Oct 252011
 
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Pourquoi le nécessaire redéploiement du management passe par la philosophie

Chronique publiée le 25.10.2011 sur Le Journal du Net

Nées il y a 50 ans, les théories du management ne sont plus en phase avec les besoins d’organisations mondialisées, financiarisées et technologiques. Le recours à la philosophie pose les bases d’une refonte du management à condition de combiner regard philosophique et passage à l’opérationnel.


Liminaire

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Les crises à répétition dont nul ne voit l’issue, accompagnées de leur cortège de désordres, conduisent les entreprises, bon gré mal gré, à s’interroger sérieusement sur la pertinence générale de leur « business model » (stratégie, organisation, procédures, processus). L’explosion de la bulle Internet en 2000, la débâcle d’Enron et d’Arthur Andersen – mais qui s’en souvient –  ou plus de près de nous, la crise financière de septembre 2008 qui a emporté Lehman Brothers et plus récemment encore le démantèlement de Dexia, les menaces de « défaut partiel » dans la zone euro, sont autant de signes révélateurs d’une rupture majeure.

A condition de savoir les interpréter et d’en tirer les enseignements adéquats. Implicitement ou non, les méthodes de management déployées en continu pendant des décennies sont aujourd’hui ouvertement remises en cause. Par les entreprises d’abord, mais également par quelques sociétés de conseil, voire, certaines écoles de commerce.

Le terme même de management est contaminé, contesté, parfois rejeté. Du personnel politique au citoyen en passant par les décideurs économiques, chacun sent bien, au fond, qu’un modèle a vécu et qu’il sera dorénavant impossible de fonctionner sur le mode ‘business as usual’, ne serait-ce qu’en raison de la contrainte écologique, de l’avènement d’un monde pluri-polaire et de la propagation des NTIC.

La 'philo' peut transformer l'organisation

La « philo » peut transformer l’organisation

Une discipline est capable de produire un effet d’entraînement dans la nécessaire transformation des organisations : la philosophie. Le CV de la ‘philo’ est impressionnant.

Paradoxalement, la philosophie tire son actualité de son… ancienneté. Elle affiche 27 siècles d’expérience, pour se limiter à la pensée occidentale, sur l’homme, le monde, la société, l’économie l’entreprise, la science, jusqu’aux  technologies. Son pouvoir ? Embrasser le phénomène humain dans sa totalité à l’aide des concepts à la fois massifs et nuancés.  Les concepts en question  concernent la société en général et chacun de nous en particulier, dans notre qualité d’individu, autrement dit, de sujet pensant, pour paraphraser Descartes. Non seulement la « philo » peut – mais elle doit – déboucher sur des scénarios d’action précis.Le cas du secteur banque finance, régulièrement sous le feu des critiques et à la recherche d’un nouveau souffle, est intéressant à observer. Malgré une incontestable prise de conscience, les banques n’en finissent plus, par exemple, de s’empêtrer dans leurs projets de RSE, de développement durable ou de business « éthique ». Et à cela, rien d’étonnant puisque les hauts dirigeants de la place, faute d’avoir appris à distinguer et articuler les notions de morale, d’éthique et de déontologie, ne savent pas concevoir les politiques adéquates et encore moins les impulser. Pourtant, ils sont les garants naturels des projets transversaux/entrepreneuriaux/sociétaux qui affectent l’organisation dans toutes ses dimensions, du mode de production des offres, jusqu’à l’image véhiculée auprès de la société civile et des médias.

Prévenir les conflits, dépasser les obstacles, c'est possible

Prévenir les conflits, dépasser les obstacles, c’est possible

Autre exemple : les conflits de personnes, endémiques dans les équipes. Il existe différentes techniques, dont l’assertivité, comme mode de résolution. Sur le terrain, ces techniques ont démontré leur utilité. Mais, pourquoi ne pas faire un pas au-delà en analysant, en amont, ce qu’est un conflit et surtout comment chacun le perçoit d’abord et le vit ensuite. Cette intervention sur les représentations mentales est, typiquement, un travail de philosophe. De plus, ce travail de clarification en commun créé les conditions d’un dialogue, même critique. A tout le moins, une ligne de communication minimale peut être établie. Depuis cette position, le déploiement des techniques usuelles produit un effet démultiplié. Ces « combinatoires »  à la Leibniz constituent autant de voies de passage pour les managers.

Cette vision, tout sauf naïve, suscite toutefois une objection qu’il faut lever. Ainsi, les décideurs peuvent bien sûr continuer de manager à cout terme en laissant de côté tout réel travail de réflexion, attitude encore courante, mais à long terme, cette position est intenable. Les distorsions entre les valeurs revendiquées et des pratiques mal définies et pilotées dans le flou, engendrent des dysfonctionnements finalement très coûteux au figuré comme au propre. Aujourd’hui, l’effet d’entraînement entre le discours diffusé par les responsables et l’action « au niveau du terrain » ne cesse de s’affaiblir. C’est pourquoi, progressivement, les entreprises, plus par contrainte que par conviction, acceptent d’explorer des voies plus fécondes. La philosophie en est une.

Un 'diagnostic philosophique' pour agir avec lucidité

Un « diagnostic philosophique » pour agir avec lucidité

La méthode à déployer se résume simplement : après une phase, rapide mais intense de « diagnostic philosophique », le passage à l’opérationnel auprès des personnes ou des équipes est systématiquement construit au cas par cas, en puisant, sans interdit, dans l’intégralité des sciences et des représentations humaines, de la sociologie au cognitivisme, en passant, le cas échéant, par l’art.

Dans la mesure où elle intègre au lieu d’exclure, cette approche évite deux écueils évidents :

  • d’une part, se cantonner à une réflexion de portée philosophique, mais déconnectée des processus réels de transformation,
  • d’autre part, se limiter à une répétition compulsive de méthodes aujourd’hui à bout de souffle.

Pour reprendre une image connue, il est indispensable d’adopter la stratégie de l’hélicoptère, c’est-à-dire opérer un mouvement de va-et-vient permanent d’une position en surplomb, nourrie des travaux des plus grands penseurs de l’humanité, vers les réalités humaines les plus concrètes.

Où l'on reparle des vertus de la culture générale

Où l’on reparle des vertus de la culture générale

Contrairement aux cabinets classiques qui continuent de miser sur l’inévitable tandem junior/senior, des missions de conseil partant d’une réflexion philosophique exigent des profils justifiant d’une forte expérience humaine, armés d’une forte culture générale – une vertu qui opère un retour en force- ce qui leur confère l’intelligence de la situation et surtout en auto-transformation constante. Rien n’est plus contreproductif que le consultant, enfermé dans un savoir clos, statique. En fait, beaucoup d’entreprises recherchent un modèle alternatif.

