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Soulairol Jean-Marc ISRI

Cet article « Réveiller le potentiel humain pour réussir le changement » aborde la notion polysémique d’individu afin de permettre à tous les responsables des Ressources Humaines de comprendre l’incontournable obligation qu’ils ont de considérer le potentiel humain de leur entreprise afin de réussir le changement.

Réveiller le potentiel humain pour réussir le changement

Pour réussir les changements au sein de votre entreprise vous devrez tenir compte de l’éveil du potentiel de vos collaborateurs. Pour y parvenir, vous devrez voir et comprendre vos collaborateurs en tant qu’ils sont des individus et des personnes ; c’est incontournable. Dans cet article, j’aborde ces concepts en tant qu’ils sont des points de réflexion de base. D’abord, repérons-nous :

Selon l’étymologie traditionnelle le terme de personne trouve son origine dans les « termes ‘prosôpon’ et ‘persona’ qui désignent, dans l’antiquité classique, le masque de théâtre. » (Nédoncelle Maurice, La réciprocité des consciences, Aubier, 1942).

Ignace Meyerson est plus critique : « Le terme « persona » est lui-même dérivé du verbe « personare », qui veut dire résonner, retentir, et désigne le masque de théâtre. […] Cette étymologie est généralement attribuée à Boèce (VIe s.). En réalité, elle est déjà attestée chez Aulu-Gelle, IIe siècle. Mais elle est fausse. Pour des raisons d’accentuation (la deuxième syllabe de persona est longue, celle de ‘personare’ est brève), il est impossible que ‘persona’ dérive de « personare ». » (Meyerson, Ignace, Problèmes de la personne, colloque du Centre de recherches de psychologie comparative, E.P.H.E., Mouton, 1973).

Quant à Encyclopaedia Universalis 1998, ‘persona’ signifie ‘personne’, du latin désignant le masque (de théâtre). Pour la petite histoire, les masques étaient en nombre limités : soixante-seize, dont vingt-huit pour la tragédie. Ils correspondaient à des caractères fixes à partir desquels les spectateurs pouvaient s’attendre à des comportements ou à des attitudes déterminés.

C’est par le glissement du masque gréco-romain au personnage représenté, puis du rôle à l’acteur, qui faisait ainsi passer de la dissimulation directe (se cacher physiquement), au paraître en devenant le ‘personnage’.

Mais, comment les comportements et les attitudes de vos collaborateurs doivent évoluer pour accepter, voire participer au changement ? Quels sentiments (positifs ou négatifs) en résulteront-ils, permettant d’affronter la pression ?

Le cogito cartésien, univers d’interrogations, a permis d’inventorier les richesses de l’ordre personnel et d’en disposer. Cela veut dire que ce qui est connu est transformé par le fait même qu’il est connu. En d’autres termes, pour Descartes, les choses ne sont qu’en tant que nous les pensons. Ainsi, a-t-il découvert le fondement de ses travaux, c’est-à-dire l’ego.

A cela, il découle que les collaborateurs, en tant que personnes, deviennent des individus dans la mesure où ils prendront conscience de leur personnalité. Ce qui nous amène à aborder le phénomène de changement sous l’angle de l’engagement et de la motivation, et, principalement, de la morale et de l’éthique.

Pour les béhavioristes les motivations : « sont des stimuli qui poussent à l’action et dont, le plus souvent, on observe les effets sans les saisir directement. » Cependant, « la motivation doit être comprise en tant que mise en question permanente de l’équilibre présent au nom d’un équilibre supérieur futur. » (Corraze, Jacques). Ceci a fondé les conceptions d’Abraham Maslow dont les travaux attribuent à l’homme une force de développement intrinsèque, une puissance d’auto actualisation.

Par ces aspects, nous garderons que la personnalité est en somme un ensemble des manières d’être d’un individu. Pour le dire autrement, il n’y aurait ni soi, ni conscience de soi, ni communication en dehors d’une structure (en l’occurrence, votre entreprise) qui s’établit à travers un processus dynamique d’actes sociaux communicatifs, à travers des échanges entre des personnes (vos collaborateurs) qui sont mutuellement orientées les unes vers les autres ; par un mot : en interrelation.

En définitive, ce qu’il vous faut noter, est la piste qui s’ouvre pour comprendre comment vos collaborateurs peuvent changer, évoluer pour assumer des interactions de participation, prendre des responsabilités ou des initiatives et comprendre aussi comment leurs traits de caractère leur permettront de s’engager, de se motiver, d’échanger, par exemple.

