le leadership (dossier)

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Mai 202013
 

Dossier ISRI FRANCE PM LibrairieLE LEADERSHIP (dossier)

Un bon leader devait être une personne de confiance, dont les ambitions doivent être intimement liées à ceux des autres, et qui a la capacité de déclencher une espèce de soumission spontanée et enthousiaste de ses collaborateurs. Comment développer les meilleures habitudes pour exercer un leadership d’excellence ? Voici quelques idées pratiques pour devenir un bon leader, et, au-delà, par extension, ressentir votre potentiel en la matière.

Equi-management, leadership et assertivité

L’indispensable pour avancer dans sa vie personnelle et professionnelle !

L’exigence des entreprises vis-à-vis de leurs responsables est de plus en plus axée sur la compétence à fédérer et donner du sens au travail. Développer son leadership et sa capacité à s’affirmer sans violence ou assertivité devient un passage obligé. Affirmer et faire vivre ses valeurs, donner envie à ses équipes d’œuvrer ensemble. Cette formation va permettre cette meilleure vision de soi-même d’un point de vue aptitude à la communication et capacité à prendre sa place dans l’entreprise.

Manager avec la philosophie

Des ressources inédites !

La philosophie occidentale offre des perspectives créatives de choix en matière de redéploiement du management et de conduite des hommes dans les organisations. Les méthodes de travail de la « philo » apportent des ressources inédites pour guider les décideurs dans leurs réflexions et leurs actions.

L’Entretien Annuel d’Appréciation :

un véritable et puissant outil de management !

L’Entretien d’Appréciation d’Animation (EAA) ne doit plus être l’objet de peurs fantasmées mais un véritable outil de management visant à mobiliser, motiver et faire évoluer ses collaborateurs dans des organisations en perpétuelle mutation. L’entretien d’appréciation, pour être efficace, implique de suivre des règles précises, tant sur le fond que sur la forme. La formation se déroule sur deux jours + un jour, un mois après.

Affirmation de soi et développement du leadership

D’après le livre à succès « S’affirmer sans s’imposer »

Ce stage est issu en grande partie du livre à succès de Gilles Prod’Homme (troisième édition), un des spécialistes français de l’assertivité : « S’affirmer sans s’imposer » (Éditions Dunod).

Devenir un négociateur référent

Aujourd’hui, un incontournable du management.

La maîtrise de l’art de la négociation, en direction de toutes les « parties prenantes », constitue un incontournable du management. Savoir négocier est une prérogative-clé de tout professionnel.

Améliorer son image personnelle en contexte professionnel

Pour les décideurs !

L’image de soi dans la vie professionnelle joue un rôle important dans les relations interpersonnelles et l’aptitude à interagir positivement avec les autres. Véhiculer une bonne image de soi est un atout à privilégier dans le développement des talents managériaux.

les risques psychosociaux (dossier)

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Mai 202013
 

LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX (dossier)

Réseaux Sociaux partage ISRI FRANCE Flèche 148x123 Que dit la loi, la jurisprudence ? Quel sont les principes généraux, les enjeux juridiques ? Quoi faire, que faire,  lorsqu’on est témoin d’un acte ou lorsqu’on est membre d’un CHS ? Comme le présente ce dossier, les Risques Psychosociaux relèvent de la santé au travail ; ils constituent un risque professionnel parmi d’autres. Il faut bien comprendre, désormais, que la prévention des Risques Psychosociaux est une priorité des Pouvoirs Publics. Pourtant, aucun texte ne fixe un cadre règlementaire à partir duquel orienter une action.

 Publié par le 20 mai 2013

le changement (dossier)

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Mai 202013
 

Dossier ISRI FRANCE PM LibrairieLE CHANGEMENT PERSONNEL
DANS
LE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL (dossier)

Changement personnel, organisationnel, économique, politique, social… les sociétés modernes semblent entraînées dans un tourbillon de « changements » sans cesse croissant. Il n’y a pas lieu d’en être bouleversé, il fait partie intégrante de nos vies ! Ce dossier s’adresse à tous ceux qui le vivent et à tous ceux qui veulent le comprendre.

Approches ISRI
 Publié par le 20 mai 2013
Mai 062013
 

Changement personnel - Photo Rubiks cubeLe changement : deuxième partie
Comprendre le changement personnel
1/5Dossier ISRI FRANCE
MAIS QU’EST-CE QUI PEUT BIEN NOUS FAIRE CHANGER ?

Dans la première partie de ce dossier (3 chapitres), nous avons abordé le changement organisationnel et son corollaire : le changement personnel. Dans un premier temps, nous avons réalisé un état des lieux (Part 1 – Chap 1), puis défini le changement organisationnel afin d’en dégager quelques outils (Repères) courants. Dans un second temps, nous avons un peu disserté sur les résistances au changement. Enfin, dans un troisième temps, nous avons parlé des clés de la transformation de soi et avons mis en exergue l’influence capitale des émotions dans le changement personnel. Chemin faisant, nous avons fait un focus sur les psy-thérapies.


Deuxième partie : liminaire

Liminaire

Réseaux Sociaux partage ISRI FRANCE FlècheCe premier chapitre sur 5, de cette deuxième partie, s’attache exclusivement au changement personnel DANS le changement organisationnel en pointant les identifications, les reconnaissances, les distinctions et les similarités du salarié au sein de l’organisation. Chemin faisant nous adaptons de nombreux concepts de psychosociologie afin de les rendre transposables dans le champ de l’entreprise.

Le deuxième chapitre, quant à lui, pointe la capacité qu’à le salarié à « faire sa place » au sein de l’organisation. Il met en exergue les angoisses et les influences, ainsi que les types de stratégies et de tactiques exercées par le salarié pour changer ou résister.

Pour une parfaite compréhension de ce chapitre 1 du dossier sur le changement personnel, nous invitons le lecteur à prendre préalablement connaissance des articles additionnels ISRI suivants. Ces articles font parties du dossier complet et expliquent de nombreux concepts indispensables à une bonne compréhension du phénomène de changement :

Changement personnel - Photo IndividuLe changement personnel : individu, personne, personnalité Changement personnel ISRI - Photo ValeursComprendre le changement : les valeurs, importance et ambivalence Changement personnel - Photo Analyse ISRIOptionnellement
La psychothérapie, le bras armé du changement positif
Part 1 - Chap 1 : Le salarié, son groupe, l'organisation

DEUXIÈME PARTIE : CHAPITRE 1 sur 5

Le salarié, son groupe, l’organisation

Changement personnel ISRI - Panneau FINLe point de vue que nous exposons ci-après veut élargir le champ des réflexions en matière de changement personnel qui semblent un peu « tourner en rond » sans avoir l’efficacité escomptée au sein du changement organisationnel.

Comprendre le changement personnel n’est pas une mince affaire et comprendre le changement personnel DANS le changement organisationnel semble relever de la mission impossible, voire d’une gageure, à priori, tellement le sujet semble complexe, comme tout ce qui touche le psychisme de l’être humain et le psychologique de ses relations interpersonnelles.

La raison en est évidente et simple : chacun de nous est simultanément l’observateur (le penseur) et le sujet d’observation (visé par la pensée).

La scission sujet/objet est le grand mystère et la structure fondamentale de la connaissance humaine, comme l’avait bien vu Jaspers.

Ajoutez-y des intérêts et des buts différents (sinon, antinomiques ou contradictoires, parfois !) entre le salarié et l’organisation et vous aurez un aperçu de la dimension de la tâche : une interrogation inépuisable !

Commençons par nous appuyer sur quelques fondements théoriques afin de poser la question des sources et des motifs des changements (pourquoi changer ?) ; aussi des processus qui les favorisent, qui les autorisent (qu’est-ce qui fait changer ?).

Procéder ainsi nous paraît être un passage obligatoire pour élucider, ensuite, les présupposés et bien comprendre le changement personnel et, donc, bien conduire pour réussir le changement organisationnel ; car nous voulons légitimement nous  interroger sur les conditions mêmes du changement personnel. C’est-à-dire :

  1. s’il y a changement personnel c’est qu’il y a quelque chose d’observable, a savoir : des comportements différents
  2. et ces comportements doivent bien s’exercer AVANT TOUT dans un topos, à savoir : l’organisation.

Avant de poursuivre plus avant sa lecture, le lecteur aura grand avantage à lire l’article déblayant les , ainsi que ceux traitant des

Distinctions et similarités : 1. Interdépendances, configurations et stratégie

Distinctions & similarités

Dossier Changement Définition ISRI

1. Interdépendances, configurations et stratégie

Changement personnel ISRI - Photo EliasNorbert Elias (1897-1990) propose deux concepts fondamentaux intéressants pour notre exposé : celui de CONFIGURATION et celui de PROCESSUS.

Il entend par configuration « la figure globale toujours changeante que forment les joueurs ». C’est-à-dire, la formation d’un ensemble d’individus, en l’occurrence de salariés, qui « inclut non seulement leur intellect, mais toute leur personne, les actions et les relations réciproques »(1)Elias, Norbert, La société des Individus, Fayard, coll. Pocket, 1991, p.14.

En clair, Elias indique qu’on ne peut analyser la configuration sans tenir compte du « sens intentionnel » des actions menées par les individus-salariés. Ainsi, il renonce à envisager la société en termes de relations de causes à effets, mais la conçoit au travers du concept d’INTERDÉPENDANCE dans le cadre de ce qu’il nomme des configurations.

Pour lui, le processus serait équivalent à la stratégie et serait organisée par le postulat d’une volonté et d’un pouvoir. Si nous ajoutons à cela que la stratégie est un domaine dans lequel la pensée et l’action sont étroitement imbriquées, expliciter le changement du salarié par l’usage de la stratégie va nous permettre de [hi]comprendre la manière dont il joue des coups[/hi] dans des espaces et selon des situations.

Sur le même registre, Changement personnel - Photo CerteauMichel de Certeau, pour qui « l’homme ordinaire donne en représentation »(2)Certeau, Michel (de), L’invention du quotidien 1. arts de faire, Gallimard, coll. folio/essais, 1990, p.14, c’est la manifestation par la production (la manière de parler, de s’habiller, d’exprimer l’art ou la culture, par exemple) et les conduites qui caractérisent l’homme. Il met ainsi en exergue le concept de . Ce qui va particulièrement être important pour mieux comprendre les différentes interdépendances en jeu.

Changement personnel ISRI - Photo GoffmanErving Goffman, quant à lui, parle d’une « présentation de soi stratégique » sur la scène publique et ses .

A retenir ISRIA travers tous ces auteurs, comprendre le phénomène de changement personnel nous met face à une hypothèse : l’individu semble « en logique », chargé « d’intentions », dans l’accomplissement de ses activités et de son rôle dans l’organisation. Bref, il semble « DONNER DU SENS », et la stratégie devient pour lui un moyen à utiliser pour mettre en scène sa représentation. Cette représentation pouvant être, par exemple, celle d’un meneur ou, au contraire, celle d’un résistant.

Comprendre le changement personnel d’un salarié consisterait donc à connaître la logique qu’il emploie ; c’est-à-dire, quels « coups » joués ? par rapport à quoi, à qui ? dans quels espaces ? à partir de quelles situations ?

Concluons ici que la notion d’individu est polysémique, abstraite et partielle. Aussi, pour bien comprendre l’individu en tant que salarié d’une organisation, nous faisons le choix d’exposer nos propos selon un point de vue psychosocial (ça tombe bien, la psychosociologie est le cœur et le fondement des expertises ISRI !).

Autrement dit, nous allons chercher à comprendre le changement personnel d’un salarié-individu en tant qu’il est dans l’organisation un être relationnel en même temps qu’une personne en représentation.

Pour clarifier nos propos, construisons un premier schéma récapitulatif sous forme d’hypothèse à partir des éléments ci-dessus :

Changement personnel ISRI - Schéma hypothèse

Distinctions et similarités : 2. Personnalité subjective, personnalité objective

2. Personnalité subjective, personnalité objective.

C’est en cherchant à décrire ci-avant l’individu-salarié autour duquel s’organise son « être relationnel » que nous sommes maintenant amenés à expliciter ce que nous avons abordé en filigrane jusqu’à présent, c’est à dire : la . et sa représentation.

Cela nous conduit à considérer le salarié comme corrélatif de droits et d’obligations. A partir de là, il nous faut répondre à une question : quelle signification peut avoir le personnage-salarié dans son changement ? Pour le dire autrement : pourquoi changer ?Dossier Changement Définition ISRI

Changement personnel - Photo Descartes

René DESCARTES

Changement personnel - Photo Maisonneuve

Jean MAISONNEUVE

Jean Maisonneuve et René Descartes, entre autres auteurs, caractérisent aisément l’aspect subjectif de la personnalité car, pour eux, les choses ne sont qu’en tant que nous les pensons d’abord et les produisons, ensuite. En somme, un ensemble des manières d’être d’un individu distinguant dans la personnalité « le moi comme système d’attitudes communes intériorisées, de réponses conformes aux situations sociales et le je, principe spontané et original. »(3)Mead, Gorges Herbert, L’Esprit, le soi et la société, tr. Fr., Puf, 1963 in Maisonneuve, Jean,  La psychologie sociale, Puf, coll. Que sais-je ?, 1998, p.35

Mais qu’est-ce qui caractérise l’aspect objectif de la personnalité ? Nous postulons pour les TRAITS MORAUX.