Auprès du grand public, la philosophie est devenue un phénomène de société, comme en témoignent quelques beaux succès de librairie. Elle est un également un atout pour penser et vivre l’entreprise autrement. Mais précisément, si on veut éviter qu’elle ne devienne à son tour la énième tarte à la crème en vogue dans le monde du management, il est impératif de fédérer les idées et les énergies autour d’offres structurées, normées et en dynamique constante.

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  46 réponses sur “management & philosophie”

  1. Bonjour Jean-Marc,
    Merci de cet article « éclairant » l’obscurantisme actuel dans lequel les entreprises tentent – souvent en vain – de se débattre.
    En effet, c’est un fait avéré que le monde est en mutation depuis de nombreuses années … et ce bien avant la crise actuelle qui sévit et « fauche » les Êtres avant même qu’ils ne soient mûrs.
    Il nous suffit – peut-être – de relire des ouvrages tels que « l’Ethique » de Spinoza pour appréhender le fait que, déjà au XVIIe, la préoccupation de l’individu et de la communauté – l’individu au sein de la communauté – était déjà prégnante et anticipatrice du futur.
    Plus près de nous, Michel Serres s’et livré avec bonheur à l’analyse de ce qui’il adviendrait de l’Homme dans ce monde en mutation, mais aussi Frédéric Lordon qui n’a de cesse de rapprocher la philosophie de la sociologie … ainsi que de nombreux autres.
    En définitive, l’Homme a toujours été LE objet d’études philosophiques d’importance, mais il nous faut bien nous rendre à l’évidence – tel que le mentionne très justement dans son essai – que la contemporanéité ne tient aucun compte des « vérités » du passé, et préfère entretenir et encadrer la « marche du monde » au moyen d’outils développés en vue de cerner le cognitif et les affects touchant à la personnalité profonde de tel ou tel, et ce dans le souci exclusif d’intégration au sein d’une institution/organisation/entreprise.
    Les normes ont remplacé les lois, celles-ci ayant été édictées afin de favoriser et encourager le « vivre ensemble », celles-là pour contraindre l’individu et le fondre dans un moule d’organisation ou, pire encore, de le faire correspondre aux cases d’un formulaire décrivant des comportements standardisés … et aboutissant à ce que je nomme la « consanguinité » … car la différence fait peur ! En effet, tel dirigeant favorisera la cooptation et l’embauche d’une personnalité possédant le même formatage, issu de la même école .. perdant ainsi de vue que la diversité et la différence sont sources et apports de richesse au sein de l’entreprise .. et donc de performance.
    Alors oui, la philosophie est certainement un des rares secours/recours à laquelle le monde actuel aurait grand intérêt à s’intéresser : tout est là .. et là est le Tout.
    … source d’inspiration, source de vision (plus loin que son compte d’exploitation), et source de vie … seule chose en définitive pour laquelle l’Homme justifie de son comportement et par laquelle l’Homme se définit … en dépit de toutes autres considérations touchant/confinant tant aux pensées qu’aux actions.
    Alors oui, la philosophie seule saura réapprendre à l’Homme le caractère téléologique de sa raison d’Être et d’être.
    En conclusion, je dirais haut les coeurs, les librairies sont pleines de savoir et de connaissances .. il suffit d’en pousser la porte … ce qui engendrera peut-être l’ouverture à un changement .. ainsi que l’ouverture à l’ouverture et à la lumière.
    A vous lire

  2. … et un petit rajout …
    Autant les études ont porté sur l’Homme en tant qu’objet (en vue d’élaborer lesdites études (?) … la philosophie élève l’Homme au niveau de sujet … et là est peut-être une des clés qui permettra l’ouverture à l’ouverture et à la lumière qui concluait mon commentaire initial.

  3. Véronique LAFITTEBonjour Jean-Marc. Ma réflexion sur un mieux vivre au travail est assez récente mais je découvre que chacun y va de sa solution sans que l’on sache véritablement l’origine du problème. C’est comme si un médecin rédigeait une prescription, sans même vous avoir examiné pour poser un diagnostic.
    Voilà pourquoi votre proposition me plaît.

  4. Pierre COIGNARD (commentaire ISRI)Il existe une différence essentielle entre un professeur de philosophie et un philosophe. Le premier enseigne la philosophie, le second la vit. Schopenhauer faisant exception. Or seul celui qui pratique est un philosophe. Encore faut il que la philosophie en question soit adaptée au sujet que l’on veut traiter. Exit donc les concepts Hégéliens ou les théories platoniciennes qui relèvent du concept de l’idée pure. Il faut rester dans l’immanence du réel, ce qui le définit.
    Ceci étant posé, en effet, c’est le meilleur moyen de parvenir à un management efficient. Chaque commercial ou cadre commercial peut donc être un philosophe de son métier.
    Pierre COIGNARD / Christian PIRAT
    Consultants en Développement Commercial des Entreprises
    Cabinet CP&PC – 9, Traverse des Câpriers – 13780 Cuges-les-Pins
    e-mail cpetpc@sfr.fr

    • Soulairol Jean-Marc (ISRI)Pierre,
      Je n’aurais jamais pu mieux définir mon collaborateur et ami Gilles Prod’Homme, malheureusement brutalement disparu l’an dernier. Je vous invite à feuilleter quelques pages de ses livres sur le sujet dont le dernier paru peu avant sa disparition s’intitule « dans le lit des philosophes » et un best-seller « La voie des Stoïciens » en passant par un essai critique « Métro, boulot… philo ! » tous visibles ici : http://www.isrifrance.fr/publications/ouvrages/les-ouvrages-de-gilles-prodhomme.

      • Pierre COIGNARD (commentaire ISRI)@ jean Marc
        Merci pour l’information et pour le compliment. Ah les Stoïciens ! Belles sagesses en effet. Je ferais la démarche dès que le temps disponible me le permettra 🙂
        Ces chemins ardus, austères et exigeants comme le cynisme ou le stoïcisme ou d’autres plus séduisants comme l’épicurisme visent un même sommet, le souverain bien, un objectif atteint quand l’homme s’est mis au centre de lui-même, a compris sa place dans le monde qui l’entoure et suite à cela sait se comporter avec lui-même les autres et son environnement.
        Le point faible des pyrrhoniens est le scepticisme. En effet il achève cette philosophie dans un dépassement qui l’abolit. Elle est philosophie de l’affirmation de la négation de la philosophie. Et encore ! En toute bonne logique pyrrhonienne cette affirmation pose problème épistémologiquement parlant. Nier c’est affirmer, dire non à ceci suppose dire non à cela, ne pas choisir c’est tout de même choisir.
        Demandez à l’âne de Buridan qui ne parvenant pas à se décider entre l’eau et l’avoine est mort de faim et de soif. L’antidoctrine de Pyrrhon incendie cependant métaphoriquement les bibliothèques, abroge les professeurs, pulvérise la chaire et l’estrade, détruit toute possibilité de glose doctorale. reste une obligation : vivre !
        Ne rien désirer, ne rien envier, vieille leçon des sagesses stoïciennes et épicuriennes. En ne possédant rien et en aspirant à ne rien posséder , le sage se possède, autrement dit il possède tout.
        Nietzschéen plutôt que stoïcien je préfère pour ma part penser ainsi. C’est à dire à partir de et non pas comme Nietzsche. (ce qui définit l’expression être Nietzschéen) Mais j’ai lu en effet quelques d’ouvrages traitant du sujet. 🙂 (dont l’oeuvre de Victor Brochard que je vous recommande si vous aimez « le scepticisme »)
        Pierre COIGNARD / Christian PIRAT
        Consultants en Développement Commercial des Entreprises
        Cabinet CP&PC – 9, Traverse des Câpriers – 13780 Cuges-les-Pins
        e-mail cpetpc@sfr.fr