Cette piste, consistant à rechercher le sentiment d’appartenance qu’ont vos collaborateurs, révèlera leur identité cachée derrière un « masque ». Bref, comment la « personne-collaborateur » est-elle pensée par votre collaborateur en tant que « personnage-collaborateur » et comment ce « personnage-collaborateur » joue-t-il un rôle dans votre entreprise ? Cela a-t-il un sens ? Ce sens prend-il forme dans l’environnement de votre structure ? Représente-t-il un « lieu insolite ».

Erving Goffman nous aide : « les applications particulières de l’art de manipuler les impressions, […]grâce auquel l’individu exerce un contrôle stratégique sur les images de lui-même et de ses productions que les autres glanent à son entour. » (Goffman, Erving, Stigmate, Les usages sociaux des handicaps, Minuit, 1975, p.152).

Vos collaborateurs, en tant qu’individus, peuvent donc être compris en tant qu’êtres relationnels à partir de ce qu’ils veulent être ; mais également, en tant qu’êtres en représentations, c’est-à-dire des personnages à partir de ce qu’ils doivent être.

En conséquence, vous devez connaître comment s’y prennent vos collaborateurs dans leurs relations aux autres. Et, vous devrez vous poser cette question : leurs aspirations peuvent-elles concorder avec ce que j’attends de la configuration globale de mon organisation ?

Si nous nous référons à ce qui précède, la participation de vos collaborateurs se caractérisera par le désir de participer (voire par les freins et les résistances produits), les attentes, l’intensification du sentiment d’identification et d’appartenance à votre entreprise, etc. que chacun d’eux pourra satisfaire.

« L’appartenance à » étant le point d’orgue, puisqu’on peut supposer que la démission ou le licenciement constitue l’ultime sanction contre les réfractaires, les résistants. Bref, vos collaborateurs attendent des liens à partir desquels ils peuvent exercer un échange et une représentation. Ces liens pouvant être les valeurs, l’histoire ou l’éthique de votre entreprise parce-que l’individu est un être de besoin qui n’existe que parce qu’il vit en société avec d’autres individus. Inversement, la société n’existe que dans la mesure où les individus qui la composent existent.

C’est chez Norbert Elias et la notion de configuration, ainsi que chez Michel de Certeau et la notion « d’art de faire », qu’il réside des pistes…

Directeurs, chefs de services, managers et autres responsables des Ressources Humaines, etc. vous n’avez plus le choix : vous devez désormais tenir compte du potentiel humain de vos collaborateurs pour réussir le changement et les évolutions de votre entreprise, sinon, c’est l’éviction par la concurrence !

Publiée le 17.05.2013 sur lesEchos.fr

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  7 réponses sur “réveiller le potentiel humain pour réussir le changement”

  1. Guy Veny@Jean-Marc. Ca vole un peu trop haut pour moi mais je perçois l’idée générale : Le changement d’une structure passe par le changement de la personne. Donc, de ses conscientisations. Ai-je compris ?

    • Bonjour Jean-Marc et Guy,
      La conscientisation naît et implique un concept de lutte interne au sein des organisations/institutions/entreprises, lequel concept est élaboré en vue de déboucher sur- et produire- une action … ce qui ne semble pas – à mon très humble avis – correspondre au thème abordé par Jean-Marc.
      A mon sens, Jean-Marc développe davantage l’idée selon laquelle une réalité stratégique existe au sein de l’institution/entreprise, cette idée étant « cultivée individuellement » par chaque collaborateur – ou en groupe – dans les jeux qui y sont initiés, entretenus, développés et maintenus .. et ce en fonction de la « culture/éducation » qu’aura reçu chacun d’entre eux …
      Cette réalité stratégique de connaissance des « jeux » – tant internes qu’en liaison avec l’environnement de ce que je vais résumer en « l’institution » – est prégnante tant au niveau de l’institution/organisation/entreprise qu’au niveau – et même principalement – chez le corps social … sans pour autant perdre de vue que les dirigeants eux-mêmes son partie intégrante dudit corps social.
      Ceci étant, Jean-Marc débouche sur le concept de réalité systémique, les stratégies « individuelles » et/ de groupes se déroulant dans un système constitué par le mix « institution+corps social ».
      Selon Dominique BERIOT : « l’approche systémique cherche à appréhender la problématique d’une personne ou d’un ensemble de personnes en s’appuyant sur les invariants des systèmes humains. Elle se réfère à un métamodèle et non à un ou plusieurs modèles pour élaborer une stratégie et mettre en place les régulations nécessaires à l’accompagnement des acteurs concernés par le changement ».
      Or, il est nécessaire de partir de la réalité stratégique basée sur l’étude du comportement d’un individu – ou d’un groupe – avant que d’aboutir à la possibilité de l’approche systémique, laquelle dès lors représenterait davantage un danger, en ce sens qu’elle conduirait à l’étude particulière du caractère – persona – de l’individu.
      A vous lire