Changement personnel - Photo BoudonRaymond Boudon (photo ci-contre) nous dit qu’« il est possible d’en préciser le sens […] en examinant ses caractères les plus généraux et les plus permanents : l’individualité, l’autonomie, la stabilité ou consistance [(le personnage)], enfin, la spécificité des ». Le tout prenant forme dans un groupe permettant de faire exister les caractères.

De ce point de vue, il n’y aurait ni soi, ni conscience de soi, ni communication en dehors de la société, c’est-à-dire en dehors d’une structure qui s’établit à travers un processus dynamique d’actes sociaux communicatifs, à travers des échanges entre des personnes qui sont mutuellement orientées les unes vers les autres. Par un mot : en interrelation.

Pour le dire plus simplement : ce serait les échanges professionnels et personnels entre les salariés qui produiraient la motivation ; et bien évidemment, produirait l’inverse en leur absence, c’est à dire la RÉSISTANCE !

Nous allons emprunter cette piste pour comprendre comment le salarié, en tant que personne, exerce/joue un personnage (plus exactement un de ses personnages, en fonction des situations) au sein de l’organisation ; comment il peut changer, évoluer pour assumer des interactions sociales, prendre des responsabilités ou des initiatives ; comment ses traits de caractère innés (en construction constante) ou acquis (en développement, qui relèveraient de la réflexion, de l’effort personnel et de son expérience) lui permettent de s’engager, de se motiver, d’échanger, par exemple.

De même, cette piste devrait nous permettre de relever, si elle existe, une forme d’appartenance à un groupe créant une forme d’association par des échanges où l’identité de chaque salarié est cachée derrière un masque (cf. article sur l’individu, la personne et le personnage). Bref, comment le salarié, joue des coups, donne du sens dans le changement organisationnel.

En attendant, le salarié, en tant qu’individu, peut donc être compris en tant qu’être relationnel à partir de ce qu’il veut être ; mais également, en tant qu’être en représentation, c’est-à-dire un personnage à partir de ce qu’il doit être. Nous excluons volontairement le peut être car nous postulons qu’il relève de l’auto-motivation, voire, de l’autosuggestion et n’apporte pas d’explication dans notre quête.

Alors, comment s’y prend-il dans sa relation à l’autre ? Ses aspirations peuvent-elles concorder avec ce qu’il attend de la configuration, de l’organisation ?

Distinctions et similarités : 3. Identification, appartenance, reconnaissance

3. Identification, appartenance, reconnaissance

Si nous nous référons à ce qui précède, c’est-à-dire que l’aspect fondamental c’est la création de canaux de communications, de relations, alors l’extension de la participation sociale d’un individu se caractérise par le désir de participer, les attentes, l’intensification du sentiment d’identification et d’appartenance. D’appartenance puisqu’on peut supposer que l’expulsion Ou la démission constituent l’ultime sanction contre les réfractaires.

Bref, ce qu’il faut pour le salarié, finalement, ce sont des liens à partir desquels s’exercent un échange et une représentation. Ces liens pouvant être les valeurs parce-que l’individu est un être de besoin qui n’existe que parce qu’il vit en société avec d’autres individus.

Inversement, nous avons vu que la société n’existe que dans la mesure où les individus qui la composent existent (Elias, configuration).
Nous retiendrons, finalement et à-priori, le fait de la sociabilité du salarié-individu.

Or, il découle du concept de sociabilité que l’individu, d’une manière générale, présente un trait particulier de relation pour se révéler à l’autre, se positionner par rapport à l’autre ; c’est le fait de s’identifier et d’identifier.

a) Identité : identification

Changement personnel - Photo MeadPour George-Herbert Mead(4)L’Esprit, le soi et la société, 1934,  tr. J. Cazeneuve, Puf, 1963, la genèse de l’identité se construit par rapport à « l’autre généralisé » ; c’est-à-dire dans un rapport à autrui, d’une manière générale. Nous allons donc aborder le phénomène de changement personnel sous l’angle de l’identité. Particulièrement, nous développerons un de ses mécanismes, .

Parce-que si l’identité désigne « ce qui chez quelqu’un est conservé »(5)Barbier, J.-M., chercheur au CNAM in Revue Sciences Humaines, Le changement, Hors série n°28, p.11, l’identification renvoie davantage à des transformations identitaires et témoigne de changements sous diverses formes : « S’il [(l’individu)] est victime de rejet ou de dévalorisation […] il peut vouloir restaurer son image (restauration identitaire). Il peut parfois rechercher une reconnaissance sociale et la légitimation de son itinéraire (confirmation identitaire) ou se préparer à de nouvelles opportunités (flexibilité identitaire) » (6)Sciences Humaine HS28.

Aborder l’identité est propre à faire apparaître un lien spécifique entre la personne et autrui, c’est l’identification. Il y a identification lorsqu’il y a un autre et c’est le fait d’agir par rapport à cet autre que l’individu peut changer. Ce qui va donc nous intéresser lorsqu’il s’agit de changement personnel c’est de trouver quels types de relations alimentent les identifications dans l’organisation. C’est cette perspective de lien spécifique qui est intéressante pour la compréhension du changement personnel DANS le changement organisationnel.

L’identification « se réalise à travers les valeurs et les normes d’un groupe ou d’un système culturel. » Par exemple, Serge Moscovici aborde le travail en tant qu’il est dans l’homme : « une fois attribué à Pierre ou Paul, Pierre ou Paul en font leur être et s’y expriment, comme si, depuis toujours, ce travail avait été leur travail, comme s’ils avaient commencé avec eux. […] Le travail se situe ainsi au centre des moyens d’action de l’homme, et la réalité objective est potentiellement en lui. »(7)Moscovici, Serge, Essai sur l’histoire humaine de la nature, Flammarion, coll. Champs, 1977, p.85

Pour le dire autrement, le travail est dans l’homme, il est identification, et son ouvrage est l’expression de cette identification.

Petite astuce à l’usage du pilote du changement :Prestation - Supervision ISRI
Si vous souhaitez mieux saisir les changements personnels, vous serez obligé de rapporter à l’identification le terme d’acculturation.
D’une part, parce-que « l’acculturation comprend les phénomènes qui résultent d’un contact direct et continu entre des groupes d’individus de culture différentes, avec des changements conséquents dans les types culturels originaux de l’un ou des deux groupes »(8)Robert Redfield, Ralph Linton et Melville Jean Herskovits, Le Memorandum, 1936.
D’autre part, parce qu’il permet de dépasser la question classique selon laquelle plus on adhère (c’est-à-dire plus on s’identifie) à des valeurs ou à une culture, plus on s’aliène.
Si vous appréhendez vos collaborateurs d’après le terme « acculturation » vous leur donnez, ainsi, immédiatement, une dimension interactive. Voyez-vous, nous touchons là une valeur capitale permettant au salarié de s’engager dans un processus de changement car, dès lors, il peut définir ses intérêts, calculer les coûts et bénéfices, donner un sens à ses actions, et sera assuré de son identité par son appartenance à une organisation unifiante.
Comme le dit Allessandro Pizzorno  « [l’individu (le salarié, ndlr)] sélectionne, informe, invente, et même, si besoin est, néglige ou étouffe »(9)Pizzorno, Alessandro, Sur la rationalité du choix démocratique, tr. P. Birnbaum et J. Leca dans Sur de l’individualisme, Presses de la FNSP, 1986, p.352 in Corcuff, Philippe, Les nouvelles sociologies, Nathan, coll. 128, 1995, p. 93.


b) Reconnaissance : estime de soi

Parler de l’estime de soi est délicat car il est très souvent galvaudé par les articles « psycho », et pas seulement dans la presse féminine, qui en évoquent les bienfaits, comme une condition préalable du succès, un moteur de l’action et de la transformation ; ce qui ne correspond à aucun fait observable.

En effet, de nombreux exemples montrent qu’on peut construire sa vie et connaître un succès éclatant sans avoir une estime personnelle « en place ». N’est-ce pas le cas de certains artistes ?

En revanche, nous postulons que l’inverse est vrai, à savoir que le succès renforce l’estime personnelle.

Bref,dans le langage courant, l’estime de soi est devenu un poncif sinon une « tarte à la crème » !

Cela dit, les pères fondateurs des psychothérapies modernes ont débusqué les freins à l’estime de soi que nous sommes nombreux à nous imposer, peut-être inconsciemment, par exemple :

  • la crainte de l’inconnu, affrontement psychologique qui pourtant, souvent, est porteur d’améliorations,
  • l’interdiction de « tuer » psychiquement les images parentales. En fait, nous cherchons souvent à réussir mieux que ses parents tout en restant dans une dépendance infantile,
  • l’approbation de l’entourage que nous recherchons souvent de manière névrotique mais qui nous autolimite et nous conforme pour être aimé et accepté.
Petite astuce à l’usage du pilote du changement :
Prestation - Supervision ISRI Notre collaborateur Gilles Prod’Homme, dans son livre , a réalisé un tableau éclairant du contenu de la notion d’estime de soi. Le voici  :
Ce qu’est l’estime de soi
Autonomie
Créativité
Responsabilité
Action réfléchie
Souplesse face aux circonstances
Tolérance
Audace
Confiance en soi avec modestie
Ouverture aux autres
Ce qu’elle n’est pas
Incapacité à solliciter de l’aide
Agitation
Évitement (des conflits, par exemple)
Ratiocination
Intransigeance et rigidité
Esprit moralisateur
Témérité
Vanité et outrecuidance
Repli sur soi


Nous retiendrons seulement pour notre article que l’estime de soi est «une forme de respect que l’on se porte en tant que dépositaire des valeurs positives que peut incarner l’être humain. »(10)Gilles Prod’Homme, Le guide du Mieux-être, Eyrolles, 2009, p.88

c) Appartenance : émotions et valeurs

Mais quels critères permettent à l’individu de définir ses intérêts et donnent un sens à ses actions ?

Max Scheler affirme « l’objectivité des valeurs, au sens où, selon lui, les valeurs existeraient indépendamment du sujet qui les appréhende. »(11)Boudon, Raymond, La théorie des valeurs de Scheler vue depuis la théorie des valeurs de la sociologie classique, Travaux du Gemas n°6, 1999 Pour lui :

  1. les valeurs sont révélées par l’émotion,
  2. les relations entre valeurs sont, elles aussi, saisies par l’émotion et
  3. les relations entre valeurs sont aussi objectives que les valeurs elles-mêmes.

AutA retenir ISRIrement dit, les valeurs se révèleraient, en même temps qu’elles révèleraient le changement, à la fois, en fonction d’une objectivité et d’une subjectivité. Cette dernière étant liée aux représentations mentales du salarié.

Si plus haut, nous avons parlé identification c’est pour dire, de l’hypothèse de Scheler, qu’elle semble interpréter la capacité à communiquer de chacun d’entre nous en même temps que nous produirions des comportements mimétiques, c’est-à-dire une forme de changement !

Autrement dit, il pourrait exister une identification, par exemple, à un groupe, en l’occurrence l’organisation (le service, l’équipe…), qui autoriserait le changement du salarié, si ce groupe est à la hauteur des attentes de ce salarié.

Donc, les interactions entre les représentations du salarié et les phénomènes de changements personnels sous-tendu par le changement organisationnel seraient intimement liées et, finalement, n’être que le résultat de combinatoires complexes que nous essaierons de décrire et solutionner dans la troisième partie de ce dossier : le guide pour conduire et réussir le changement.

Distinctions et similarités : Conclusion

Conclusion

Changement personnel ISRI - Photo JodeletL’identité est en perpétuelle recomposition parce qu’elle révèle et affirme la personne et autrui, « autrui comme repère et comme témoin »(12)Jodelet, Denise (photo ci-contre), Représentations sociales : phénomènes, concepts et théories, in Moscovici, Serge, Psychologie sociale, Puf, 1984, p.53) au sein même d’une configuration.

L’identification se situe, ainsi, dans l’intersubjectivité d’un groupe, d’une part et fait appel aux valeurs en tant qu’émotion, d’autre part.

Dès lors, une question se pose : comment des salariés aux émotions différentes peuvent-ils se positionner individuellement ou se constituer en organisation pour ou contre le changement organisationnel ?

Changement personnel ISRI - Photo DurkheimÉmile Durkheim (photo ci-contre) y répond par la distinction entre deux formes de solidarité : organique et mécanique. Mais la solidarité est elle-même une valeur, et particulièrement ici un sentiment affectif (émotion). Ce qui voudrait dire que si le salarié est nécessairement relationnel et en représentation et qu’il y a désir de participation et sentiment d’identification et d’appartenance, alors, il y a relations affectives.