  5. La philosophie n’est-elle pas l’outil adapté pour réfléchir sur le sens de la vie ? Choix fait par Ulysse en refusant de rester éternellement sur cette belle ile paradisiaque où une « Belle » lui proposait une vie éternelle, il a définitivement posé cette question à laquelle nous tentons de répondre depuis : c’est quoi une vie de mortel réussie ? Sans réponse individuelle et collective apporté à la question, la vie que nous subissons alors n’a pas de sens … et c’est bien ce qui nous semble aujourd’hui : ça n’a pas de sens !
    non qu’individuellement nous évitons la question ! de plus en plus d’individus se la posent et apportent des réponses … mais parce que collectivement nous évitons le sujet … c’est ce qui fait société qui alors perd sons sens :):)
    Et l’entreprise est un lieu qui devrait faire société 🙂
    Cordialement

  6. Valerie Calvet-BatailleEncore un sujet interessant!
    Cela me rappelle un livre qui m’a beaucoup marqué il y a une dizaine d’année que vous connaissez peut être: Plus de Platon, moins de Prozac !.
    De Lou Marinoff
    « À tous ceux qui tiennent la philosophie pour un simple jeu intellectuel, Plus de Platon, moins de Prozac ! apporte un démenti formel : la philosophie ne prend tout son sens que si on l’applique aux défis du quotidien… »
    L’idée vraiment valable est d’aller au delà de la therapie, necessaire dans son identification des traumatismes par exemple, mais qui reste figée sur le passé d’une certaine façon et ne propose pas vraiment de solutions… Qui n’a pas connu ce vide de se dire  » OK c’est parce que j’ai vecu ça que je suis comme ça, oui, mais comment je fais maintenant? »
    L’approche philo permet la reconstruction, en favorisant une projection sur son avenir selon des modèles de pensée que l’on s’approprie.
    Cela change radicalement la donne, et les resultats sont tout a fait merveilleux.
    Proposer cette demarche aux entreprises me parait vraiment necessaire, pour sortir le nez du guidon et elaborer des strategies qui ont un sens autre que du financier court terme, en proposant aussi du sens aux salariés.

  7. Isabelle FLYE SAINTE MARIE (commentaire ISRI)la philosophie comme le management parle de sens : signification et direction
    la philosophie réfléchit la signification
    le management opérationnel dicte la direction
    les deux sont liés et c’est cela qui est passionnant quand on accompagne une personne ou une organisation
    isabelle flye sainte marie

  8. Elisabeth SAUMADEBonjour Jean-Marc,
    Merci pour cette discussion passionnante.
    Cette nécessaire combinaison « d’un regard philosophique et d’un passage à l’opérationnel » gage de réussite de l’introduction des théories philosophiques dans le domaine de l’entreprise, me semble s’incarner dans l’appropriation des approches systémique, pragmatique et constructiviste par les systèmes de management par la qualité (Norme ISO 9001 version 2008) *.
    Gilles BAROUCH parle de « Révolution des pratiques managériales », dans son livre éponyme, dont je recommande la lecture (« Révolution des pratiques managériales : le changement par la Qualité » Editions AFNOR Juillet 2013).
    L’auteur nous explique en quoi les pratiques managériales classiques ne sont plus du tout adaptées au contexte actuel dans lequel évoluent les entreprises.
    Il démontre que les démarches qualité, parce qu’elles sont fondées sur les théories systémique, pragmatique et constructiviste, révolutionnent ces pratiques, pour autant qu’elles soient mises en œuvre en respectant l’esprit des 8 principes du management par la qualité sur lesquelles elles s’appuient.
    Ces 8 principes sont les suivants :
    1 Orientation Clients
    2 Leadership
    3 Implication du personnel
    4 Approche processus
    5 Management par approche système
    6 Amélioration continue
    7 Approche factuelle pour la prise de décision
    8 Relations mutuellement bénéfiques avec les parties prenantes
    Ils sont inspirés des visions :
    Systémique : L’entreprise est considérée comme un système avec ses frontières, ses échanges avec l’environnement, ses composants organisés entre eux et en interaction permanente.
    Comme tout système, l’entreprise est confrontée à plusieurs problématiques :
    – maîtriser en permanence ses rapports avec son environnement (société, marché, concurrents, fournisseurs…)
    – être structurée de manière efficace (approche processus versus cloisonnement par services)
    – assurer son équilibre par la variété de ses comportements (homéostasie)
    – être capable de subir une certaine évolution
    – tout en conservant son identité.
    Constructiviste : notre image de la réalité est une construction, l’observateur invente la réalité autant qu’il l’observe, il a donc une responsabilité par l’interprétation qu’il fait de cette réalité. Avoir conscience de cela conduit à prendre en compte la variété des points de vue (approche négociée, tolérance).
    Pragmatique : notre image de la réalité étant construite, comment définir un but et des actions efficaces? En proposant un sens, c’est-à-dire en définissant l’utilité (téléologie) de toute conception, réflexion ou action. Dans les démarches qualité ce sens est la recherche de la satisfaction équilibrée des parties prenantes (Personnel, Clients, Sous-traitants, Fournisseurs, Société). Il s’agit de choisir la solution la plus bénéfique au plus grand nombre (une application de ce principe : la théorie du « gagnant/gagnant », si souvent galvaudée).
    En appliquant les 8 principes du management par la qualité, les dirigeants des entreprises pourraient évoluer d’un management traditionnel axé notamment sur le retour d’investissement à court terme, vers un management orienté vers le développement équilibré et durable au profit des parties intéressées.
    * Cette norme est fondée sur le principe de l’amélioration continue de la qualité des produits ou services proposés par un organisme ou une entreprise, dans l’objectif de satisfaire ses Clients, dont les besoins et attentes auront été identifiés en préalable à toute action. Les entreprises qui en font la démarche peuvent être certifiées par un Organisme certificateur, selon cette norme, attestant ainsi qu’elles en respectent les exigences.

