II) Les réglementations spécifiques aux Risques Psychosociaux
A) La réglementation spécifique du stress
1. L’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail :
Cet accord, signé par les organisations syndicales représentatives (employeurs et salariés) transcrit l’accord sur le stress au travail signé par les partenaires sociaux européens le 8 octobre 2004. Voici l’objet de cet accord :
- augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress au travail par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants ;
- attirer l’attention, le plus précocement possible, sur les signes indicateurs de problèmes de stress au travail ;
- fournir aux employeurs et aux travailleurs un cadre permettant de détecter, de prévenir, d’éviter et de faire face aux problèmes de stress au travail.
Cet arrêté ministériel étend l’accord du 2 juillet 2008 (PDF) et rend son application obligatoire. Il concerne tous les salariés quel que soit leur contrat de travail (CDI, CDD, intérimaires). Les accords de branche et les accords d’entreprise ne pourront plus déroger aux dispositions de l’accord interprofessionnel que dans un sens plus favorable aux salariés.
3. Les dispositions spécifiques applicables aux entreprises de plus de 1.000 salariés :
Le 9 octobre 2009, le ministre du Travail demande l’ouverture de négociations sur le stress dans toutes les entreprises employant plus de 1.000 salariés.
Les entreprises concernées doivent avoir engagé des négociations avec leurs partenaires sociaux avant le 1er février 2010 et conclu un accord.
Cet accord constitue un plan d’urgence pour la prévention du stress et des Risques Psychosociaux en général. Il a permis l’ouverture d’un débat qui donne toute sa place à la promotion du DIALOGUE SOCIAL comme DÉTERMINANT MAJEUR de la santé au travail.
4. Des recommandations de l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) pour conduire les négociations :
- La qualité de la conduite des négociations est aussi importante que le choix des actions.
- Le processus de négociation doit être transparent. Un calendrier doit être formalisé avec les acteurs concernés.
- Il est conseillé de mettre en œuvre un dispositif de veille et un processus d’évaluation qui visera, entre autres, à définir et expliciter les moyens et les choix opérés en fonction des contraintes et des ressources de l’entreprise.
- La formation des acteurs de l’entreprise sur les Risques Psychosociaux et l’adoption d’un langage commun est un facteur de succès.
- Les questions du travail doivent être débattus, et particulièrement, ses conditions de réalisation et d’évaluation.
- La négociation doit pouvoir aborder l’entreprise en tant que système : les Ressources Humaines, le management, la qualité du travail, la santé et mettre en perspective ces dimensions avec les enjeux stratégiques de l’entreprise.
5. Le plan santé au travail 2010-2014
Le deuxième Plan Santé au Travail (PST) 2010-2014 a été présenté par le ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville, lors du Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail (COCT) du 15 janvier 2010.
L’ensemble des éléments du plan d’urgence a été repris dans le cadre de ce Plan Santé au Travail 2010-2014, qui élève la prévention des Risques Psychosociaux au niveau de la priorité.
Jurisprudence sur le Stress : des sanctions lourdes en l’absence de plan d’action
Manquement à l’obligation de sécurité de résultat
« La survenance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle liés au stress démontre en tant que telle, l’inexécution de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur. »(article L 4121-1 du Code du travail )
B) Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur
Le manquement à l’obligation de sécurité de résultat a le caractère de faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et s’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Dans ce cas, si la Sécurité Sociale verse au salarié victime de l’accident du travail les majorations de rente et les indemnités complémentaires obtenues en réparation du préjudice subi, elle récupère ensuite ces sommes auprès de l’employeur. L’employeur supporte le coût résultant de la majoration de rente sous la forme d’une cotisation complémentaire (article L.452-2 du Code de la sécurité sociale).
Risque pénal non négligeable : Les entreprises s’exposent également à un risque pénal : plusieurs articles du Code Pénal prévoient des amendes (jusqu’à 30 000 €), voire l’emprisonnement, en cas de manquement à une obligation de sécurité ou de faute caractérisée (articles 121-3, 222-19 et R. 625-2 du Code Pénal).
C) La réglementation applicable au harcèlement moral et à la violence au travail
1. Le harcèlement moral est interdit et réglementé à la fois par le Code du travail et le Code Pénal :
Le Code du Travail dans son article L. 1152-1 prescrit que « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » .
Il appartient au salarié d’établir les faits permettant de présumer qu’il est victime de harcèlement, tandis que le défendeur, au vu de ces éléments, devra apporter la preuve que les agissements en cause ne constituent pas un harcèlement moral « et s’appuient sur des éléments objectifs » (C. trav., art. L. 1154-1).
Article L 1152-5 : Tout salarié qui procède aux agissements définis à l’article L 122-49 est passible d’une sanction disciplinaire.
Article L 1152-4 : Obligation pour l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral visées à l’article L 122-49 du Code du Travail.
En application de la jurisprudence (Soc.10/05/2001), l’employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.
2. Accord-cadre du 26 avril 2007 sur le harcèlement (physique, psychologique et sexuel) et la violence au travail.
Cet accord-cadre, signé par les partenaires sociaux européens, fournit une trame d’intervention à adapter aux besoins de l’entreprise : analyse sans délai de la situation, impartialité, prise en compte des avis de toutes les parties concernées, sanction disciplinaire en cas de fausse accusation (pouvant aller jusqu’au licenciement), recours à un avis extérieur.
