Le contexte
Il y a quelques années, un client pour lequel nous avions déjà effectué une aide au recrutement, nous proposait une mission fort inhabituelle : retrouver les gens de son entreprise.
Le téléphone avait alors failli tomber des mains de ma collaboratrice ! Un silence s’ensuivit.
Puis, elle finit par bafouiller : « Retrouver les gens de votre entreprise ? » et, toujours sous le choc de la surprise : « mais où sont donc passés tous les collaborateurs recrutés ? ».
A son tour, son interlocuteur demeura silencieux quelques instants avant de reprendre d’une voix anxieuse : « s’il vous plaît, retrouvez les gens de mon entreprise ! », et avant de raccrocher, l’homme avait suggéré une piste de réflexion : l’incendie de Mann Gulch dans le Montana en 1949, nous indiquant que, si les faits n’étaient pas très récents (1949, tout de même !), ils constituaient, toutefois, un point de départ permettant de comprendre sa propre situation. Il nous recontacterait lorsqu’il aura pu rendre plus cohérente sa demande car il se disait émotionnellement déstabilisé…
De nature curieuse, l’équipe ISRI s’est mobilisée pour exploiter le tuyau : , 10 soldats du feu étaient morts ! Que s’était-il passé ce jour-là ? Notre (en)quête commençait…
, dans son ouvrage «
» rapporte que le romancier Norman Maclean était sur les lieux alors que le feu brûlait encore. Il en tira, quatorze ans plus tard un récit romancé
. En 1993
, psychosociologue, publia, à partir du roman de Maclean, une analyse de ce drame.
Sans entrer dans le magistral décorticage de K. Weick, nous dirons que ses conclusions pointent la perte de sens de l’action collective (autrement dit, la désobéissance) imputables aux et non argumentés du commandement, et à l’absence de leur relai par le chef de peloton.
Cependant, une analyse du système cognitif fait ressortir une absence de partage d’une définition commune de la situation entre le commandement, expérimenté, et l’équipe sur le terrain, inexpérimenté au moment où les décisions d’urgence ont été prises ; alors qu’au départ de la mission, tous les acteurs partagent la même définition de la mission et se sont mis en place selon une stratégie et des comportements appropriés.
En fait, tout a basculé au moment du dramatique malentendu dû au vent qui s’était levé ! Ce changement brusque du contexte (le vent s’est levé) a induit des redéfinitions de la situation par les acteurs et des modifications des principes d’action bouleversant les hiérarchies et les symboles, car les nouveaux ordres rapides (et pourtant, salutaires s’ils avaient été exécutés : « abandonnez votre matériel de feu et grimpez en haut de la colline ») n’étaient pas explicités. En conséquence, les pompiers sur le terrain les ont interprétés comme un acte de panique de la part du commandement car à l’aune de leur formation récente on n’abandonne pas son matériel ! Ils donc.
Revenons maintenant à notre client. Quelques jours après le premier entretien téléphonique, il rappelle et nous propose un rendez-vous. Pour faire succinct, il dirigeait une société ayant mis au point un système orignal et révolutionnaire de lutte contre la contrefaçon. En lien étroit avec les Douanes et Interpol, il avait démarché par cooptation les grandes industries du luxe, du médicament, du funéraire et de la pièce automobile sans véritable succès.
Alors, notre client a voulu mettre sur pied une équipe de commerciaux dont la mission consistait à visiter les prospects pour leurs apporter des compléments d’informations sur les documents envoyés par publipostage et e-mailing par le service administratif, puis leur faire signer un contrat, le cas échéant.
Tout comme , tout semblait organisé pour que ça fonctionne : les procédures et autres techniques de prospection étaient extrêmement bien cogitées, les différents acteurs étaient motivés !
Alors, que se passait-il ? Pourquoi les commerciaux démissionnaient et les salariés des autres services étaient démotivés ? Pourquoi n’y avait-il pas de vente ?
Il ne s’agissait pas du prix, il était très compétitif. Il ne s’agissait pas du système, il était facile à mettre en œuvre. Il ne s’agissait pas de la probité et de l’intégrité de la force de vente, chaque commercial était diplômé d’une haute école de commerce, prêtaient serment de confidentialité et de secret professionnel, et suivait, dès leur embauche, une formation interne de 3 semaines incluant des techniques de Programmation NeuroLinguistique (PNL) pour apprendre à contourner les questions pouvant mettre en péril le secret professionnel. Il ne s’agissait pas du service administratif ou de celui de la conception/maintenance du système, chaque collaborateur avait été recruté par un staff de deux psychologues et un sociologue et ils donnaient entière satisfaction, dans leur travail, d’un point de vu technique.
En fait, comme dans l’incendie du Montana, notre client n’avait pas saisi, dans l’organisation de sa prospection, que les définitions des situations quotidiennes étaient reconstruites inconsciemment et indépendamment par chaque acteurs selon un « » en trois notions :
- le cercle,
- la communautés de justice et
- l’échelle.