Bref, le salarié changeant doit être vu comme un individu chargé d’émotions par tous ceux qui veulent réussir le changement organisationnel !

Dans le deuxième chapitre de cette deuxième partie, nous verrons comment le salarié use de ces concepts afin de « faire sa place » dans l’organisation. Nous élaborerons un un modèle d’analyse afin d’en dégager clairement les « manières de faire » des salariés.

Enfin, dans le troisième chapitre sur le changement personnel, nous parlerons de stratégie et de tactiques ainsi que de besoins et d’aspirations afin de pointer les dynamiques de changement, ce qui « pousse à agir », à s’engager.

Lire la suite…

Pour en savoir +

Changement personnel - Photo Individu Article additionnel ISRI abordant les concepts d’individu, de personne, de personnage et de personnalité
Cet article sur le changement personnel veut éclairer les concepts d’individu, de personne, de personnage et de personnalité, afin de lever les (trop fréquentes) confusions d’interprétation courantes qui sont faites en la matière. Bien entendu, nous circonscrivons à quelques champs seulement l’apport des sources et des définitions ici présentes afin de faciliter la compréhension du sujet, à savoir : la sociologie, la philosophie et la psychosociologie.
Changement personnel ISRI - Photo ValeursComprendre le changement : les valeurs, importance et ambivalence
Si « la valeur n’attend pas le nombre des années » n’importe qui peut changer à n’importe quel moment. Mais si, au regard de l’expression : « nous n’avons pas les mêmes valeurs », comment pouvons-nous espérer changer ?
« La stratégie est l’équivalent d’un « coup dans une partie de carte ». Elle dépend de la « qualité du jeu »c’est-à-dire à la fois de la donne (avoir un bon jeu) et de la manière de jouer (être un bon joueur) […] Les stratégies, « combines subtiles », « navigue » entre les règles, « jouent de toutes les possibilités offertes. »(13)(Certeau, Michel de, L’invention du quotidien I Arts de faire, Gallimard 1990), p.87. Pour Elias, la partie de carte est traversée par de nombreuses formes d’interrelations qui s’entrecroisent, les actes des joueurs sont interdépendants : « ni le « jeu, ni les « joueurs » ne sont des abstractions. […] L’interdépendance des joueurs […] est une interdépendance en tant qu’alliés mais aussi en tant qu’adversaire. »(14)Elias, Norbert, Qu’est-ce que la sociologie ?, Pandora, coll. Des sociétés, 1981, pp. 156-157
« Les interactions sociales créent une mise en scène, à travers laquelle les individus déploient un arsenal symbolique. »(15)Goffman, Erving, La mise en scène de la vie quotidienne, 1. la présentation de soi, Minuit, 1973, cité par Fisher, Gustave-Nicolas, Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, Dunod, 1996, p.187
Changement personnel - Photo IndividuPersona : Voir l’article définissant les concepts de personne, d’individu, de personnage et de personnalité
Cet article sur le changement personnel veut éclairer les concepts d’individu, de personne, de personnage et de personnalité, afin de lever les (trop fréquentes) confusions d’interprétation courantes qui sont faites en la matière. Bien entendu, nous circonscrivons à quelques champs seulement l’apport des sources et des définitions ici présentes afin de faciliter la compréhension du sujet, à savoir : la sociologie, la philosophie et la psychosociologie.
Les béhavioristes nous fournissent une définition des motivations : « [elles] sont des stimuli qui poussent à l’action et dont, le plus souvent, on observe les effets sans les saisir directement. » Cependant, « la motivation doit être comprise en tant que mise en question permanente de l’équilibre présent au nom d’un équilibre supérieur futur. » Ainsi entendu, la personnalité « n’est pas une substance (un en-soi)[…] elle est essentiellement un système de relation. » En ce sens, « la personnalité comme telle n’existe pas ; ce qui existe ce sont les réseaux de relations. »
Parmi les plus importants mécanismes, Fischer a retenu successivement : l’identification, l’influence des référents sociaux, les processus d’évaluation personnelle et d’improvisation.(16)Fisher, Gustave-Nicolas, Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, Dunod, 1996, p.196 & suiv.
Gilles Prod'Homme - livre Mieux vivre (ISRI FRANCE)Le guide du mieux-être : Bien choisir sa thérapie
(Gilles Prod’Homme)
Lire des extraits :
Prologue 8p Sommaire 6p Intro 12p Chap2 31p
Résumé :
Le développement personnel, c’est quoi exactement ? Quelles techniques doit-on utiliser pour aller mieux, voire s’épanouir ? Qu’ont dit et écrit les thérapeutes fondateurs ? Qu’ont-ils découvert de si novateur pour les individus comme pour les organisations (entreprises, associations…) ? Combien de temps durent vraiment les thérapies ? Pour quelle efficacité ? Comment évaluer les résultats ? En quoi le modèle thérapeutique est-il adaptable à l’entreprise ? Au travers d’un recensement minutieux qui s’adresse au grand public comme aux professionnels, l’auteur a concocté un véritable guide pratique qui offre : · un repérage historique précis sur l’apparition du développement personnel · une présentation critique des concepts indispensables pour choisir ensuite la thérapie la mieux adaptée · un regard objectif et lucide sur ce que chacun peut raisonnablement attendre de l’épanouissement personnel et de ses techniques, des retours d’expérience et des exercices adaptés à différents contextes (travail personnel, en groupe, formation…).
Gilles Prod’Homme, un auteurGilles Prod’Homme, consultant-formateur-associé ISRI, est un des spécialistes français de l’assertivité. Doté d’une très grande expérience de l’entreprise et de la presse, il apporte dans ses activités un regard philosophique innovant. Il est l’auteur d’une douzaine de livres.

Notes de l`article   [ + ]

Mai 052013
 

Changement personnel - Photo Analyse ISRIChangement personnel :
MIEUX CHOISIR SA THÉRAPIE

Voici un passage tiré du livre de notre collaborateur Gilles PROD’HOMME, Le guide du mieux-être, Eyrolles, 2009. Il traite de la psychothérapie et du changement personnel en dehors du changement organisationnel.
Gilles aborde dans cet extrait la psychothérapie en tant qu’elle est un élément important du Développement Personnel ; à savoir : donner à l’être humain la possibilité de prendre conscience et d’optimiser son potentiel en mettant en œuvre l’ensemble de ses facultés et aptitudes, dans un sens constructif et positif (cela va de soi !).

Précisons, préalablement à cet article « changement personnel : mieux choisir sa thérapie », qu’un individu qui s’initie à une technique particulière (PNL, AT, hypnose éricksonnienne, sophrologie…), seul ou avec l’aide d’un tiers (thérapeute, formateur, coach), peut poursuivre son auto-croissance, passant du statut de patient à soigner à celui de client épanoui et soucieux de l’être plus encore. De même qu’il peut très bien pratiquer l’assertivité dans le seul but de mieux s’exprimer (au bureau, dans une réunion, avec les proches).

La psychothérapie, le bras armé du changement positif…

Pas de définition officielle pour… de très bonnes raisons

Autant le dire tout de suite, les professionnels de la santé mentale, au sens large, reconnaissent l’extrême difficulté de définir la psychothérapie dans son essence. Il n’existe du reste aucune définition officielle faisant autorité. Sans doute est-ce là une tâche aussi impossible que vaine. Impossible car, fort heureusement, l’humain reste irréductible à un modèle d’interprétation, aussi perfectionné soit-il, vaine, car le monde de la psychologie se transforme constamment au gré des nouvelles observations, découvertes, applications, les spécialistes ayant déjà répertorié plus de 400 types de psychothérapies. Là encore, nous ajouterons, absolument sans aucune ironie, que c’est heureux. Un proverbe oriental énonce qu’il existe autant de voies spirituelles qu’il existe de moines. Le constat s’applique également à la psychologie, chaque psychothérapie étant par définition unique. Un Jung ou un Erickson revenaient inlassablement sur ce point et manifestaient une grande prudence de bon aloi à l’endroit des visions théoriques.

A retenir ISRILe mot « psychothérapie » a été utilisé pour la première fois en 1891 par Hyppolyte Bernheim (1840-1919), professeur de pathologie interne à Nancy, dans Hypnotisme, suggestion, psychothérapie. Études nouvelles. Il voulait souligner que l’effet thérapeutique résultant de l’établissement de la relation (le mot clé) médecin/malade n’est dû ni à l’état hypnotique produit par le thérapeute sur le patient pour l’établir, ni à la simple suggestion qu’elle induit, mais procède de processus propres à cette relation. En synthèse, la psychothérapie s’active lorsqu’il ya réellement rencontre (l’autre mot clé) entre deux individus. C’est dire l’importance cruciale d’un dialogue interpersonnel authentique.

Il n’est pas interdit toutefois de dégager des lignes directrices pour guider la réflexion et l’action. Les professionnels ne s’en privent pas à l’instar de ces deux définitions (l’une synthétique, l’autre analytique). Comme toutes les définitions, elles ont leurs limites, mais présentent l’avantage de fixer un cadre de réflexion :

Dossier Changement Définition ISRI• Rappelons tout d’abord celle, très générale d’Antoine Porot. Elle qualifie l’essence de la visée psychothérapeutique : « La psychothérapie est l’ensemble des moyens par lesquels nous agissons sur l’esprit malade ou sur le corps malade par l’intervention de l’esprit. »
• Puis celle avancée par Hans Stotzka (1978) d’une longueur proustienne. Elle intègre plusieurs notions clés (personnalité, changement, comportement, communication…) : « La psychothérapie est un processus interactionnel conscient et planifié visant à influencer les troubles du comportement et les états de souffrance qui, dans un consensus (entre patients, thérapeute et groupe de référence), sont considérés comme nécessitant un traitement, par des moyens psychologiques (par la communication) le plus souvent verbaux, mais aussi non verbaux, dans le sens d’un but défini, si possible élaboré en commun (minimalisation des symptômes et/ou changement structurel de la personnalité), au moyen de techniques pouvant être enseignées sur la base d’une théorie du comportement normal et pathologique. En général cela nécessite une relation émotionnelle solide.

La psychothérapie se présente donc comme une intervention psychologique prenant appui sur une théorie (scientifique) ou une vision (non scientifique) de la personnalité et de ses troubles, bénins ou plus profonds. Précision : sans prétendre aucunement à la vérité scientifique, une méthode peut se révéler efficace et bénéfique.

Selon les cas, l’intervention sera menée par des professionnels reconnus (nos amis psychiatres et psychologues) ou non officiels (en gros, des psychanalystes aux thérapeutes New Age, soit un psycho-marché échappant nécessairement à toute mesure statistique fiable). Comme toujours dans les affaires humaines, on doit sans cesse le rappeler, chez les non officiels, l’excellent côtoie le médiocre, voire le risqué… tout comme chez les officiels. Avec une différence de taille concernant ces derniers : l’existence d’un cadre réglementaire assorti de possibilités de contrôle des activités mises en œuvre.

Prestation - Supervision ISRI
Bon à savoir : 
En France, il est possible de consulter gratuitement. Comment ? En se rendant dans un CMP (centre médico-psychologique). Les intervenants sont des professionnels reconnus. Mais gratuité rime avec délais d’attente importants. Pour savoir où se situe le CMP le plus proche de chez vous rien de plus simple : contactez les services sociaux de votre mairie ou saisissez sur Internet le terme CMP suivi de votre numéro de département. Se tourner vers un CMP peut se révéler une très bonne entrée en matière dans une trajectoire de travail sur soi avec l’aide d’un personnel formé.


Toujours pour en rester aux perspectives essentielles, Olivier Chambon et Michel Marie-Cardine, tous deux médecins psychiatres, soulignent que la psychothérapie intègre cinq dimensions En interaction, chaque dimension donnant lieu à des approches et des méthodes scientifiques :

1. Le contexte social et interpersonnel dans lequel évolue le patient, du berceau à la tombe. En dehors de ses déterminations psychologiques, l’individu subit l’influence, souvent inconsciente, des codes culturels dominants de la société dans laquelle il évolue. Si certaines normes jouent un rôle structurant et constructif, d’autres peuvent entraver le développement de la personnalité. Bien souvent, en croyant exprimer ce qu’il a de plus intime, l’individu ne fait que manifester dans son comportement et ses aspirations des normes intériorisées dès la petite enfance ou à d’autres moments de l’existence.

2. Les cognitions du sujet. Remarquons brièvement qu’en psychologie la cognition désigne l’ensemble des facultés mentales (intelligence, mémoire, perception, représentation) et des processus (compréhension, apprentissage) qui nous permettent d’interagir avec le milieu et grâce auxquels nous connaissons et savons que nous connaissons les objets de la pensée et les phénomènes du monde extérieur. Les cognitions désignent également les pensées qui surgissent automatiquement dans la conscience lorsque nous vivons une expérience. Ce flot de pensées correspond à ce que les spécialistes nomment « monologue intérieur » ou « auto-verbalisation ».