Cet accord attribue à l’employeur la responsabilité de déterminer, d’examiner et de surveiller les mesures appropriées à mettre en place lors de consultations avec les salariés et/ou leurs représentants.
3. Accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail
Ce nouvel accord est une transposition de l’accord-cadre du 26 avril 2007. Il prend en compte :
- Les dispositions des législations européennes et nationales qui définissent l’obligation de l’employeur à protéger les salariés contre le harcèlement et la violence sur leur lieu de travail.
- Le fait que le harcèlement et/ou la violence au travail peuvent prendre différentes formes, susceptibles de :
- être d’ordre physique, psychologique et/ou sexuel,
- consister en incidents ponctuels ou en comportements systématiques,
- être exercés entre collègues, entre supérieurs et subordonnés, ou par des tiers tels que les clients, les consommateurs, les patients, les élèves, etc.,
- aller de cas mineurs de manque de respect à des agissements plus graves.
Le harcèlement et la violence peuvent affecter potentiellement tout lieu de travail et tout salarié, quels que soient la taille de l’entreprise, son champ d’activité ou la forme du contrat ou de la relation d’emploi.
Le présent accord vient compléter la démarche initiée par l’accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail (signé le 24 novembre 2008) dont les dispositions abordent les aspects organisationnels, les conditions et l’environnement de travail. Celui-ci vise à identifier, à prévenir et à gérer deux aspects spécifiques des Risques Psychosociaux : Le harcèlement et la violence au travail.
Nécessité de prendre des mesures de protection collective visant à améliorer la santé et la sécurité au travail des salariés, de veiller à l’environnement physique et psychologique du travail. L’accent est mis sur l’importance du développement de la communication sur les phénomènes de harcèlement et de violence au travail, ainsi qu’à la promotion des méthodes de prévention de ces phénomènes.
Cet accord a pour objectif de :
- améliorer la sensibilisation, la compréhension et la prise de conscience des employeurs, des salariés et de leurs représentants à l’égard du harcèlement et de la violence au travail afin de mieux prévenir ces phénomènes, les réduire et si possible les éliminer,
- apporter aux employeurs, aux salariés et à leurs représentants, à tous les niveaux, un cadre concret pour l’identification, la prévention et la gestion des problèmes de harcèlement et de violence au travail.
Ces objectifs s’imposent à l’ensemble des entreprises, quel que soit leur effectif. Les modalités retenues pour les atteindre devront être adaptées à la taille des entreprises.
4. Arrêté du 23 juillet 2010 (JO du 31 juillet) qui complète l’accord du 26 Mars 2010 :
Le ministère du Travail lui confère une portée très large puisqu’il l’étend à tous les salariés et à tous les employeurs
- Mettre en place une procédure de lutte contre le harcèlement
Obligation pour les entreprises, déjà sanctionnées par les juges, d’intervenir pour faire cesser tout agissement générateur de harcèlement moral ou de violence à l’égard de salariés. Le texte préconise notamment d’établir une « charte de référence » expliquant la procédure à suivre le cas échéant, éventuellement en l’annexant au règlement intérieur.
Une phase « informelle » peut notamment être prévue au cours de laquelle « une personne ayant la confiance de la direction et des salariés est disponible pour fournir conseils et assistance« . L’entreprise peut aller plus loin en mettant en place une véritable procédure de MEDIATION.
L’accord insiste : lorsqu’un salarié se plaint de faits de harcèlement moral ou de violence, sa plainte doit être suivie d’une enquête et « traitée sans retard ». L’employeur qui aurait été inerte sur ce thème deviendrait fautif.
- Sanctionner les auteurs de harcèlement
L’entreprise doit expressément prévoir dans son règlement intérieur les sanctions applicables à l’égard de l’auteur des faits de harcèlement ou de violence. L’entreprise doit également se préoccuper du « suivi » du salarié victime de harcèlement afin de favoriser sa réinsertion, si nécessaire.
Parallèlement, les entreprises doivent prévoir un travail de recensement des problèmes de harcèlement et de violence. Ce diagnostic préalable doit permettre d’adopter les mesures adéquates. Les employeurs doivent notamment être vigilants, précise l’accord, à l’égard de certains indicateurs ou indices comme la répétition de conflits personnels, des plaintes fréquentes de la part de salariés, ou des passages violents à l’acte contre soi-même ou les autres.
- Veiller à l’environnement de travail
Autre point important : l’accord reconnaît que l’environnement de travail, lui-même, peut être source de harcèlement moral. Cette position rejoint celle de la Cour de Cassation. Ainsi, l’accord invite les entreprises à veiller que leur environnement de travail reste équilibré, notamment, lors de réorganisation, de restructuration ou de changement de périmètre.
- Prendre en compte les propositions du CHSCT
L’accord rappelle le rôle central du CHSCT dans ce domaine. Celui-ci peut proposer des actions de prévention en matière de harcèlement et de violence au travail. Si l’employeur les rejette, il doit motiver son refus.
Enfin, l’accord traite également des violences auxquelles peuvent être exposés certains salariés sur leur lieu de travail, notamment ceux qui sont en contact avec le public. L’employeur doit faire cesser ces incivilités, et éventuellement envisager une assistance juridique pour le salarié.