  9. ISRIJe partage complètement… il y a urgence à réinventer le management et la philosophie nous permet de revenir à des fondamentaux, de sortir des recettes éculées, de questionner vraiment le sens des pratiques, d’éclairer nos dérives. A chaque fois que nous faisons intervenir Marie Brischoux, philosophe et ex.manager, auprès de nos clients managers et dirigeants, leurs prises de conscience sont nombreuses et nourries. Il suffit ensuite pour eux de traduire ces éclairages en pratiques opérationnelles!
    —–

  10. Denis BismuthCertes, mais le discours philosophique compilé dans les ouvrages sont des offres de signification, des propositions de penser. C’est du déjà pensé. La question qui reste à résoudre est de savoir comment offrir à l’acteur un espace d’élaboration de sa propre philosophie de son action. Les idées des autres sont des croyances figées quand elle ne sont pas outil d’intelligibilité du réel. S’il suffisait de donner un concept outil à un manager pour qu’il s’en serve pour prendre conscience il y aurait plus libraire que de consultant.

  11. Bonjour à Toutes et Tous,
    @ Florence et Denis,
    J vous rejoins parfaitement dans vos commentaires respectifs, selon lesquels il n’y a pas de recette miracle … sinon cela se saurait !!!
    En revanche, la pratique selon le formatage de certaines « formulations » plus ou moins occultes rend l’approche des problèmes organisationnels et/ou structurels de plus en plus délicate.
    En effet, un « formulaire standard » peut être valable dans 20 % des cas étudiés lors d’accompagnement, mais donc s’avère inefficient dans les 80 % des cas restants … … rentabilité et/ou productivité obligent, me direz-vous?, et je ne pourrai qu’être en accord avec vous, tant les dégâts perdurent au sein des institutions/organisations/entreprises … même – pour ne pas dire surtout – après l’intervention d’un consultant ou expert chargé d’y « opérer le changement « .
    En définitive, les recettes toutes faites ne conviennent pas … nous pouvons au moins convenir de cela ; j’en veux pour preuve que – quand bien même basée sur la même recette – ma grand-mère réussissait mieux ses crêpes que moi … Je plaisante bien entendu, mais j’établis ici un constat qui vaut – à mon sens – dans le cadre de cette discussion.
    Manquent donc l’écoute et la compréhension : l’écoute pour entendre – dans l’acception d’entendement – conduisant à la compréhension de la problématique propre, donc unique, de chacune des entreprises demandant de l’aide.
    Manque également le travail plus « sociologique » du consultant en interne, consistant à interviewer l’ensemble des acteurs de l’entreprise en interne … sans oublier d’interroger les « relais », à savoir les personnes ayant contact avec l’extérieur … les seuls à établir et entretenir des contacts réguliers avec l’environnement de l’entreprise .. lesquels « relais » possèdent un pouvoir plus important que les autres compte tenu de cette fonction même de relais … et pouvant « empoisonner » l’entreprise de l’intérieur …
    Dès lors qu’un process n’intégrerait pas ces données pourtant fondamentales, conduisant à élucider et déterminer les cheminements des pouvoirs et influences des collaborateurs les uns sur les autres et s’inscrivant ‘de facto’ dans une réciprocité,
    il sera, non pas tant impossible de remplir la mission de diagnostic en amont à l’aide de « matrices de fonctionnalité » … que de rater ou échouer à la mise en oeuvre du changement au sein de l’entreprise « aidée », et ce à quelque niveau d’intervention où se serait située la question de départ.
    En un mot, si « l’aidant » ne change pas lui-même son approche en devenant moins dirigiste et moins formaté, « l’aidé » ne retrouvera pas ses petits au bout du compte.
    C’est à ce niveau que la philosophie est d’une aide précieuse ; et quand bien même moult concepts et/ou idées y figurent, elle aboutit dans la majorité des cas à considérer que l’organisation « est » une entité objective face à l’Humain en tant qu’entité subjective …
    … ce en quoi la philosophie – toute théorique en soi – permet de relativiser cette vision, compte tenu que quelle que soit l’organisation, elle est composée d’Êtres humains dans la totale acception du terme.
    Pour terminer sur le contexte des librairies qu’évoque Denis, je pense que la tendance est en phase de renversement … il y aurait davantage de consultants que de librairies .. et quand bien même … il suffit de savoir ce qu’on vient y chercher, des ‘standards’ ou des ‘spécialités’.
    Au plaisir de vous lire

  12. Francine DuprouilhBonsoir
    Discussion intéressante en effet ; puisque l’un d’entre vous fait référence à Platon , je ferai une petite remarque : quand Platon pose la question de savoir s’il est nécessaire que les rois soient philosophes , il faut prendre le mot  » philo- Sophe » dans son sens étymologique ; qui aime la sagesse plus que dans le sens moderne d’ approche de la réalité par la réflexion . Quant aux « rois » ce sont ceux qui agissent pour la res publica , la chose publique; je pense que faire le parallèle avec les managers est un peu exagéré car ceux ci œuvrent dans une autre sphère ; cependant que l’on souhaite que nos managers , surbookes , axes sur la performance prennent le temps du recul, de la réflexion , on ne peut qu être d’accord

  13. Thierry MACHICOANESujet aussi très intéressant !
    Toutefois Jean-Marc, je ne serais pas aussi catégorique en affirmant « Nées il y a 50 ans, les théories du management ne sont plus en phase avec les besoins d’organisations mondialisées, financiarisées et technologiques ».
    En effet, il me semble que les nombreuses contributions de Peter Drucker à la discipline restent pour la plupart très valides, même et surtout de nos jours. Mais je suis toujours aussi interloqué du nombre limité de « managers » français en ayant connaissance.
    Je pourrais faire la même remarque d’ailleurs concernant John Kotter dont les écrits ont maintenant une vingtaine d’années mais restent une référence en matière de leadership.
    Concernant la philosophie, j’adhère totalement à ce mouvement naissant, car au-delà de l’étymologie que Francine nous rappelle, la philosophie me semble être un socle essentiel à la sérénité personnelle et sociale. À cet égard, j’ai une prédilection pour Sénèque qui est d’une étonnante modernité !

  14. YD CONSULTANT DUFOUR yvesJ’ai une seule question pour vous tous messieurs dames…
    Vous avancez tous des théories, Platon etc etc…et vous basez sur ces lectures, travaux pour vous forger votre propre appréhension… Mais au fond, VOUS, en être existant êtes vous en mesures d’aborder ses points de par votre propre vision ? N’est ce pas cela qui est intéressant ? Simplement vous et VOTRE point de vue… Et non un copié collé ?

    • Thierry MACHICOANEYves, l’un n’empêche pas l’autre ! L’expérience n’exclue pas la culture et vice et versa, bien au contraire car elles se renforcent l’une l’autre.
      Et je m’interroge sur votre assertion selon laquelle « vous basez sur ces lectures, travaux pour vous forger votre propre appréhension » ! Qu’en savez-vous ?
      Je ne saurais trop encourager quiconque à lire tout aussi abondamment qu’il expérimente !