Les thérapies cognitives travaillent sur l’ensemble des représentations, images ou affects qui imposent spontanément à l’esprit en réaction à des situations ou des événements. Elles cherchent en particulier à mettre en lumière les schémas cognitifs de l’individu qui déterminent son comportement et ses réactions dans une situation donnée. Ces croyances fondamentales sont intégrées assez rapidement par l’enfant et tendent à provoquer des jugements et induire des comportements répétitifs. Bien sûr, la thérapie visera à enchâsser dans la conscience des cognitions favorables à l’épanouissement et au mieux-être, bref, à travailler sur la pensée consciente du sujet dans un sens constructif et positif. Celui-ci sera progressivement amené par le thérapeute à changer sa pensée, autrement dit, son point de vue par rapport à lui-même et une situation donnée, et à gagner en lucidité, en objectivité et, finalement, en autonomie de décision et d’action.

3. Les affects (sentiments, émotions…) qui touchent l’individu et influencent son comportement. Nous n’épiloguerons pas ici sur le poids proprement écrasant des affects sur la vie psychique des êtres humains. A elle seule, la gestion des sentiments et des émotions justifie l’invention des psychothérapies. De plus, chaque méthode de « DP » comporte – à juste titre – son volet de travail sur les affects, les sentiments, les émotions.

4. Les comportements (habitudes, auto-programmations, attitudes…) du sujet qui façonnent son agir, son attitude dans la vie et son-être-au-monde pour parler comme les philosophes. La grande découverte des thérapies cognitivo-comportementales réside dans le fait que les cognitions induisent des comportements, mais que les comportements s’accompagnent de cognitions. La modification des cognitions et des comportements se trouve par conséquent au cœur de l’action thérapeutique. En effet, il n’y a pas lieu d’opposer cognition et comportement, mais plutôt d’examiner leur interaction.

5. Les sensations (impressions, ressentis, perception du schéma corporel…) qui jouent un rôle important dans les processus cognitifs de l’individu. Après tout, notre corps physique constitue notre point d’insertion, ou plutôt d’immersion dans l’espace et le temps. Le corps nous permet d’interagir avec le milieu et de nous connaître (conscience de soi, des autres, du monde extérieur).

Dans l’idéal, tout psychothérapeute devrait connaître et maîtriser l’intégralité de l’éventail des techniques existantes afin de les adapter à chaque psychothérapie. Soit, par exemple, le cas d’un individu atteint de la phobie des ascenseurs.

Le thérapeute peut choisir de démarrer par une approche comportementale, poursuivre avec de la thérapie cognitive, faire du cognitivo-comportemental et, pourquoi pas, passer à une approche psycho-corporelle. Faut-il le spécifier, je décris ici un schéma impossible, aucun accompagnateur psychologique ne pouvant cumuler tous les talents, dominer toutes les méthodes et doser leur usage en fonction de chaque individu.

Mais il n’empêche : l’esprit de transdisciplinarité est de mise pour qui veut aider ses contemporains. Car il est fort rare qu’un client ou un patient vienne consulter en disant explicitement à son interlocuteur : « je veux faire de la PNL et rien d’autre. » L’objectif poursuivi est l’amélioration (en l’espèce, le dépassement de la phobie des ascenseurs) ; la technique, un moyen. Enfin, et surtout : ni la technique, ni les modélisations ne devraient faire écran dans la relation thérapeute/patient. La théorie doit servir la pratique mais ne jamais se substituer à elle.

Sur cette base, somme toute réaliste et fondamentalement rationnelle, le lecteur perçoit l’intérêt objectif du plaidoyer de Chambon et Marie-Cardine en faveur d’une « approche intégrative et éclectique méthodique », capable de relier différentes techniques, tout en évitant l’écueil d’un syncrétisme nébuleux. Pas facile mais très nécessaire.

En guise de conclusion : pas d’oppositions sommaires entre les doctrines et approches donc ici, tout simplement d’utiles éléments de repérage.

L'auteur

Pour en savoir +

Mai 052013
 

Comprendre le changement personnel :
les valeurs, importance et ambivalence

Changement personnel ISRI - Photo ValeursComprendre le changement personnel :
les valeurs, importance et ambivalence

Si « la valeur n’attend pas le nombre des années » n’importe qui peut changer à n’importe quel moment. Mais si, au regard de l’expression : « nous n’avons pas les mêmes valeurs », voulant signifier que nous campons dans notre position, comment pouvons-nous espérer changer ?


De quoi parle-t-on quand on discute de valeurs ?

A. De quoi parle-t-on quand on discute de valeurs ?

La revue Futuribles a rendu compte d’une étude menée sur l’évolution des valeurs des Européens : « Unité ou multiplicité, convergence ou divergence, universalisme ou/et localisme des valeurs, sont-ils comme nous, ou sont-ils autres ? » Les conclusions résumées des Futuribles sont les suivantes :

  1. la société influence les individus dans leur choix de modèles, d’idéologies.
  2. A leur tour les individus exercent une part d’influence par exemple en rejetant ou en reprenant ces idéologies ou ces modèles.
  3. La société est en nous qui sommes dans la société.
  4. Les idéologies font partie intégrante de la personnalité des individus mais sont largement constituées en dehors d’eux. Par exemple les grandes orientations de socialisation en matière politique, économique ou religieuse se prennent assez jeune et l’influence du milieu social est grande.

S’il y a peu de risque de nous tromper en postulant n’avoir pas les mêmes valeurs, pouvons-nous avoir certaines valeurs communes ? Quelles sont les valeurs que l’on suit quand on s’engage dans la vie publique, par exemple ou pour une action au sein de notre entreprise ?

Répondre à ces questions est particulièrement intéressant parce qu’elles nous adjoignent à comprendre les dynamiques relationnelles au sein même des organisations et le changement du salarié au sein de cette organisation.

En effet, les configurations ne sont pas simplement un élément d’identification ; elles sont aussi la scène où se joue la vie sociale, et, souvent, le lieu même de la socialisation. Tout comme on devient individu en s’appropriant, en intériorisant une logique et des valeurs qui existent dans la société où l’on vit et, plus précisément, dans l’organisation où l’on travaille.

Les valeurs : affaire de mots et d'idées mais aussi production de rapports sociaux

B. Les valeurs : affaire de mots et d’idées mais aussi production de rapports sociaux

Enquêter sur les valeurs impose une distinction en deux types : les valeurs qui sont extrinsèques, notamment socialement, qui ont un état d’importance, de grandeur pour l’individu ou un groupe d’individu (par exemple, être heureux et utile) et celles qui sont intrinsèques, précieuses donc personnelles.

Or, il existe d’autres distinctions en deux types : les valeurs instrumentales (honnêteté, politesse, se rapportant à un mode de comportement) et les valeurs terminales, telles la liberté (qui ont trait à des buts de l’existence).

Si pour certains « les valeurs sont les ressorts fondamentaux des désirs et des préférences, les mobiles profonds qui nous animent » parce-que, « dans toute société, la détermination des objectifs s’effectue à partir d’une représentation du désirable et se manifeste dans des idéaux collectifs »(1)Tchernia, Jean-François, Research International in Futuribles, analyse et prospective juillet-août 1995, p.9. Et aussi, Valade, Bernard, Dictionnaire de la sociologie, Larousse Thématique, 1996, p.235

Pour Talcott ParsonsChangement personnel ISRI - Photo Parsons, « les valeurs sont des repères normatifs, des concepts abstraits qui servent à chacun de référent pour la pensée et l’action. »(2)Stoetzel, Jean, Théorie des opinions, Puf, 1943 in Futuribles, ib. p.13 Vu sous cet angle, le terme valeurs est proche de la notion d’éthique dans un registre philosophique.

Ce qui voudrait dire que, si le terme de valeurs a trait aux différentes vertus ou à tous les traits de la personnalité humaine ou de la vie sociale, alors le terme de normalisation peut comporter des termes de valeurs outre ceux d’obligations.

En l’espèce, il est intéressant de remarquer que l’homme ne peut pas vivre sans règles qui légitiment des attentes et justifient des sanctions. Peu importe le contenu de ces règles, elles seraient intériorisées et correspondraient à une position d’autonomie et d’indépendance par rapport au monde. C’est la raison pour laquelle l’espèce humaine est une espèce normative.

Bref, qu’il s’agisse des travaux de ces auteurs, ou bien, qu’il s’agisse de Karl Marx dont les valeurs dans sa tradition est l’idéologie (agissante, équivalente à l’éthique et à la solidarité) légitimant le rapport de production capitaliste dans le fonctionnement de la société ; de Max Weber qui voit les valeurs comme antécédentes au capitalisme et donne dans ses théories une place prééminente à l’individu ; ou de Durkheim avec sa conscience collective qui désigne en quelque sorte les valeurs par lesquelles se fait le lien social, il semble que le concept de valeurs, quel que soit le nom qui lui est donné par les auteurs que nous venons de citer (idéologie, éthique, conscience collective), reste très global.

Changement personnel ISRI - Photo StoetzelLa première difficulté concerne donc l’approche empirique et quantitative du concept de valeurs : en quoi peut-on inférer la présence de telle valeur à partir de telles batteries d’indicateurs ? Interrogation qui était déjà apparue au début du siècle avec les premiers tests d’intelligence.

Par exemple, Jean Stoetzel (photo ci-contre) différencie les valeurs des opinions qui sont l’adhésion à un jugement qui n’existe que lorsqu’elle est exprimée, consciente.

Malgré cela, c’est à partir des opinions que les individus expriment qu’on peut « inférer » correctement les valeurs qui expriment, elles, les désirs et les préférences individuelles et sociales. En définitive, chacune des trois distinctions proposées jusqu’ici (intrinsèque/extrinsèque, instrumentale/terminale et repère-normatif/mobile-profond) éclaire des aspects différents des valeurs des individus.

Autant d’indicateurs des raisons des changements que nous pourrions observer au sein des organisations ; ce qui devrait témoigner de la fécondité des valeurs dans le travail des salariés.

Changement personnel ISRI - Photo SchelerMais pour aller plus loin, Max Scheler « a reconnu la valeur non seulement des personnes singulières, mais aussi de ces personnes communes que sont la nation, la totalité culturelle, etc. L’homme, en la vie psychique de qui s’étagent différents niveaux interdépendants, végétatif, instinctif, associatif, pragmatique, est aussi esprit(3)« [La personne est] la substance unitaire de tous les actes qu’un être effectue. » Scheler, Max, Le formalisme en éthique et l’éthique matériale des valeurs, 1913-1916, tr. Maurice de Gandillac, Gallimard, 1955, p.IV Ce centre d’activité libre ne subsistant que dans l’accomplissement des actes intentionnels, c’est-à-dire se référant aux valeurs(4)Scheler in Encyclopædia Universalis, Cd-Rom 98 à Philosophie de la personne (Jerphagnon, Lucien). »

Changement personnel - Photo BoudonPour Raymond Boudon, « [(Max Scheler)] affirme l’objectivité des valeurs, au sens où les valeurs existeraient indépendamment du sujet qui les appréhende. »(5)Boudon, Raymond, La théorie des valeurs de Scheler vue depuis la théorie des valeurs de la sociologie classique, Travaux du Gemas n°6, 1999

C’est précisément ce que nous allons développer dans la section suivante, c’est-à-dire, la théorie des valeurs de Scheler. Parce-qu’elle nous amènera à comprendre le phénomène de changement au travers de contradictions ou de correspondances entre les valeurs personnelles et les valeurs objectivées par l’individu dans ses interactions et interrelations.

NB : Afin de mieux appréhender les concepts de personne et d’individu comme nous l’exposons dans ce papier, le lecteur aura grand avantage à lire l’article se trouvant en suivant ce lien.

La théorie des valeurs de Scheler, une conception des catégories morales

C. La théorie des valeurs de Scheler, une conception des catégories morales

Pour Max Scheler, les valeurs sont révélées par l’émotion. « Les valeurs sont des phénomènes de base donnés à l’intuition affective perceptive. »(6)Scheler, M., Le formalisme…, op. cit., p.284 in Boudon, R., La théorie…, op. cit., p.21 Mais, si des inclinations particulières à dominante subjectives, comme le respect ou l’éthique, orientent l’individu vers les valeurs, elles ne déterminent pas pour autant leur contenu.

Précisant que, si des mécanismes divers (l’intérêt, le ressentiment, l’affection, par exemple) entraînent une perception biaisée des valeurs, ils n’en affectent pas moins les valeurs.
Pour résumer la pensée de Scheler, cette indétermination des valeurs laisse place à l’innovation, qui réussit lorsqu’elle répond à des inclinations. Elle ouvre à une marge d’interprétation faite de jugements de valeurs, lesquels engendrent des conflits de valeurs.

