une valeur peut être facilitée par le contexte ou la conjoncture ; sa persistance ne peut s’expliquer seulement parce-qu’elle est adaptée au contexte et à la conjoncture. »(28)Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.30

Ainsi, du changement qu’il est possible d’observer dans les organisations, nous dirons que les valeurs permettent de comprendre le glissement d’une logique de l’identité à une logique de l’identification.

Ce glissement pourrait être essentiellement individualiste, pourtant, il est beaucoup plus collectif. En fait, l’identification associe chaque personne à un groupe selon une relation. Cette relation est la conséquence d’une attraction : on s’associe suivant les contingences ou/et les désirs, les besoins. Ceci implique une multiplicité de valeurs et d’intérêts opposés les uns aux autres.

L’individu n’est, ici, jamais une unité définitive mais toujours en construction, toujours solidaire avec tous dans l’appartenance à un même groupe ou micro-groupe. Ce qui voudrait dire que l’intérêt qui lie l’individu à ce groupe ou micro-groupe, ainsi que les valeurs qui sont partagées contractuellement, deviennent progressivement ciment et vecteurs d’éthique. Celle-ci paraissant factrice de socialisation ; c’est-à-dire :

  1. d’intégration dans un groupe et
  2. de transcendance de l’individu.

Par cela, elle le transforme, le fait changer, donne du sens à ses interrelations et interactions. Bref, cette production individuelle permettrait de vivre, ce que nous nommerons, une « légende collective spécifique » (une légende dans le sens de fabuleux, mythologique), c’est-à-dire une reliance (de re-ligare plutôt que de recollectere, c’est-à-dire de rassembler).

Désormais, il n’y aurait plus rien de permis ou défendu mais l’individu a l’exigence de se produire lui-même, tenu pour responsable de tout ce qu’il est, fait ou paraît.

(aparté) On reconnaît ici l’idée du persona, du masque qui peut être changeant et qui surtout s’intègre dans une variété de scènes, de situations qui ne valent que parce qu’elles sont jouées à plusieurs. De même, la personne joue des rôles au sein d’une configuration à laquelle elle participe, elle y prend une place. D’où l’importance de l’apparence en tant que vecteur d’agrégation, de sentir en commun (fin d’aparté).


Et cette exigence de se produire lui-même serait un défi à assumer dans la solidarité parce-que cet effet de reliance est susceptible de donner aux individus une place qui acquiert du sens.

Ce qui nous paraît désormais éclatant c’est que l’objectif unique de l’individu dans un groupe serait d’être ensemble au-delà de toute autres considérations. C’est, en tout cas, la manière de penser de Michel Maffesoli : « [nos tribus contemporaines] n’ont que faire du but à atteindre […] Elles préfèrent « entrer dans » le plaisir d’être ensemble. »(29)Maffesoli, M., Le temps…, op. cit., p.VII

Mais il est frappant de constater au sein des entreprises, que cette forme de collectivisation, cette socialisation, semble bien plus confuse, hétérogène, mouvante, que rationnelle, mécanique et finalisée.

Par association d’idées, serait-ce à dire que les stratégies qu’appelle l’action humaine sont des stratégies de reliance ?

Ce qui nous conduit à nous demander si comprendre le phénomène de changement ne pourrait pas être tenté de comprendre comment ce « entrer dans » est « négocié » par le salarié parce-que cette construction individuelle de lien social, cette socialisation, nous signifie l’influence de l’individu sur lui-même par des manières de faire propres.

Chronique publiée le 12/06/12 sur lesEchos.fr

 

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