      • YD CONSULTANT DUFOUR yvesJustement Thierry, erreur d’appréhension sur mes propos.
        Je ne confonds pas la culture et expérience…
        Comme chaque intervention qui me concerne, j’engage a l’intelligence… Et surtout a la réflexion.
        Et si vous m’y opposez le fait du « qu’en savez vous? » Eh bien sachez qu’au travers de vos écrits (comme moi par ailleurs…) vous trahissez votre fonctionnement…
        Ce que Jean Marc effectue au travers de ces écrits, ce sont des sortes de démonstrations qui amènent a une vision… La structure et les sources sont très intéressantes
        Ceci étant au cours de lecture, tout ce que je vous des interventions, c’est Intel disait ceci, cela, il ou elle a raison … Mais encore une fois où se trouve votre propre expérimentation ?
        C’est cela qui est intéressant ?
        A la limite, les 2732 règles « idiotes » du management prescrites par le docteur x y… Êtes vous en mesure de les appliquer ? Avez vous essayé ?
        … Comme en politique ou majeure partie des gens pensent avoir leur propres convictions alors qu’en réalité elles leur sont dictées … Et le plus grand malheur, c’est qu’ils ne s’en rendent pas compte.
        En conclusion, et pour revenir au sujet, c’est en effet, comme il l’a été souligné, un appel a l’authenticité et a la réflexion propre.
        … Et si l’on engage le sujet sur La philosophie, je dirai qu’aujourd’hui « philosophie » rime un peu trop souvent avec abandon… a méditer

  15. La philosophie et, au-delà, la métaphysique, sont les mères de toute réflexion. Le management, réflexion sur les attitudes et comportements des détenteurs de l’autorité, est donc lié à la philosophie comme un enfant l’est à sa mère. Il n’y a pas de frontière entre les deux disciplines. Mais ne s’agit-il pas là d’un voeu pieux?
    Si la philosophie éclairait l’action, nos organisations ne seraient ni mondialisées sans régulation, ni « financiarisées » au profit de quelques uns, ni soumises à des technologies qui mettent la planète en danger !

  16. Roger NifleBien d’accord, une question qui m’est chère. Si la philosophie est construction de représentations alors sauf pour quelque rationalisme qui le croit, l’action ne trouve pas ses causes et celles-ci opèrent malgré la philosophie. D’ailleurs une longue expérience montre comment l’intuition des situations est souvent trahie par les formalismes de l’action, d’où ce clivage pathogène vécu dans les organisations. Inversement ce qui se passe échappant aux lectures « philosophiques » l’idéologie vient le dénier. Nous en avons de beaux exemples dans l’actualité. Avec l’Humanisme Méthodologique je pense avoir montré que le « Sens » est la source commune de l’agir comme du penser, source proprement méta-physique. Le Sens est aussi la clé de toute axiologique donc la question du bien et de toutes valeurs. Ainsi la philosophie, poussée au-delà des représentations seulement médiatrices, peut accéder au Sens, se fait alors discernement axiologique et vecteur et moteur de l’action. On pourrait envisager les choses autrement ; les entreprises humaines sont des phénomènes humains et la philosophie, si elle permet de penser l’humanité et les situations humaines éclaire les affaires humaines (toutes) et leur « réalisation ». Cela vaut évidemment pour les phénomènes de société. Si le management passe par la philosophie c’est que la gouvernance des communautés humaines, des communautés agissantes ou des communautés en développement, est un phénomène humain qu’une philosophie recentrée peut éclairer. Pour Gaston Berger je crois, un chef d’entreprise doit être un « philosophe en action » . Ses références spirituelles lui permettaient de le penser.

    • Pour que la philosophie soit opérante, il est nécessaire qu’elle soit l’oxygène qui alimente notre cerveau et non une drogue de spécialiste, inaccessible au plus grand nombre. J’ai bien connu Vladimir Jankelevitch dont une partie du cours était en Grec ancien! C’était un excellent maître pour préparer à l’agrégation. Par contre, au lycée, mon professeur, Olivier Revault d’Allonnes, tentait plus modestement de faire de chaque élève un homme capable de donner du sens à sa vie en réfléchissant sur les questions fondamentales plutôt qu’un chasseur de diplôme. Je lui rends ici hommage, car, un demi-siècle plus tard, son enseignement m’éclaire toujours. Cette philosophie-là me paraît indispensable au manager et c’est sans doute la raison pour laquelle les Japonais l’ont intégrée à la formation de leurs futurs dirigeants.

    • Alain AmselekHeureux, Roger, de te retrouver à nouveau. En te souhaitant tous mes meilleurs vœux pour 2014, j’aimerais te demander ce que tu entends par « Sens » avec une majuscule… Car quarante ans de pratique psychanalytique et quelques expériences et réflexions autour de thèmes philosophiques ont particulièrement éveillé ma méfiance envers ce signifiant et montré l’importance du non-sens, trop souvent ignoré ou dénié dans l’appréhension du réel. Je me méfie aussi de toutes les clés universelles.

      • Roger NifleTous mes voeux Alain et à tous nos amis humanistes. Le « Sens » comme signifiant ? et le non-sens c’est quoi ? ce qui serait ignoré ou dénié et qu’est ce que le sens dont la négation serait ainsi déniée. Le Sens clé universelle ? Voilà quelques interrogations que m’inspirent ton texte. Je n’ai pas répondu à ta question mais peut-être un peu à ton questionnement. En tout cas le Sens n’est pas quelque chose de réductible à une définition. Par contre donner un Sens à un projet, une entreprise, une activité, une action, une décision, qu’est ce que ça veut dire. Si diriger c’est donner le Sens alors qu’est ce don et qu’est ce que le Sens, et quel Sens, et comment le discerner, et où le trouver et comment le partager, etc. … Des questions de management. Quant au réel, pour moi le réel est Sens et la réalité sa réalisation…

  17. Alain Amselek
    A Jean-Pierre, je voudrais dire que s’il y a une mère de la pensée, c’est pour moi (et quelques autres) avant tout le désir…

  18. Roger NifleLe Sens, disposition d’être de la personne. Le ConSensus (Sens partagé), source énergétique (énergie = ce qui meut), L’expérience du Sens en conSensus : propension ou intention du sujet, son objet (contexte), son but (projection historique), ses modalités : affects, corporéité, images mentales. Le Sens est principe d’orientation (axiologique, le « bon » Sens, le désir ?), principe de connaissance (épistémologique, signification), principe d’action (praxéologique, processus de réalisation). Nous sommes à la croisée d’une anthropologie fondamentale, d’une métaphysique, et des entreprises humaines et leur management (ou gouvernance). Bien sur il faut considérer que le lieu de où cela joue, vaut, se réalise est simultanément la personne (lieu d’être Sens – conSensus) et la communauté (affaires humaines). Dit autrement ce sont bien les personnes qui discernent, orientent, agissent, dans des situations toujours communes, ce qui est bien l’enjeu du management des entreprises humaines (y en a-t-il d’autres?). La nouveauté c’est que les entreprises sont des phénomènes humains et le management aussi. Le psychanalyste a-t-il quelque chose à en dire, en orienter, en faire…? Quant au philosophe cela dépend de ce qu’il entend par là.