Réciproquement, ces conflits sont incompréhensibles si l’on ne voit pas cette indétermination. Ainsi, il traite plusieurs sources de distorsion des valeurs. Par exemple :

  • le pharisaïsme en tant que donnée générale : « les individus sont normalement mus par l’intérêt »(7)Palante, Georges, L’individualisme aristocratique, les Belles Lettres, 1995 in Magnone, Fabrice, Le Monde Libertaire n°1028, 1-7 fév. 1996 ;
  • le ressentiment comme un rapport d’impuissance à un état de chose qu’un individu souhaiterait changer : « on peut évaluer positivement ou négativement quelque chose qui ne le mérite pas, lorsque cette valorisation à un effet psychologique positif sur l’évaluateur lui-même »(8)s’inspirant de Nietzsche  : Die Genealogie der Moral, 1887 Scheler, Max, Ressentiment im Aufbau der Moralen, p.3-5, in Boudon, R., La théorie…, op. cit., p.24 ;
  • le relativisme, découlant du fait que l’objectivité des jugements de valeur auxquels nous croyons soit le témoin de conflits de valeurs : « [(l’individu)] risque alors de se laisser séduire par la thèse de la subjectivité des valeurs morales, par la thèse de « l’arbitraire culturel » des valeurs et par les diverses théories qui font des valeurs des illusions »(9)Scheler, M., Le formalisme…, ib. p.326 in Boudon, R., Travaux du Gemas n°6, ib. p.25 et
  • les facteurs cognitifs qui, d’une façon générale « font bien voir que le contenu des valeurs est pour partie contingent et pour partie tributaire de données propres à telle ou telle société. »(10)faisant écho à Durkheim : Scheler, Max, Le formalisme en éthique et l’éthique matériale des valeurs, 1913-1916, tr. M. de Gandillac, Gallimard, 1955, p.IV, p.308 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.26

Mais, si le contenu des valeurs est indéterminé, Scheler note un corollaire crucial, à savoir qu’elles ne peuvent, en elles-même, déterminer les normes puisque, les valeurs reçoivent un contenu particulier dans des contextes culturels déterminés.

Changement personnel - Photo Maisonneuve« Pour Maisonneuve (1985), les normes sont des règles et des schèmes de conduite très largement suivis dans une société ou un groupe donné, […] Elles se réfèrent à ce qui paraît socialement désirable, convenable dans tel ou tel groupe particulier. Elles traduisent les valeurs dominantes dans ce groupe. […] Elles ont pour fonction la cohésion, la réduction de l’incertitude et la socialisation. »(11)Cazals-Ferré, Marie-Pierre et Rossi, Patricia, Eléments de psychologie sociale, A. Colin, coll. Synthèse, 1998, p.28

Par suite, « les normes, qui sont déduites de ce contenu particulier, ne sont pas des conséquences directes des valeurs. » Ici, Scheler apparaît comme très proche de Weber et de Durkheim.

Sur le thème de la religion « il retrouve Benjamin Constant (De la religion considérée dans sa source, ses formes et ses développements, 1824-1831) pour qui les religions traduisent des idées identiques dans des symboliques variables ou Tocqueville, qui déclare dans la « Démocratie en Amérique » que l’immortalité de l’âme et la métempsycose sont des traductions symboliques de la même idée. »(12)Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.26.

Cette théorie explique que les mêmes valeurs s’expriment normalement par des symboles variables. Plus important : s’il y a indétermination des valeurs, il y a logiquement variabilité des normes.

Comme Tocqueville ou Durkheim, Scheler suggère un passage des valeurs aux normes par le truchement de théories : « théories d’inspiration religieuses dans les société traditionnelles, d’inspiration philosophique et/ou scientifique dans les sociétés modernes. »(13)Boudon, R., Travaux du Gemas n°6, p.28

Ainsi, les normes seraient inspirées par les représentations et les théories en vigueur dans telle ou telle société. Mais tout cela n’est possible, précise Scheler, que si « la notion de personne peut se former. »

Autrement dit, si la reconnaissance des droits de l’individu est une traduction dans le registre des normes de la valeur de personne : « s’il ne peut venir à aucune personne sensée l’idée de faire deux espèces des Noirs et des Indo-Européens, c’est en raison de l’installation définitive de la valeur de personne humaine. » (Scheler cite le paléontologue Quenstedt : « Si les Noirs et les Indo-Européens étaient des limaces, les zoologistes en feraient deux espèces. » Scheler, M., Le formalisme…, ib. p.299 in Boudon, R., ib. p.31).

Donc, pour Scheler, la notion de personne est une « catégorie purement morale »(14)Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.32 distincte des notions de je (psychologie), caractère (sociologie) et d’âme (théologie). Ainsi, pour Scheler, on ressent les valeurs, on ne peut les expliquer (« on ne peut expliquer pourquoi un poème, un tableau ont de la valeur »(15)Scheler, M., le formalisme…, ib. p.212 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.33.

Ce qui nous permet de voir une opposition entre affectif et rationnel, entre les affects variant selon les ressources de la personne et, par exemple, des sentiments d’attraction ou de répulsion qui eux peuvent être aisément associés à des raisons identifiées, articulées ou axiologiques. C’est-à-dire, des raisons pouvant être objectivées, analysées, défendues voire formalisées. Les raisons axiologiques devant être entendu, ici, en tant que jugements de valeur.

Par voie de conséquence, si nous nous référons au célèbre aphorisme de Pascal, « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas », la variabilité des valeurs ne s’explique que « si l’on suppose que l’affectivité n’est pas vierge de raisons métaconscientes »(16)Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.31, de raisons propres pouvant être mises en évidence.

Par exemple, «un enseignant corrigeant un examen n’a pas réellement conscience du jugement de valeur qui détermine le « bon temps » à passer sur la copie. Cependant, il peut « justifier » de ce « bon temps » par des raisons (entre autres) de temps disponible, de devoir envers les candidats, de nombre de copies à corriger, d’obligations morale diverses, tant personnelles que professionnelles, son existence en général, le lieu de correction. »

Pour résumer : le fait que les valeurs s’expriment de manière symbolique, le fait qu’elles donnent naissance à des normes, que ces normes soient tirées de valeurs empruntées à la société ambiante, constituent un système particulier de normes et de valeurs caractéristiques d’une société, d’une organisation.

Par extension, cela voudrait dire que la morale produit des normes susceptibles d’orienter les agirs humains.

Pour le dire autrement, « la réflexion théorique sur les valeurs a peut-être une influence sur la création d’un nouvel ethos »(17)Scheler, M., le formalisme…, ib. p.311 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.28. Ce qu’il faut entendre par ethos est « le caractère commun à un groupe d’individus d’une même société »(18)Dictionnaire Encyclopædia Universalis, Cd-Rom 98.

Dans notre propos, les ethos, constituant donc des constructions tendant à l’expression de valeurs morales. En clair, la théorie de Scheler nous intéresse particulièrement parce-qu’elle s’attache aux faits.

Ainsi, pour préciser ce que nous disions à la fin de la section précédente à propos des valeurs personnelles (leur variabilité et leur diversité) et de leur objectivation dans les interactions et interrelations, cette théorie nous permettra de repérer : – les sentiments de l’individu (du salarié) qui se traduisent par des jugements de valeur , – l’objectivation de ces jugements de valeur, c’est-à-dire leur manifestation concrète et – les développements axiologiques des valeurs communes favorisant le changement au sein des organisations.

Ceci nous amène à nous demander ce qui peut bien conduire l’individu à la construction d’un nouvel ethos. Ici, notre objectif est de chercher l’influence sur les changements d’une conciliation entre les valeurs personnelles (les jugements de valeurs) qui produisent des normes susceptibles d’orienter les agirs humains et l’objectivité des valeurs dans les interrelations qui pourraient engendrer la création d’un nouveau système de valeur. C’est ce qui va être abordé maintenant dans la section suivante.

Peut-on fonder un système de valeurs ?

D. Peut-on fonder un système de valeurs ?

Nous venons de saisir que les valeurs morales dépendent pour Scheler de nos émotions liées à des schémas théoriques et sont le produit d’innovations.
De même, nous avons vu que la morale intervenait pour produire des normes qui sont susceptibles d’orienter les agirs humains.

Alors, si ces émotions visent et laissent apparaître non seulement les valeurs mais aussi les agirs humains, sur quelles bases l’individu évalue-t-il le choix de ses normes ?

Par là donc, se pose le problème d’une morale qui met en relation l’individu avec un groupe social déterminé. Dans ce qui nous préoccupe ici : le salarié changeant avec l’organisation.

Les analyses de Scheler affirment que « [l’]indétermination des valeurs est non seulement observable ; elle permet aussi de comprendre qu’il existe en manière de valeurs des innovateurs, et que ceux-ci soient tenus pour occupant une place élevée dans la hiérarchie des valeurs. » Les analyses de Scheler sont ici très proches de celles de Weber : « les prophètes au sens large, comme Confucius ou Jésus, occupent une place exceptionnelle dans la hiérarchie des grands hommes, parce qu’ils ont été des créateurs de valeurs.

En même temps, il faut comprendre que les innovateurs ne sont reconnus que lorsqu’ils répondent aux « Neigungen » [(dispositions)] du public »(19)Boudon, R. Gemas n°6, ib. p.22.

Changement personnel ISRI - Photo WeberTrès proche de Weber, donc, ou de Durkheim, Scheler nous propose d’y répondre par la valeur sentimentale de sympathie. Sympathie qu’il faut entendre non pas comme une bonne disposition envers quelque chose, mais plutôt à la manière de ce que nous venons de développer, comme un sentiment éprouvé pour quelqu’un. C’est-à-dire en tant que perception (émotion) et acte intentionnel (agirs humains). Par là même, la sympathie permet de saisir comme telle, par exemple, une sorte de désir d’union, de coopération positive (solidarité) pour conduire au bonheur, au plaisir et au bien être.

(aparté) Dans Ethique à Nicomaque (1099 a 17-21), Aristote impose le plaisir dans les actions morales : « On n’est pas un véritable homme de bien quand on n’éprouve aucun plaisir dans la pratique des bonnes actions, pas plus que ne saurait être jamais appelé juste celui qui accomplit sans plaisir des actions justes, ou libéral celui qui n’éprouve aucun plaisir à faire des actes de libéralité, et ainsi de suite. S’il en est ainsi, c’est en elles-mêmes que les actions conformes à la vertu doivent être des plaisirs. » Sur ce point, Scheler exprime un autre argument : « l’homme peut tendre, non vers le plaisir, mais vers le bien ; et l’on ne peut réduire l’un à l’autre en faisant mine de croire qu’on recherche le bien en raison du plaisir qu’il y a à faire le bien »(20)Scheler, M., Le formalisme…, ib. p.257 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.8.
D’autres auteurs, ainsi Pascal, Rousseau, H. Bergson, d’autres écoles telles que les Utilitaristes anglo-saxons (Bentham, J.S.Mill) réhabilitant l’affectivité, ont mis l’accent sur le rôle des sentiments, la valeur de l’intuition et la fonction de l’intérêt et du désir, voire de l’amour dans le jeu de la pensée humaine. (fin d’aparté)


Dans un autre article ISRI, nous avions précisé que pour exister et s’identifier, l’individu avait besoin des autres, cela voudrait dire que son existence et son identification seraient régis par le principe de sympathie régnant entre personnes appartenant à divers groupes. En l’occurrence, entre les salariés de l’organisation répartis en services ou équipes (micro-groupes), par exemple.

Ce serait, donc, la sympathie qui assurerait la cohésion de ces groupes. Autrement dit, la sociabilité aurait trouvé ses fondements avec la sympathie.

Ce qui va nous intéresser de repérer alors ans les entreprises, c’est comment la sympathie va permettre une communication et signifier des conduites interpersonnelles. Nous nous intéressons à cette approche de la sympathie parce-qu’en tant que valeur, émotion, elle nous permet d’aborder le phénomène de changement comme une interrelation.

Des auteurs tels Husserl ou Simmel peuvent être évoqués à l’appui de la théorie de Scheler pour parler d’amitié et d’éthique.

L’amitié, peut être entendue comme une lien d’affection, de tendresse, de générosité pour une personne, une forme d’amour. Valeur elle-même, elle est tolérance et permet une claire acceptation entre des différences et la reconnaissance de valeurs mutuelles. En ce sens elle marque le respect et l’égalité.

Pour Aristote, l’amitié est « un sentiment de bienveillance active et réciproque, lien social par excellence. Nul bonheur n’est pensable si l’on est privé d’amis. » De ce point de vue, c’est un sentiment réciproque.

Changement personnel ISRI - Photo KantPour Kant, l’amitié « exige que l’on se maintienne l’un à l’égard de l’autre à une distance convenable »(21)Kant, Emmanuel, Fondements de la métaphysique des mœurs, II, tr. V. Delbos, Delagrave, par.46, 148. Ici, l’amitié, pour être authentique, doit se fonder sur une certaine distance.

