Mar 272013
 
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Risques Psychosociaux :
Passer de l’évaluation à la prévention

Par Hervé Lanouzière
Conseiller technique à la sous-direction des conditions de travail à la direction générale du travail – Professeur associé à la chaire d’hygiène et de sécurité du Conservatoire national des arts et métiers. Directeur de l’ANACT au 1er décembre 2012.

 

Introduction

Introduction

Une fois l’évaluation des risques réalisée, l’article L. 4121-3 demande à l’employeur de mettre en œuvre « les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ». Au-delà des actions classiques de prévention, les méthodes de travail sont clairement identifiées comme devant contribuer à un meilleur niveau de protection de la santé.

Risques Psychosociaux - De l'évaluation à la préventionIl n’est donc pas seulement question de corriger les effets néfastes d’une méthode (on parle dans ce cas de prévention secondaire) mais d’anticiper ces effets avant même de l’implanter (prévention primaire). Celle qui garantit un meilleur niveau de santé doit être privilégiée. A défaut de pouvoir le faire, on réduira les effets indésirables identifiés par des actions de prévention. L’article L. 4121-2 énonce la démarche sur laquelle il faut s’appuyer pour y parvenir. Ce sont les fameux principes généraux de prévention qui irriguent toute la philosophie de la prévention des risques professionnels. Tentons de les appliquer aux risques psychosociaux et de les illustrer par un exemple courant, celui d’un service mettant les agents au contact des usagers.

Eviter les risques

« Éviter les risques »

Nous l’avons vu plus haut, le premier réflexe est souvent de considérer que le stress est inévitable. C’est inexact. D’abord, ce n’est pas le stress en tant que tel que l’on va chercher à éviter mais le risque résultant d’une exposition à une source excessive de stress. Si l’on s’en tient à la charge de travail, on s’interrogera systématiquement avec les opérateurs sur les raisons pour lesquelles on effectue telle tâche, celles pour lesquelles on l’effectue ainsi et l’obligation dans laquelle on est de l’effectuer ainsi. Bref, on s’intéressera aux déterminants du stress.

Il n’est pas rare, ce faisant, de découvrir, pour un dysfonctionnement identifié, l’existence de doublons résultant d’une mauvaise répartition des tâches entre services ou agents. La redéfinition des rôles et des fonctions peut conduire à la clarification des responsabilités respectives, la sécurisation des cadres d’intervention, la hiérarchisation des priorités, et in fine à éviter le risque.

ertes, dans l’exemple d’un service au contact du public, il n’est pas possible de garantir en toutes circonstances l’absence de tensions dans le face-à-face avec l’usager. Mais il possible d’en réduire sensiblement l’occurrence en combattant les risques à la source.

Combattre les risques à la source

« Combattre les risques à la source »

Ce principe essentiel illustre l’insuffisance des mesures de prévention qui se limitent à des actions de formation censées apprendre à « gérer le stress ». Ce faisant, on ne s’attaque pas à la source, c’est-à-dire à la cause. On peut certes former les agents à faire face aux incivilités d’un usager mécontent et agressif. Une réaction appropriée, sera bien entendu de nature à apaiser la situation. Mais il y a fort à craindre qu’une telle aptitude à résorber les conflits finisse par trouver ses limites si les motifs de récriminations des usagers ne sont pas traités. De telles mesures ne peuvent donc tenir lieu de politique de prévention des risques à la source.

On doit au contraire chercher à comprendre les causes du différend, ce qui conduira à s’intéresser à l’organisation du travail plutôt qu’aux aptitudes individuelles à faire face à l’adversité. Si les tensions proviennent d’un retard dans l’instruction de demandes, d’où vient ce retard ? Comment le résorber ? Si elles proviennent d’une trop forte affluence, comment éviter ou réduire l’attente des usagers ? Comment anticiper leur accueil aux heures et jours connus d’affluence ? etc. Combattre le risque à la source consiste donc plutôt à travailler sur la façon dont sont allouées les ressources en fonction de la charge de travail, plutôt que de tenter, vainement, de vouloir adapter l’homme à son travail, ce qui est contraire au prochain principe de prévention.

Adapter le travail à l'homme

« Adapter le travail à l’homme (…) »

On s’en tient souvent à cette seule partie de la locution mais il est important de relire ce principe en entier : « adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ». Ce n’est donc pas à l‘homme qu’il revient de s’adapter à des conditions de travail dégradées, ce qui, appliqué aux risques psychosociaux, reviendrait à réduire la prévention à la recherche de profils particuliers. Mais c’est à l’organisation de fournir un cadre de travail compatible avec les capacités de l’homme, quelles que soient ses caractéristiques individuelles. Cela ne signifie pas que certains postes ne requièrent pas des aptitudes professionnelles particulières, mais que celles-ci doivent être identifiées en termes de compétences appréciées, recherchées ou valorisées comme telles, plutôt qu’en termes de capacité de résistance à l’adversité.

Prendre des mesures de protection collective

« Prendre des mesures de protection collective… »

…« en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ». Ce principe est cher aux préventeurs. Appliqué aux risques psychosociaux, il montre encore les limites d’une approche exclusivement centrée sur la personne. Ainsi, de même qu’il n’est pas réaliste de demander à un travailleur de porter durant une journée complète un masque de protection respiratoire (il est plus efficace de capter collectivement les polluants à leur source d’émission), il n’est pas possible de faire reposer durablement la résistance aux situations de stress sur des mesures comportementales faisant exclusivement appel aux ressources psychologiques des intéressés. Car ces ressources sont épuisables et font porter sur le seul individu la responsabilité de gérer des conditions de travail tendues.

La protection collective, qui incombe à l’employeur, est un préalable à la mise en place de protections individuelles. Ces dernières doivent être réservées au risque résiduel, c’est-à-dire à la part qui ne peut être prise en charge par l’organisation collective. On peut ainsi préparer un agent à faire face à une situation de violence, toujours possible, mais on doit avant tout créer les conditions favorables pour que de telles violences ne se produisent pas, ou le moins possible. On préfèrera donc réorganiser les modalités d’accueil et de prise en charge des usagers dans une salle d’attente (aménagements des locaux, des guichets, des horaires, des procédures et formalités à remplir, renforcement des effectifs aux heures de pointe, etc.).

Donner les instructions appropriées aux travailleurs

« Donner les instructions appropriées aux travailleurs »

Il s’agit bien sûr d’informer sur les risques encourus et les moyens de s’en prémunir. De ce point de vue, les actions d’information et de formation déployées dans les plans d’action pour sensibiliser les agents et l’encadrement aux manifestations des risques psychosociaux sont importantes : qu’est-ce que le job-strain, le harcèlement ? Comment les reconnaître ? Comment y faire face ? Quels sont les facteurs concourant à leur apparition ?

Mais là encore, il ne s’agit pas tant d’apprendre à reconnaître un syndrome dépressif, qu’à savoir identifier une situation de travail à problème. Donner des instructions appropriées consiste alors à se doter de procédures de régulation (réunions de supervision, etc.) ou de prise en charge adéquates par des relais connus de tous dans l’entreprise (médecin du travail, service social, etc.). Face aux situations de détresse avérées, il s’agit de savoir activer l’équipe et les compétences qui vont permettre la prise en charge efficace de la personne en souffrance, là encore, afin de privilégier le cadre collectif plutôt que l’impasse du face à face personnel.

Retrouvez cet article au complet sur le site des Cahiers de la fonction Publique & de l’Administration.

Visitez notre page des prestations et des méthodes sur les Risques Psychosociaux.

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