  19. Roger Niflemais avec « la mère de la pensée » comment se conçoit et nait la pensée ? et qu’est ce que l’esprit ? des questions qui sont hors du champ de conscience ordinaire surtout dans les entreprises où au mieux sont dissociés ce qui est d’ordre spirituel et ce qui est d’ordre pratique. C’est bien à ces réponses que s’attache l’Humanisme Méthodologique avec la question du Sens ou esprit (au singulier et au pluriel) et la question de l’actualisation du Sens en conSensus notamment dans la pensée mais aussi dans l’action ou l’affectivité. L’intelligence symbolique ou intelligence du Sens permet de faire les liens indispensables pour renouer les affaires humaines dans tous leurs aspects concrets avec l’être spirituel de l’homme c’est à dire le Sens. Notons que la raison causale a été posée comme lien entre l’intellect et le faire et que cette erreur ne cesse de révéler ses ravages.

    • Alain AmselekTout-à-fait d’accord avec les ravages du causalisme et du rationalisme, qui nient l’essence de la vie et l’être le plus intime de l’humain…, l’essence même du sujet. Contrairement au « Je pense, donc Je suis » de Descartes, qui a été contesté par Lacan quand il affirmait « Là où je pense, je ne suis pas », il faudrait dire, pour être plus proche de la vérité, « Je sens, j’existe, je suis ». Le sentir n’est pas le penser, malgré la confusion qu’en fait depuis les Grecs notre Occident si bien pensant. Il n’y a de sujet fondamental que le sujet du sentir. Il préexiste à la pensée et lui est toujours sous-jacent.
      Toute la société occidentale paie aujourd’hui chèrement l’identification du sujet à la pensée et aux fonctions cognitives purement mentales, oubliant que l’affectivité primaire est aussi un mode de connaissance, charnel et archaïque certes, mais non inefficace. C’est lui qui donne naissance à l’intuition. Quand la pensée semble disparaître ou se retirer, par exemple dans le cas de traumatismes cérébraux, ou dans les démences séniles ou encore la maladie d’Alzheimer, le sentir, aux fondations de l’archaïque, dans les racines de la chair, est toujours là, premier, assurant la continuité d’être dans son devenir et pouvant toujours dans des sursauts de vie et de désir pousser encore à penser, à agir et communiquer.

  20. Le « sentir » ne prend-il pas existence seulement au travers du « ressenti » ?

    • Roger NifleOn est d’accord sur les conséquences du primat de la raison et des représentations mentales de tous ordres. Cependant j’ai quelques désaccords sur la préséance de l’affect et de l’archaïque. Elle est juste en ce qui concerne les dynamiques historiques de la conscience où l’affect précède, les faits (corporéité) qui précèdent les représentations dans un processus de progression et de maturation. Cependant dans ce que j’appelle les dynamiques actuelles les trois plans sont co-extensifs comme trois plans de la même expérience existentielle. En outre, tout se passe comme si certaines conditions existentielles, comme la lecture d’un texte, ou une représentation imaginaire précèdent les affects, précédant à leur tour geste ou pensée. Ainsi tout processus existentiel se déroule dans le temps où apparaissent des précessions temporelles qui semblent causales mais ne le sont pas. Ni l’affect, ni le corps, ni le mental ne sont la cause de quoi que ce soit étant eux mêmes coextensifs dans une même actualisation… des Sens en conSensus. Ceux-ci précèdent mais de façon a temporelle toute l’expérience où apparait la temporalité. Ainsi le Sens (conSensus) précède la pensée comme « création », pensée accompagnée simultanément par les autres modalités existentielles (affectives et corporelles). Je distingue là pensée et réflexion comme par exemple création et computation. Alors le plus intime à l’homme c’est le Sens (spirituel), le plus existentiellement « primitif », comme préhistorique ce sont en effet les affects dits ici primaires. Alors en pratique l’accès au Sens pour le dirigeant (intelligence symbolique) est la condition d’une quelconque maîtrise des affaires entrepreneuriales, des conSensus, tant sur le plan mental et ses rationalités, sur le plan technique et ses savoir faire, sur le plan affectif… Contrairement aux idées reçues, la maitrise mentale, pratique ou affective ne tiens que par la maîtrise du Sens, en soi, maîtrise de soi mais dont les réalisations dépendent des autres (conSensus).

    • Alain AmselekA anonyme. Il me semble que c’est plutôt exactement le contraire : le ressenti, qui est bien une pensée et une re-présentation, n’existe qu’à travers le sentir du sujet. Sans le sentir-soi du sujet, il n’y a pas de possibilité de senti ni de ressenti. On confond trop souvent l’éprouvé avec ce que j’aime appeler l’éprouvance, ce qu’on peut retrouver un peu dans l’expression anglaise « experiencing » !

      • Pourtant une douleur ressentie est ni une pensée ni une représentation. Ne serait-ce pas plutôt l’intuition qui relèverait de la pensée et de la représentation ? Finalement, ne serait-ce pas l’histoire : « qui de la poule ou de l’œuf » ?

      • Alain AmselekJe pense qu’il y a là un malentendu du langage dû sans doute à ce que nous ne donnons sans doute pas la même signification aux mots employés et aussi dû à la métaphore de l’œuf et de la poule… Pour moi cela n’a pas les mêmes effets de mettre la pensée ou le sentir comme fondement et encore moins de les confondre. S’il y a là deux options possibles, elles sont tout-à-fait différentes, elles constituent deux choix de civilisation comme nous le montre bien la comparaison de l’Occident et de l’Orient, avant que l’Orient s’occidentalise. Grâce à leurs techniques très poussées de méditation, les sages de l’Orient sont parvenus à arrêter les tourbillons de la pensée et retrouver un état de pur sentir, conscience vide de représentations mais non de vie.
        Dans l’Antiquité grecque par contre, Parménide avait établi l’équation ETRE = PENSÉE = LANGAGE et toute la pensée moderne dans son sillage et renforcée par Descartes s’est fourvoyée dans une ontologie de la représentation, qui est une récusation de toute conscience en soi, de toute “conscience sans objet”.
        La conscience ne peut plus être simple “présence invisible”, “pur sentir sans tension, ni intention”, “auto-affection de la vie dans son immanence subjectale et charnelle”. Elle est au contraire constamment identifiée à son contenu, à la représentation.