Mais ce qui définirait le mieux l’amitié pour Scheler serait certainement une forme sublime de sympathie à l’égard d’autrui. Autrement dit, un altruisme. En ce sens, les changements observables pourraient être éclairés par la question de l’amitié en tant qu’altruisme. Parce-que la personne se manifeste à l’amitié dans la diversité de ses actes.

Cette diversité autoriserait les interrelations permettant, à leur tour, son évolution donc son changement.

Cette amitié, en tant qu’altruisme, peut dès lors désigner le lieu de naissance de l’éthique.

C’est ce sens, qui éclaire la question d’autrui : autrui comme autre, altérité, non plus alter ego, différence.

Cependant, Scheler introduit une distinction essentielle entre les formes de l’éthique et l’ethos : l’éthique apparaît « lorsque un ethos régnant se décompose »(22)Scheler, M., le formalisme…, ib. p.317 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.29. Il définit l’ethos comme « le système de normes et de valeurs caractéristique d’une société. »

Alors, si autrui est celui avec lequel une personne peut construire véritablement une relation et une réciprocité dans l’amitié notamment, autrui doit être aussi celui qui impose des limites et ouvre au désintéressement. Nous traduisons : ouvre à la morale, à la construction d’une éthique.

Changement personnel ISRI - Photo Comte-SponvillePourquoi a-t-on besoin de morale ? Parce-que, sans elle, rien de ce qui existe ne saurait être évalué ni affronté. Pour le dire avec André Comte-Sponville, « pour essayer de comprendre ce que nous devrions faire, ou être, ou vivre, et mesurer par là… le chemin qui nous en sépare »(23)Comte-Sponville, André, Parler de morale ?, Magazine littéraire n°361, 01-98. Vu sous cet angle, la relation à autrui dépasse le cadre strictement affectif de Scheler. Toutefois nous lui resterons fidèle parce-que, nous le rappelons, une perception biaisée des valeurs par les individus n’en affectent pas moins les valeurs(24)C’est ce que nous avons compris avec la théorie de Scheler, p.46.

Or l’éthique étant une valeur, le fait que « toute connaissance éthique s’effectue selon des lois rigoureuses de la perception affective n’affecte en rien son objectivité. »(25)Scheler, M., le formalisme…, ib. p.335 in Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.21

Ainsi, en élaborant son éthique de la sympathie, Scheler s’attache à montrer qu’elle serait une forme englobante. « Ce qu’il appelle « théorie de l’identification de la sympathie » permet d’expliquer les situations de fusion. […] Cette théorie de l’identification est en parfaite congruence avec le développement de l’image »(26)Scheler, Max, Nature et Formes de la sympathie, Payot, 1928, p.113 in Maffesoli, Michel, Le temps des tribus, La Table Ronde, 2000, p.136. Ce qui semble faire écho :

  1. à la notion de solidarité comme nous l’avons comprise ; c’est-à-dire, ici, en tant qu’elle peut être expliquée comme une situation de fusion et
  2. au concept d’identité en tant qu’il puisse apparaître comme une image.

Poser tout ce qui vient d’être développé dans cet article suppose une connaissance concrète des comportements de l’individu, en l’occurrence du salarié. Espérant découvrir, par là, « comment la profondeur peut se cacher à la surface des choses. »(27)Michel Maffesoli montrant, à propos de la vie quotidienne, comment la profondeur pouvait se cacher à la surface des choses. Maffesoli, Michel, Le temps des Tribus, La table ronde, 2000, p.138 C’est-à-dire, comment « l’expression » du salarié à la recherche de sa place au sein de l’organisation, d’une relation à l’autre et de reconnaissance identitaire permet une compréhension du phénomène de son changement personnel que l’on pourrait observer.

Pour ne pas conclure sur les valeurs

E. Pour ne pas conclure sur les valeurs

En résumé, ce que nous apprenons, c’est que le phénomène de changement échappe aux normes et au contenu même des valeurs. Elles-mêmes tributaires de toutes sortes de facteurs extra-moraux. La relation des membres d’un groupe est donc fonction des valeurs internes qu’il produit : « l’apparition d’une valeur peut être facilitée par le contexte ou la conjoncture ; sa persistance ne peut s’expliquer seulement parce-qu’elle est adaptée au contexte et à la conjoncture. »(28)Boudon, R., Gemas n°6, ib. p.30

Ainsi, du changement qu’il est possible d’observer dans les organisations, nous dirons que les valeurs permettent de comprendre le glissement d’une logique de l’identité à une logique de l’identification.

Ce glissement pourrait être essentiellement individualiste, pourtant, il est beaucoup plus collectif. En fait, l’identification associe chaque personne à un groupe selon une relation. Cette relation est la conséquence d’une attraction : on s’associe suivant les contingences ou/et les désirs, les besoins. Ceci implique une multiplicité de valeurs et d’intérêts opposés les uns aux autres.

L’individu n’est, ici, jamais une unité définitive mais toujours en construction, toujours solidaire avec tous dans l’appartenance à un même groupe ou micro-groupe. Ce qui voudrait dire que l’intérêt qui lie l’individu à ce groupe ou micro-groupe, ainsi que les valeurs qui sont partagées contractuellement, deviennent progressivement ciment et vecteurs d’éthique. Celle-ci paraissant factrice de socialisation ; c’est-à-dire :

  1. d’intégration dans un groupe et
  2. de transcendance de l’individu.

Par cela, elle le transforme, le fait changer, donne du sens à ses interrelations et interactions. Bref, cette production individuelle permettrait de vivre, ce que nous nommerons, une « légende collective spécifique » (une légende dans le sens de fabuleux, mythologique), c’est-à-dire une reliance (de re-ligare plutôt que de recollectere, c’est-à-dire de rassembler).

Désormais, il n’y aurait plus rien de permis ou défendu mais l’individu a l’exigence de se produire lui-même, tenu pour responsable de tout ce qu’il est, fait ou paraît.

(aparté) On reconnaît ici l’idée du persona, du masque qui peut être changeant et qui surtout s’intègre dans une variété de scènes, de situations qui ne valent que parce qu’elles sont jouées à plusieurs. De même, la personne joue des rôles au sein d’une configuration à laquelle elle participe, elle y prend une place. D’où l’importance de l’apparence en tant que vecteur d’agrégation, de sentir en commun (fin d’aparté).


Et cette exigence de se produire lui-même serait un défi à assumer dans la solidarité parce-que cet effet de reliance est susceptible de donner aux individus une place qui acquiert du sens.

Ce qui nous paraît désormais éclatant c’est que l’objectif unique de l’individu dans un groupe serait d’être ensemble au-delà de toute autres considérations. C’est, en tout cas, la manière de penser de Michel Maffesoli : « [nos tribus contemporaines] n’ont que faire du but à atteindre […] Elles préfèrent « entrer dans » le plaisir d’être ensemble. »(29)Maffesoli, M., Le temps…, op. cit., p.VII

Mais il est frappant de constater au sein des entreprises, que cette forme de collectivisation, cette socialisation, semble bien plus confuse, hétérogène, mouvante, que rationnelle, mécanique et finalisée.

Par association d’idées, serait-ce à dire que les stratégies qu’appelle l’action humaine sont des stratégies de reliance ?

Ce qui nous conduit à nous demander si comprendre le phénomène de changement ne pourrait pas être tenté de comprendre comment ce « entrer dans » est « négocié » par le salarié parce-que cette construction individuelle de lien social, cette socialisation, nous signifie l’influence de l’individu sur lui-même par des manières de faire propres.

Chronique publiée le 12/06/12 sur lesEchos.fr

 

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Mai 052013
 

COMPRENDRE LE CHANGEMENT :
Le salarié dans son entreprise,
un inventeur de manières de faire

Article complémentaire au dossier sur le changement personnel, deuxième partie (#2.1).

Changement personnel - Photo Certeau

Michel de Certeau, dans la première partie de « L’invention du quotidien », entame une importante recherche née, précise-t-il, « d’une interrogation sur les opérations des usagers, supposés voués à la passivité et à la discipline. »(1)Certeau, Michel (de), L’invention du quotidien 1. arts de faire, Gallimard, coll. Essais, 1990, p.XXXV

 

Ce que propose de Certeau

Ce que propose de CERTEAU

Ce que propose Certeau, c’est « d’exhumer les formes subreptices que prend la créativité dispersée, tactique et bricoleuse des groupes ou des individus »(2)Certeau, M., L’invention…, ib., p.XL qui, « par leur manière de les utiliser à des fins et en fonction de références étrangères au système »(3)Certeau, M., L’invention…, ib., p.XXXVIII, « subvertissent » les productions ou les représentations imposées par une contingence.

Changement personnel ISRI - Photo EchiquierNous allons donc nous attacher a découvrir les types de logiques spécifiques exercées au sein d’une organisation et les ruses anonymes, les habiletés « inventées » au coup par coup dans les interrelations : les  TACTIQUES.

« J’appelle tactique l’action calculée que détermine l’absence d’un propre. […] La tactique n’a pour lieu que celui de l’autre. Aussi doit- elle jouer avec le terrain qui lui est imposé tel que l’organise la loi d’une force étrangère. Dossier Changement Définition ISRIElle n’a pas le moyen de se tenir en elle même, à distance, dans une position de retrait, de prévision et de rassemblement de soi : elle est mouvement « à l’intérieur du champ de vision de l’ennemi », comme le disait von Bülow, et dans l’espace contrôlé par lui. Elle n’a donc pas la possibilité de se donner un projet global ni de totaliser l’adversaire dans un espace distinct, visible et objectivable. Elle fait du coup par coup. Elle profite des « occasions » et en dépend, sans base où stocker des bénéfices, augmenter un propre et prévoir des sorties. Ce qu’elle gagne ne se garde pas. Ce non-lieu lui permet sans doute la mobilité, mais dans une docilité aux aléas du temps, pour saisir au vol les possibilités qu’offre un instant. […] En somme, c’est un art du faible. »(4)Certeau, M., L’invention…, ib., p.60,61

Par suite, nous prendrons appui sur les concepts d’usages, de stratégies et de tactiques de Certeau.

Nous nous intéressons à ces concepts parce-qu’ils permettent d’aborder le phénomène de changement dans les différentes situations comme une inventivité incessante de certains salariés, par exemple. Cette inventivité, plus ou moins inconsciente, devrait nous mener au cœur même des raisons des changements parce-qu’elle est susceptible d’autoriser des « arts de faire » dans les relations, les rendant dynamiques relationnelles.

Pour exemple faisons une analogie, les pratiques de « bricolage » qui relèvent des nouvelles technologies produisent une écriture particulière favorisant une lecture rapide, signalétique et une mise en page dont la typographie est image.

Cette écriture particulière produit à son tour une lecture particulière qui fonctionne comme un espace ouvert à l’inventivité. Donc, un « propre » de modèles et de relations.
Cette écriture particulière semble, par là, traiter de la dimension sociale dans lequel se trouve inscrite une pratique symbolique (un graphisme) qui structure la fabrication d’un sens (une intention, un imaginaire ou à une représentation des normes) et la met en valeur.

Selon Certeau, ce « propre » est le préalable à l’élaboration d’une stratégie(5)« le calcul des rapports de forces qui devient possible à partir du moment où un sujet de vouloir et de pouvoir est isolable d’un « environnement ». Elle postule un lieu susceptible d’être circonscrit comme un propre et donc de servir de base à une gestion de ses relations avec une extériorité distincte. » (Certeau, M., L’invention…, ib. p.XLVI).. Il a montré comment il y a un « geste » qui distingue un lieu autonome, un « propre », qui permet de capitaliser les avantages acquis et de préparer des expansions futures : « l’enfant gribouille encore et tache son livre d’école ; même s’il est puni de ce crime, il se fait un espace. »(6)Certeau, M., L’invention…, ib., p.53

Il implique donc un contrôle du lieu par le biais d’une « pratique panoptique »(7)Certeau, M., L’invention…, ib., p.60 qui permet de le contrôler en le transformant.
Le lieu circonscrit comme un « propre » sert alors de base pour gérer des relations, une communication et fixer des stratégies qui les transforment en espaces lisibles. Par exemple, « l’acte de dire est un usage de la langue et une opération sur elle. »(8)Certeau, M., L’invention…, ib., p.56

A retenir ISRILa tactique s’inscrit dans le lieu de l’autre(9)« La tactique n’a pour lieu que celui de l’autre. » (Certeau, M., L’invention…, ib., p.60).. Ce qui nous permet de regarder les actions du salarié en tant qu’elles sont des tactiques, c’est-à-dire des actions calculées que détermine l’absence d’un « propre », mouvements dans un espace contrôlé par autrui.

C’est un art de jouer des coups, de saisir l’occasion : « [la tactique] fait du coup par coup. Elle profite des « occasions » et en dépend. »(10)Certeau, M., L’invention…, ib., p.61 Autrement dit, « un calcul qui ne peut pas compter sur un propre. »(11)« Le « propre » est une victoire du lieu sur le temps. Au contraire du fait de son non-lieu, la tactique dépend du temps, vigilante à y « saisir au vol » des possibilités de profit. Ce qu’elle gagne, elle ne le garde pas. » (Certeau, M., L’invention…, ib., p.XLVI).

Il est remarquable que les termes de « tactique » et de « stratégie », entendus dans le sens certausien, sont antonymes, mais pas véritablement antinomiques : une manière d’agir pour atteindre un objectif, pour l’un, une connaissance portant sur les différentes manières d’agir, c’est-à-dire un « art de combiner et de coordonner diverses actions pour atteindre un but »(12)Dictionnaire Robert, Micro Poche, tome II, 1986, pour l’autre.

D’un point de vue individuel, l’usage de ces pratiques serait alors un art d’être et de faire circonstanciel, une tactique conduisant l’individu dans une autodidaxie dont on devine le rapport au monde et à soi propice aux changements.

Elle serait avant tout une construction de détours et contours, toujours substitution de règles de contrainte.

Découvrir cette réinvention du quotidien exercée par le salarié doit permettre de marquer son acculturation, ses innovations et le préparer à son changement.

Autrement dit, repérer et décomposer les stratégies ou les tactiques adoptées par les salariés devrait nous permettre de comprendre le phénomène de changement aussi bien au travers de son identité personnelle que de son identité sociale prise au jeu des interactions avec l’organisation (le service, l’équipe…).

En même temps et en poussant ce raisonnement, cela nous permet lors de nos prestations de dégager trois points :

  • l’expression de sa personnalité,
  • son image du micro-groupe (nous traduisons : le lieu symbolique où il veut s’installer) et
  • son acculturation qui s’accompagne d’actions symboliques (usages, jeux, ruses, tactiques par des potentiels d’imagination et de créativité) destinées à consacrer son changement.

La variété des changements constatés enrichit, dès lors, notre compréhension du phénomène. L’examen des transformations, des changements qui affectent tour à tour les valeurs, les conduites et les systèmes de pensée permettent ainsi la description des conditions de leur apparition, leur fonctionnement et leur éventuelle disparition.

Trois catégories pour décliner la figure du salarié

Trois catégories pour décliner la figure du salarié

Prestation - Supervision ISRIA partir des thèmes abordées dans les recherche de M. de Certeau, nous avons souvent demandé sur le terrain que chacun explicite ce que lui procure sa participation dans son micro-groupe (son équipe, son bureau, son service, son centre, son agence…). Ces perceptions nous ont permis d’identifier des comportements divergents.

La diversité de ces divergences, à leur tour, nous a permis d’envisager un classement. Ainsi, nous avons considéré trois catégories de salariés qui correspondent à trois grandes manières de décrire la participation :

  • le salarié actif ou « philanthrope »,
  • le salarié passif ou « pharisien-prestige »,
  • le salarié actif-passif et le salarié passif-actif ou « synallagmatique ».

1) Le salarié philanthrope :

Le Philanthrope est rare. Il est celui qui aide les autres bénévolement, fraternellement, spontanément, sans contrepartie, par foi, simplement. C’est un actif au sein de l’organisation. Il a besoin de cette action. On le retrouve syndicaliste, ou actif au Comité d’Entreprise, par exemple.

Mais son attitude n’est pas toujours constante parce qu’elle constitue une contribution ponctuelle à l’organisation. En fait, son comportement altruiste est limitée dans le temps et se repère seulement par bribes, par « coups d’éclats ».

Il se rapproche dans ses attitudes relationnelles à celles du don. Il est d’une relative stabilité familiale et professionnelle.

2) Le salarié pharisien-prestige :

Celui qu’on appellera « le Pharisien-prestige » cherche dans ses relations quelque chose de précis, pas nécessairement la pratique de son métier, mais, plutôt, répondre à un besoin de reconnaissance.

Ce besoin s’appuie sur la nécessité de connaître voire d’appartenir au corps de métier dont la caractéristique principale, pour « celui qui n’en fait pas partie », est l’image du « prestige », pour lui.

Une première réflexion pourrait nous faire le qualifier « sous le nom pudique de consommateur »(13) Certeau, M. (de), l’invention…, op. cit., p.XXXVI.

En fait, c’est un « passif/passif » dans sa participation au dynamisme général de l’entreprise même si c’est un actif pour lui-même. Il est persuadé de faire quelque chose pour les autres, en fait, il le fait pour lui d’abord : sa mobilisation repose sur la reconnaissance qu’il espère en lien avec sa motivation essentielle qui repose sur la reconnaissance qu’il obtient. Bref, un pharisien. C’est-à-dire « celui qui présente comme conforme à l’intérêt général ce qui est avant tout de son intérêt. »(14)Boudon, Raymond, La théorie des valeurs de Scheler vue depuis la théorie des valeurs de la sociologie classique, Travaux du Gemas n°6, 1999 p.7

Il sait ce qu’il veut même s’il ne le formule pas clairement : s’aider lui-même au succès de sa propre démarche de reconnaissance (« pour être dans le monde », nous dirait Louis Dumont(15)« Pour être dans le monde », nous dirait Louis Dumont : Individu-dans-le-monde / Individu-hors-du-monde : « L’individu, s’il est « non social » en principe, en pensée, est social en fait : il vit en société, « dans le monde ». En contraste, le renonçant indien (Indes) devient indépendant, autonome, un individu, en quittant la société proprement dite, c’est un « individu-hors-du-monde » ». Dumont Louis, Homo aequalis, 1976.), et peut facilement quitter l’entreprise lorsque sa demande est satisfaite. Oui, oui, vous lisez bien, lorsque sa demande de reconnaissance est satisfaite !

3) Le salarié synallagmatique :

C’est le type de salarié le plus fréquemment rencontré dans nos prestations (7 fois sur 10). Il « marche au donnant-donnant ». L’entraide mutuelle, lui, il connaît ! Il donne avec toujours le secret espoir d’un retour : « Je donne si tu m’as déjà donné ou si je suis quasiment sûr que tu me rendras ». Il s’agit là d’une attitude synallagmatique. C’est la raison pour laquelle nous lui avons attribué ce nom.

Il semblerait qu’il cherche à répondre à un besoin de relations qui s’appuie sur celui d’appartenance à un groupe qui le reconnaît. Il y parvient à communiquer, échanger, partager, développer des projets avec les autres par système « d’ancrage » et de « mobilisation ».

On distinguera deux profils de Synallagmatique :

le « Synallagmatique passif-actif » que nous appellerons « Synallagmatique-copain »(16) Forme de l’ancien français compain, « avec qui on partage le pain ». C’est un camarade que l’on aime bien. (Dictionnaire usuel du français, Hachette, 1989). Sachant qu’un camarade est une personne avec qui on partage certaines occupations et qui de ce fait devient familière. Le Larousse de poche de 1978 nous dit : « Compagnon de travail, d’étude, de chambre » et le Quillet de 1971 « Celui qui vit familièrement avec un autre ». Il échange en s’arrangeant de prendre plus que ce qu’il est prêt à donner. Il peut exprimer ce qu’il voudrait faire pour les autres mais avancera des excuses pour ne pas les faire. Il est, dans l’idée, relativement proche du Pharisien-prestige.

le « Synallagmatique actif-passif » ou « Synallagmatique-ami« . Un ami n’est-il pas une personne avec qui l’on a des affinités, proche, intime ? « Qui a de l’attachement pour » nous dit le Quillet de 1971.

C’est un sentiment partagé, réciproque. Lacordaire (Henri-Dominique, abbé) ne disait-il pas : « L’amitié est le plus parfait des sentiments de l’homme parce-qu’il est le plus libre, le plus pur et le plus profond » ? Et Montaigne à propos de la Boétie : « Si on me presse à dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en disant : « Parce-que c’était lui, parce-que c’était moi » » ?

Le Synallagmatique-ami échange en donnant plus qu’il ne prend. Il exprimera ce qu’il fait réellement pour les autres mais gardera à l’esprit ce « retour des choses » qui équilibre ses rapports. Ceci dit, les comportements et les attitudes du Synallagmatique-ami tendent à se rapprocher de ceux du Philanthrope.

En résumé, un tableau


Type de salarié


Actif


Passif


Actif

 


Philanthrope

(cherche à aider bénévolement)


Synallagmatique copain

(échange en prenant +)


Passif

 


Synallagmatique ami
(échange en donnant +)


Pharisien-prestige

(cherche à prendre)

Tableau récapitulatif des trois figures du salarié

La lecture de ce tableau nous conduit à poser de nouvelles questions dont les réponses pourraient déterminer un nouveau paramètre : le niveau d’engagement du salarié par rapport à son ancienneté.

En l’incluant dans l’analyse, il permettrait au responsable du changement de définir avec plus de précision encore la définition des trois catégories types de salarié, d’une part, et indiquerait les fluctuations de l’environnement de l’organisation, d’autre part.

Autrement dit, la question à se poser serait : y aurait-il une évolution entre les diverses attitudes perçues : Pharisien-prestige puis Synallagmatique (copain puis ami) puis Philanthrope ? Si oui, quel en est le facteur ? Y aurait-il une durée au terme de laquelle le salarié prendrait la décision, consciente ou pas, de s’engager plus ou de quitter l’association ?

Nous entendons par « évolution de l’engagement » des phases successives par laquelle passe le salarié avant d’atteindre de façon utopique « l’engagement total ». Le salarié partirait d’une situation de « consommateur » (le Pharisien-prestige) pour évoluer, dans ses attitudes d’engagements, vers les caractéristiques du Synallagmatique (copain puis ami) puis vers celles du Philanthrope.

Pour répondre à ces questions avec certitude le responsable du changement devra communiquer par entretiens individuels et en groupe avec les salariés. Par expérience terrain, il semble que l’engagement évolue avec l’ancienneté ; parfois elle décroit, souvent elle croit.

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Mai 052013
 

Le changement personnel :
INDIVIDU – PERSONNE – PERSONNALITÉ
(éclaircissements)

Changement personnel - Photo IndividuCet article sur le changement personnel veut éclairer les concepts d’individu, de personne, de personnage et de personnalité, afin de lever les (trop fréquentes) confusions d’interprétation courantes qui sont faites en la matière. Bien entendu, nous circonscrivons à quelques champs seulement l’apport des sources et des définitions ici présentes afin de faciliter la compréhension du sujet, à savoir : la sociologie, la philosophie et la psychosociologie.

 

Individu

Le changement : individu, personne, personnalité (éclaircissements)

Individu

Un individu est, étymologiquement, un « être considéré comme distinct par rapport à son espèce, un être humain par opposition à la collectivité, l’élément d’une collectivité ou d’un ensemble » En clair, l’individu serait circonscrit à sa forme, son corps.

Si nous considérions l’individu uniquement sous sa distinction biologique nous serions vite amenés à nous demander s’il était réservé à l’homme, alors que, même s’il présente dans sa structure les traces de son originalité comme ses empreintes digitales ou son code génétique, on peut trouver des singularités chez les végétaux, les minéraux, les animaux.
Alors, dans cette contingence, comment le corps, dans son apparence, a-t-il une signification ?

Changement personnel ISRI - Photo JodeletPour Denise Jodelet, le corps apparaît comme un médiateur du lien social : « on s’en préoccupe : 1) soit dans une perspective instrumentale de réussite et d’intégration sociale ; 2) soit pour répondre à des normes sociales de présentation ; 3) soit dans l’intention des autres. »(1)Jodelet, Denise, ss la dir. de Serge Moscovici, Psychologie sociale des relations à autrui, Nathan, coll. Fac, 2000, ss la dir. de Serge Moscovici, Psychologie sociale des relations à autrui, Nathan, coll. Fac, 2000, p.49

Changement personnel - Photo LeibnizPour Gottfried Wilhelm Leibniz, l’individu est unique et indivisible « il n’y a jamais dans la nature deux êtres qui soient parfaitement l’un comme l’autre et où il ne soit possible de trouver une différence interne, ou fondée sur une dénomination intrinsèque ». Ainsi, l’individu serait-il tout simplement ce au-delà de quoi on ne peut plus diviser, au moins sans être dénaturé ? Une monade, un atome au sens propre ?(2)La monadologie, Association des Bibliophiles Universels, août 1997

Changement personnel - Photo FischerDu côté de Gustave-Nicolas Fischer pour qui « l’être humain est un être relationnel car les relations définissent un aspect essentiel de son être social » la relation humaine l’emporte sur ce qui définit étymologiquement l’individu. Et dans ce cas, précisément, il nous faut aller chercher en dehors du biologique son originalité.(3)Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, Dunod, 1996

Changement personnel - Photo CerteauDu côté de Michel de Certeau pour qui « l’homme ordinaire donne en représentation » c’est la manifestation par la production (la manière de parler, de s’habiller, d’exprimer l’art ou la culture par exemples), les conduites qui caractérisent l’homme.(4)L’invention du quotidien I, arts de faire, Gallimard 1990

Changement personnel - Photo DumontTout au début de Homo Hierarchicus, Louis Dumont(5)Dumont, Louis, Homo aequalis, 1976 et Essais sur l’individualisme, Coll. Esprit/Seuil, 1991 distingue deux sens au mot individu :

  1. l’homme particulier, empirique, non social et
  2. l’homme comme porteur de valeurs et valeur lui-même.