  21. Alain AmselekAvec l’introduction de l’idée médiévale d’intentionnalité de la conscience, reprise par la phénoménologie, toute conscience devient conscience de quelque chose et n’est pas descriptible sans référence à l’objet vers quoi elle tend dans une visée d’avance intentionnelle, qui est, dans son dynamisme même, “affectivement” ou “activement” qualifiée et s’appuie sur un savoir, c’est-à-dire sur des représentations.
    Dans cette perspective, la “conscience-soi” est rabattue sur la conscience de soi, l’“éprouver-soi” sur l’éprouvé de soi, “l’immédiat” sur “le réfléchi et l’objectivé”, contrairement à la leçon de Bergson qui opposait “les données immédiates de la conscience” à la représentation et soulignait l’antinomie foncière entre la représentation et le vivant qui n’est pas représentable, ce qui expérimentalement se retrouve dans la distinction in vivo / in vitro (cf. Isaac Benrubi. Souvenirs sur Henri Bergson. p. 25).
    L’“experiencing” cher à Donald Winnicott, l’acte même d’éprouver, qui est l’équivalent de l’acte d’apparition du soi, est barré au profit du contenu et de la forme de l’expérience.
    L’“acte d’éprouver” est une formulation paradoxale qui “conjoint” l’agir et le pâtir dans le même mouvement, le même temps, celui du soi originaire, du soi-chair.
    En somme, l’être de l’homme est tout entier acte, c’est-à-dire sujet déjà-là impliqué par l’acte tout autant que sujet-se-faisant produit par l’acte, il est poésie et émotion, qui étymologiquement signifie “bouger”, “se mouvoir hors de” et qui donc va du pâtir, c’est-à-dire la passion, à l’agir. La chair, lieu du pâtir et de l’agir et de leur reliance, l’émotion, est la scène transitionnelle entre le monde extérieur (celui de l’environnement) et le monde psychique intérieur (celui des représentations), chair palpitante, vibrante, animée, pneumatisée, où sous une forme inconnue de nous, la pulsion, produit des excitations endosomatiques, émerge en allant se métaboliser en délégués pulsionnels dans le domaine de la représentation pour y investir en les transformant les différentes représentations de chose et de mot s’y trouvant ; chair où l’affect originaire, discriminant plaisir et déplaisir, fournit déjà un premier mode, pré-réflexif, de con-naissance, mais aussi une première matrice symboligéne. L’ajustement subjectal à l’action peut d’ores et déjà se faire au moyen de la tonalité affective. C’est dans la mesure où mon affectivité m’oriente vers le monde et que comme être sentant, je me meus dans celui-ci et j’exerce dans ma mobilité même le sentir dans l’union et la séparation, que me sont révélées la proximité et l’éloignement, l’ici et le là, c’est-à-dire la distance et la limite. A travers l’épreuve affectivo-sensorielle, une relation sujet-objet m’est donnée sans la moindre intervention de l’intellect et de la réflexion, et cette relation de soi et du monde se développe à la manière d’un co-devenir (mit-werden).
    J’ai développé ces idées dans Le Livre rouge de la psychanalyse et dans L’ouverture à la vie, pour ceux que cela pourrait intéresser.

  22. Je ne suis pas certain qu’il faille attendre de la philosophie des connaissances et encore moins des « recettes » qui bouleversent le management. Je crois plutôt à un apport méthodologique, un entraînement à penser juste, à poser correctement les problèmes de notre temps afin de pouvoir mieux les traiter.
    L’ approche de la philosophie n’est donc pas à la portée du premier professeur venu. Ca n’est certainement pas en « bachotant » comme au lycée, en commentant Descartes, Kant, Hegel, Auguste Comte ou Derrida qu’on apprendra à nos dirigeants à réfléchir; nous n’y sommes pas mieux parvenus en les familiarisant avec les intégrales!
    Il nous faut par conséquent réfléchir, je crois, à une profonde réforme des études supérieures et … enfin … à la pédagogie.

  23. Georges Van Simpsen@Roger Nifle
    ..qu’est-ce que LE réel..?? ..voilà une question philosophique ..!!
    Suis-je seulement conscient de ma propre réalité ! GVS

    • Roger NifleLe réel, la réponse de l’Humanisme Méthodologique. Le réel (pour l’homme) est ce qui en lui est la source de son expérience de la réalité ou « réalisation » du réel partagé (conSensus), réalité à son tour révélatrice du réel. Le réel de toute réalité se révèle en soi par discernement des Sens (spirituel), Sens de la réalité réalisée sous les modes affectif, corporel, mental effets de conscience (conscience de réalités). Ainsi chaque chose chaque situation chaque entreprise peut-elle être « réalisée » en conscience (des procédés philosophiques peuvent en partie y contribuer) de façon à pouvoir accéder au Sens (du conSensus) dominant ou souhaitable. De là la détermination rendue possible par ce discernement permet de diriger véritablement « donner le Sens » et ainsi contribuer à réaliser les choses dans ce Sens de façon à tenter de « plier » la réalité au Sens voulu, Sens du bien commun si possible. L’action n’est plus ici l’application d’un protocole technique quelconque mais une présence agissante partagée et réalisatrice, une action proprement humaine. Ainsi discours philosophiques et protocoles formels sont renvoyés dos à dos à l’inefficience où plutôt la croyance magique en leur efficience. C’est d’ailleurs la victoire moderne de cette croyance qui éreintant toute autre explication du monde qui en révèle l’impotence. De ce fait il est possible de comprendre que ce ne sont que des réalisations conjoncturelles ou opportunes du réel et que leur seul rôle ne peut être que de médiation et non d’une quelconque causalité efficiente. Aucune méthode ne marche, aucune philosophie n’explique par elle-même. Ce sont des moyens « médiations » au travail humain de réalisation à partir du réel et de révélation du réel (humain). A propos de Sens il m’est arrivé de lire cette définition de la philosophie comme recherche du Sens. Il ne m’est pas arrivé de lire ce que la philosophie disait de ce qu’est le Sens. C’est pour cela que j’ai cherché une réponse.

      • Georges Van Simpsen« ..Le réel, c’est impossible.. » (Jacques Lacan)
        Ma réalité n’est pas LE réel, C’est MON réel. GVS

  24. Alain AmselekOui, Georges, le réel, c’est l’impossible à représenter ou à imaginer, mais non pas à éprouver, puisqu’on est dedans et en subit les effets. La douleur dont vous avez dit qu’elle n’est ni une représentation ni une pensée, eh bien c’est du réel, comme l’orgasme. Richard Dawkins estime qu’on peut définir le Réel comme ce qui vous riposte quand on donne un coup de pied dedans (« Reality is what can kick back ») et que c’était là le seul critère vivant qui permette de le distinguer sans discussion possible de la fiction ou de l’illusion. Lacan, par contre, s’il dira bien : « Le réel, c’est quand on se cogne », il ajoutera « quand on se cogne, le réel, c’est l’impossible à pénétrer », pour lui on ne se heurte là qu’au bord topologique du réel auquel on continue à n’avoir aucun accès. Il y a seulement alors des effets de bord, qui peuvent faire sens, effets de sens. Mais on reste là encore dans le symbolique à sa limite. On reste là dans le sens. Comment faire prévaloir le réel plutôt que le sens ? Le sens, où s’origine tout savoir, n’en continue pas moins de se constituer… et de se re-défaire… dans la confrontation antinomique au Réel, dont la place ne peut être occupée par le Symbolique.
    « Le réel, c’est l’expulsé du sens,
    C’est l’impossible comme tel,
    C’est l’immondice
    Dont le monde s’émonde en principe,
    C’est l’existence de l’immonde,
    A savoir de ce qui n’est pas monde… »
    Lacan, RSI, 11 mars 1975