Si pour Louis Dumont l’individu est la « valeur suprême du monde moderne », d’autres l’affirment non seulement comme valeur mais aussi comme principe. Ce qu’il semble falloir entendre par principe c’est la volonté de l’homme à « fonder ses lois lui-même à partir de sa raison ».
Donc, l’individu s’affirmerait, à la fois, comme valeur parce qu’un homme vaut un homme (égalité) et comme principe parce-que seul l’homme peut être pour lui-même la source de ses normes et de ses lois (liberté). L’égalité versus la hiérarchie, la liberté versus la tradition.

Changement personnel - Photo RousseauEn son temps, le philosophe Jean-Jacques Rousseau avait tracé la voie avec le contrat social dans lequel il distinguait la liberté naturelle de la liberté véritable. La première comme liberté sans règle, la deuxième comme liberté civile où l’individu se soumettrait à des règles librement acceptées.(6)Rousseau, Jean-Jacques, Du contrat social ou principes du droit politique, in Œuvres complètes, T.III, Gallimard, coll. La Pléiade, 1964

Changement personnel - Photo EhrenbergLe sociologue Alain Ehrenberg actualise les propos de Rousseau en précisant que le « nouvel » individualisme, qui se caractérise par « la montée de la norme d’autonomie », engendre « une dépolitisation de la société […] puisqu’il [(l’individu)] poursuit égoïstement son bien-être dans une ambiance sentimentaliste faite de Restos du Cœur, de téléthons et d’actions humanitaires diverses »(7)Ehrenberg, Alain, L’individu incertain, Calmann-Lévy, coll. Pluriel, 1995.

Changement personnel - Photo Le BonMême si, en sens inverse, la position de Gustave Le Bon est catégorique : « la foule […] ravale l’individu dans sa mentalité comme dans son comportement ; elle le dépersonnalise, l’hypnotise et l’abrutit ; en outre, elle l’entraîne vers la violence »(8)Le Bon, Gustave, La psychologie des foules, 1895 in Maisonneuve, Jean, La psychologie sociale, Puf, coll. Que sais-je ?, 1998, p.5.

Changement personnel - Photo MayoPourtant, Elton Mayo, à la suite de sa participation à l’expérience de Hawthorne de 1927 à 1932, concluait que « l’homme ne peut être heureux qu’intégré au sein d’un groupe », suggérant par là « qu’il se passe quelque chose » dans ce groupe (Mayo tire les conclusions de son enquête dans deux petits ouvrages : Les Problèmes humains de la civilisation industrielle (1933), et Les Problèmes sociaux de la civilisation industrielle (1947).

Changement personnel ISRI - Photo Renaut

Pour Alain Renaut, l’individu moderne veut « s’approprier les normes et non plus les recevoir » . Il surimpose à cela l’obligation qu’il a d’assurer sa « responsabilité de sujet pratique [devant] se « penser » comme l’auteur de ses actes. »(9)Renaut, Alain, L’individu, Hatier, coll. Optiques, 1995, p.21-22 et 62

Changement personnel ISRI - Photo LévinasEmmanuel Lévinas avait déjà parlé d’une « subjectivité pratique » de responsabilité, d’éthique en tant que « la dignité de l’homme doit être placée dans l’ouverture à l’autre en tant qu’autrui » (p.61). Ce qui voudrait dire que la société est un concept théorique mental qui n’a aucune « responsabilité » ; seul l’individu est responsable de son acte. La responsabilité n’étant pas une notion négative ; elle est la connaissance des conséquences de l’acte. Chacun doit donc être conscient de ses actes, qu’il est engagé personnellement, et disposé à en assumer, seul, les conséquences.

Personne et personnage

Personne et personnage

La personne serait-elle tout simplement un être humain situé à une place sociale authentifiée ?
Dossier Changement Définition ISRI
Selon l’étymologie traditionnelle le terme de personne trouve sa source dans les « termes prosôpon (Προσψπον) et persona qui désignent d’abord, dans l’antiquité classique, le masque de théâtre »(10)Nédoncelle, Maurice, La réciprocité des consciences, Aubier, 1942.

  1. Personna : personne, du latin désignant le masque. Les masques étaient en nombre limités : soixante-seize, dont vingt-huit pour la tragédie. Ils correspondaient à des caractères fixes à partir desquels les spectateurs pouvaient s’attendre à des comportements ou à des attitudes déterminés. « La création littéraire exalte en outre sinon le « héros », du moins le « personnage ». Changement personnel ISRI - Photo MasquesLa persona de l’actant littéraire peut aller du plus simple (le masque ou le costume obligé de l’emploi théâtral) au plus complexe, dans le roman psychologique ou dans l’épanchement lyrique de la poésie. Mais chaque fois s’opère une sélection des traits de personnalité, des situations et des actions des personnages »(11)J. Campbell, The Hero with a Thousand Faces, Panthéon Books, New York, 1949 in Encyclopædia Universalis, Cd-Rom, 1998.

  2. « Le terme persona est lui-même dérivé du verbe personare, qui veut dire résonner, retentir, et désigne le masque de théâtre. […] Cette étymologie est généralement attribuée à Boèce (VIe s.). En réalité, elle est déjà attestée chez Aulu-Gelle, IIe siècle. Mais elle est fausse. Pour des raisons d’accentuation (la deuxième syllabe de persona est longue, la deuxième syllabe de personare est brève), il est impossible que persona dérive de personare. Au reste, on a découvert un mot étrusque, phersu, qui pourrait être l’amorce d’un persuna , changé bientôt en persona , et qui semble signifier masque. Cette explication, même probable, reste cependant discutée. »(12)Meyerson, Ignace, Problèmes de la personne, colloque du Centre de recherches de psychologie comparative, E.P.H.E., Viè section, Mouton, 1973)
    Changement personnel - Photo Maisonneuve
  3. Mais le terme persona, en se référant uniquement au masque, exerce seulement des fonctions équivoques de dissimulation de l’acteur mû en personnage. Comme le note Jean Maisonneuve : « le sujet peut être conduit à deux attitudes : 1) cacher consciemment à autrui, derrière une figure d’emprunt, ce qu’il est et fait réellement 2) Se cacher, surtout à soi-même, ce que l’on est ou ce que l’on craint d’être »(13)Maisonneuve, Jean, Introduction à la psychosociologie, coll. Le psychologue, Puf, 1985.

En fait, c’est par le glissement du masque gréco-romain au personnage représenté, puis du rôle à l’acteur, qui faisait ainsi passer de la fonction sur scène au jeu social mené par l’individu. Le masque a ainsi perdu de sa spécificité, c’est-à-dire, il est passé de la dissimulation directe, dans le sens se cacher physiquement, au paraître en devenant le « personnage ».

Autrement dit, « devant autrui […] nous devons produire une image conforme à ce qu’on attend de nous ; nous nous sentons « en représentation ». Aussi, est-ce souvent par l’adoption d’un personnage type que nous assumons notre rôle social ». C’est la raison pour laquelle, le personnage est distinct de l’individu puisqu’il « n’est pas exactement l’individu que nous sommes mais celui que nous voulons persuader aux autres que nous sommes. Ou encore, celui que les autres veulent nous persuader que nous sommes… Ces deux définitions se confondent pour nous constituer une façade sociale… Nous nous voyons d’abord comme autrui nous voit et nous veut ». C’est-à-dire, « 1) l’image de notre présentation aux autres ; 2) la conscience du jugement qu’ils portent sur nous et 3) les sentiments positifs ou négatifs qui en résultent ».

Pour Jean Maisonneuve, le personnage endossé : « n’est plus une catégorie officielle mais une visée personnelle ». Concluant que « c’est probablement ici le cas où le personnage a le plus de chances d’exprimer assez fidèlement la personne ».

En clair, outre le personnage comme masque (le paraître), il semble qu’il soit, à la fois, un devoir être, c’est-à-dire : le personnage comme rôle social permettant d’affronter la pression et la suggestion sociale ; et un veut être, autrement dit, la vocation comme source du personnage endossé. Dans ce cas, qu’est-ce qui fait son originalité, sa singularité, autrement dit, sa personnalité ?

Personnalité

Personnalité

Changement personnel - Photo DescartesLe cogito cartésien (PDF image ISRI), univers d’interrogations, a permis d’inventorier les richesses de l’ordre personnel et d’en disposer. Cela veut dire que ce qui est connu est transformé par le fait même qu’il est connu. En d’autres termes, pour René Descartes les choses ne sont qu’en tant que nous les pensons. Ainsi, a-t-il découvert le fondement de ses travaux, c’est-à-dire l’ego(14)Descartes, René, Discours de la méthode, quatrième partie, Méditations, La Pléiade, Gallimard, p.47-48.

A cela, il découle que la personne devient parfaitement un individu dans la mesure où elle prend conscience de sa personnalité. Ainsi, cette conscience semble d’abord distinguée sous son aspect physique : le corps principalement, comme nous l’avons vu au début de cet article.

Puis apparaîtrait la prise de conscience de notre personne à tous les moments de la vie. « La conscience est la capacité de situer l’ordre du possible par rapport au réel. En conséquence, l’homme, lorsqu’il se trouve à un certain niveau de vigilance, se situe par rapport à lui-même et prend conscience de soi. »(15)Corraze, Jacques, Encyclopædia Universalis Cd-Rom 98 à Personnalité. Cette prise de conscience semble être un aspect subjectif de la personnalité. Ce cheminement nous conduit à rechercher un aspect objectif de la personnalité.

Changement personnel - Photo La BruyèreJean de La Bruyère a donné le nom de caractères à l’ensemble des traits moraux particuliers qu’il a recueilli chez ses contemporains. Plus tard, d’autres ont essayé de classifier les principaux types de caractères et ont dénombré une cinquantaine de définitions du mot « personnalité ». Dans ces conditions, il nous apparait bien difficile de circonscrire un aspect objectif de la personnalité(16)La Bruyère, Jean (de), Les Caractères in Œuvres complètes, coll. La Pléiade, 1951.

Changement personnel - Photo BoudonCependant, nous dit Raymond Boudon, « il est possible d’en préciser le sens […] en examinant ses caractères les plus généraux et les plus permanents : l’individualité, l’autonomie, la stabilité ou consistance [(le personnage)], enfin, la spécificité des motivations »(17)Boudon, Raymond in Encyclopædia Universalis, Cd-Rom, 1998.

Les béhavioristes nous fournissent une définition des motivations : « [elles] sont des stimuli qui poussent à l’action et dont, le plus souvent, on observe les effets sans les saisir directement ». Cependant, « la motivation doit être comprise en tant que mise en question permanente de l’équilibre présent au nom d’un équilibre supérieur futur ».

Ainsi entendu, la personnalité « n’est pas une substance (un en-soi) […] elle est essentiellement un système de relation ». En ce sens, « la personnalité comme telle n’existe pas ; ce qui existe ce sont les réseaux de relations ».

Par ces deux aspects subjectifs et objectifs, ce que nous garderons c’est que la personnalité est en somme un ensemble des manières d’être d’un individu distinguant dans la personnalité « le moi comme système d’attitudes communes intériorisées, de réponses conformes aux situations sociales et le je, principe spontané et original ».

Pour le dire autrement, il n’y aurait ni soi, ni conscience de soi, ni communication en dehors de la société, c’est-à-dire en dehors d’une structure qui s’établit à travers un processus dynamique d’actes sociaux communicatifs, à travers des échanges entre des personnes qui sont mutuellement orientées les unes vers les autres. Par un mot : en interrelation.

Conclusion : individu et changement

Conclusion : individu et changement

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Le concept d’individu met en avant un être qui a besoin d’échanger, de s’exprimer. Il ne peut pas être pensé comme quelqu’un d’isolé tel Robinson Crusœ ou une monade, c’est-à-dire, fermé sur lui-même, mais plutôt en tant qu’individu-participant chargé d’intentions. Autrement dit, l’individu est un être en interaction sociale et en représentation (personnage).

Le personnage joué par l’individu semble donc être « l’instrument » de présentation de soi aux autres. Le personnage se distingue de l’individu en tant qu’il est construction psychosociale de la personne.

Néanmoins, accéder à un statut d’individu n’exergue pas l’individualisme. Au contraire, il faut bien entendre que cette personne/individu (non monade/Leibnitz) prend conscience de son individualité profonde (individuation/Jung). Démarche de conscientisation indispensable préalable permettant, ensuite, d’échanger et de s’enrichir auprès des autres personnes/individus.

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