    • Georges Van Simpsen… » le réel, c’est l’impossible à représenter ou à imaginer, mais non pas à éprouver, puisqu’on est dedans et en subit les effets »…Pas quand on est mort..et pourtant il continue pour les autres. J’en conclu soit que c’est moi qui donne vie au réel, soit que le réel est ce qui n’est pas le néant. GVS

    • Alain AmselekL’important, c’est de prendre conscience de l’écart entre le Réel et la réalité. La réalité est une fiction plus ou moins partagée, à la limite un fantasme, fait de nos représentations et de nos imaginations. « Le monde est ma représentation », disait Schopenhauer et nous devons nous frotter à la pluralité des « mondes des autres ».
      Cependant, comme le disait Jacques Audiberti dans L’effet Glapion : « Parmi les illusions de l’existence, certaines réussissent. Ce sont elles qui constituent la réalité ».
      La réalité, c’est alors ce qui marche, ce qui marche dans certaines conditions de situation, d’expérimentation, mais… toujours encore dans un système de représentations à l’intérieur duquel on reste quand même enfermé, dans un système aussi de constructions situées historiquement, socialement et culturellement et variant constamment ! On ne sort pas là du symbolique (en gros le langage, ou plus précisément ses signifiants), ni de l’imaginaire (les retombées du symbolique, les signifiés). Symbolique et imaginaire enveloppent le réel, comme disent les hindous, du voile de Maya… ce qui nous met… dans la mayonnaise !

    • Georges Van Simpsen
      …ou dans la vacuité !…

    • Alain AmselekLa vacuité, si vous pouvez provoquer comme les yogis ou les mystiques l’arrêt de la pensée et de l’imagination ! Vous serez alors dans un vide qui n’est cependant pas vide, mais, puisque vous continuerez à être vivant et éprouvant, paradoxalement plein de ce que les Orientaux appellent le pur Sentir. Vous serez dans ce que la Bible hébraïque appelle le tohu-bohu ou Chaos, c’est-à-dire le Vide de forme, de structure, de substance, mais non de Vie : « Au commencement est le chaos », proclame-t-elle dans ses premières paroles. Pour l’homme biblique, au commencement est la Vie, et non l’Acte (Goethe), non le Verbe (Jean) ni encore moins le langage (Lacan)… la Vie, ce « Commencement perdu » par la pensée gréco-occidentale, du simple fait que la vie est radicalement immanente. Ce n’est jamais la pensée, qui elle s’accomplit dans le “voir”, dans la représentation, dans “l’évidence”, qui y donne accès. La vie, cet autre nom du réel, ne se montre pas dans un champ d’investigation théorique quelconque. La vie ne se saisit pas dans la raison et la réflexion, mais dans l’affectivité originelle, intime (in time, dans le temps) et pulsionnelle de chaque être vivant.

    • Roger NifleQuelques considérations de mon point de vue. La réalité est bien de l’ordre de l’expérience à la fois personnelle et collective. Si d’aucuns l’assimilent à une représentation (imaginaire, mentale..) pour moi il s’agit de re-présentation, présentation à nouveau, re-actualisation. Or l’expérience se présente (à la conscience comme au présent) sous différents modes que sont le mode affectif, le mode mental, le mode corporel trois volets d’une même re-présentation. Re-présentation de quoi ? au bout du compte re-présentation du réel. Mais où est le réel ? au lieu où l’expérience se présente et re-présente c’est-à-dire en soi (comme être de Sens). La réalité est donc toujours humaine y compris quand on lui donne des coups de pieds. Cependant elle est aussi en l’autre ou plutôt les autres de tel ou tel conSensus si bien que l’expérience nous résiste toujours à une toute puissance qui dépend des autres, quelque soit le registre affectif (pas d’affects sans autres) corporel (pas de corps sans les autres) mental, pas de langue sans les autres par exemple). Dès lors la réalité peut nous paraitre aussi bien comme un monde totalement indépendant d’un en soi (y compris notre propre réalité) ou fantasme comme entièrement issue de l’en soi (solipsisme). De là vient la question à quoi ça sert tout ça ? D’abord à discerner (par quelque moyen) différentes conceptions (humaines) de la réalité et du réel qui prêtent à conséquence. Par exemple si le réel est la puissance dont la réalité est un pâtir, alors le problème est d’être du côté de la puissance, de la toute puissance intégrale ou intégriste ou de subir, soumis aux passions et pathos de la paranoïa ordinaire. Voilà une conception de l’entreprise comme emprise et du management comme exercice de puissance pour en faire pâtir les autres (personnel, concurrents ou clients). Une autre conception, le réel est la Raison supérieure sinon divine de quelque grand architecte et la réalité un construit ou un état brut à construire. Alors chacun est invité à se vouer à la rationalisation de la réalité vers l’idéal de perfection. Les entreprises appareils techniques sont organisées rationnellement par des cadres, supérieurs par la raison qu’ils maîtrisent grâce à leur ascèse de conformité (diplômés donc). Je schématise bien sûr. Une autre version la réel c’est la Nature et la réalité ses infinies variations conditionnées par ses lois. Bien sûr la Nature se plie étonnamment à nos imaginations si bien qu’on peut la voir écologique, biologique, économique, physique, etc. affaire de système naturel. Evidemment l’entreprise, phénomène naturel ne nécessite que l’évitement des dysfonctionnements et l’adéquation aux situations naturelles. Ici l’homme est cet être naturel capable de poser bizarrement des actes contre-nature si bien que ses velléités de maîtrise de quoi que se soit sont de vilaines anthropisations de la nature virginale.
      Enfin le réel étant Sens en conSensus, en soi et avec les autres, la réalité en est re-présentation symbolique. Le symbolique qui re-présente quelques Sens partagés est aussi bien dans l’affect, le corporel ou le mental. Aucun n’est premier même si des séquences temporelles peuvent être re-présentées. Alors les entreprises humaines toujours communautaires sont le fait de chacun par les autres, de chacun dont la responsabilité, notamment pour les dirigeants est de « donner le Sens » mais aussi de travailler au conSensus par tous les moyens appropriés au tant de re-présentations assimilable à l’agir humain. A quoi ça sert ? alors là viennent les question de Sens et notamment celle du Sens du bien commun (valeurs etc.)
      Peut-être faut-il au philosophe qui en a terminé avec les commentaires de ses éminents prédécesseurs, se confronter à la réalité commune et contribuer au discernement des Sens pour les responsables et au travail de conSensus aussi bien qu’aux re-présentations symboliques que sont les conceptions, méthodes, projets, économie etc. Tous de nature humaine et communautaire comme toutes les affaires humaines.