    • Soulairol Jean-Marc (ISRI)Bonsoir Guy,
      Sous toutes réserves (je souhaite discuter pour affinage), il me semble que le changement organisationnel passe par le changement personnel. Encore faut-il déterminer ce que l’on entend par changement personnel ?
      J’ai tenté de l’expliciter dans le dossier sur le « changement personnel DANS le changement organisationnel » que vous pouvez trouver ici : http://www.isrifrance.fr/le-changement.
      Dans le présent article, j’aborde succinctement trois points imbriqués afin d’appréhender l’idée de changement personnel : 1) le concept de personne en interrelation, 2) celui de personnalité et 3) deux réflexions cognitives (le cogito et l’éthique)?
      Ce qui m’a amené à conclure que pour mener un changement organisationnel il est indispensable de tenir compte des salariés en tant qu’ils sont des personnes avec leurs désirs, espoirs, motivation et leurs manières de faire et d’être. Ainsi, mieux le fonctionnement des collaborateurs sera connu, mieux le changement organisationnel pourra être adapté dans l’intérêt compatible de toutes les parties ; et, surtout, réussir !
      Autrement dit, j’essaie de démontrer que le changement organisationnel doit s’appuyer sur l’image que des salariés d’une organisation présente d’eux-même dans l’organisation. J’aborde donc les notions d’individu et de personne dans ses détails de relations interpersonnelles et je postule que la présentation de soi influe sur le changement individuel et organisationnel.
      Ceci dit, je ne mets pas en garde dans cet article des dérives manipulatoires toujours possibles… Je le fait donc maintenant !
      Merci pour vos interventions enrichissantes et constructives. Un merci particulier à Roland qui aborde le thème de la sociodynamique pour clarifier mon article.

  2. Sylvie Gigant@Bonjour Jean-Marc. Enchantée et merci de nous proposer ce passionnant sujet. Je vous propose d’ouvrir le bal ! Découvrir et réveiller le potentiel humain passe immanquablement par le développement et la qualité des relations interpersonnelles. Cela exige ouverture d’esprit, positivisme, énergie, histoire, culture aussi. Temps et vision stratégique, donc long-terme. Exit la politique-de-la-rustine, qui consiste à jouer la carte du court terme et des décisions à l’emporte-pièces, tout en les croyant inéluctables. Beaucoup de DRH ont le derrière-entre-deux-chaises, d’où l’absence d’initiatives ou des initiatives malheureuses… C’est la Gouvernance qui doit fixer le cap, choisir la DRH qu’elle veut avoir. A cette dernière aussi d’avoir le courage d’aller dans le sens de l’ouverture et du dialogue et de savoir devancer l’appel, le cas échéant. Quant à réveiller le potentiel humain, il faut croire qu’il existe et le rechercher, inlassablement. Volonté mais aussi connaissance de la psychosociologie sont indispensables pour fixer le cap, trouver les solutions porteuses, mettre la bonne personne à la bonne place, choisir la vraie-diversité et dire enfin, NON au clonage généralisé, de tout poil. Ces bases assurées, les changements organisationnels – s’ils sont judicieux et porteurs d’amélioration – se feront avec une large participation. Rien ne se décrète, tout se construit sur la durée.

  3. Catherine FavarioLe changement ne peut apparaitre positif que si une équipe est motivée, elle en connait le sens afin de pouvoir y adhèrer.
    Mais ou le personnel peut-il trouver sa motivation à vivre un changement ?
    C’est là que peut intervenir le RH.
    L’une de mes suggestions serait « aider les collaborateurs à connaitre ou il en est de son évaluation personnelle autour du changement ». Cette démarche offre au RH une perception et compréhension de son équipe sur la motivation au changement.
    C’est une fois le résultat de cette évaluation connu qu’il peut se poser lui même la question: « Comment mobiliser cette force collective ? »
    De la force, qualité et quantité, de la motivation va dépendre la réussite du changement.
    Pour ce faire, le RH doit démontrer les avantages et les plaisirs de s’impliquer dans une démarche de changement.
    Les cadres intermédiaires doivent adapter le rythme du changement à la force de l’équipe.
    Pour ce faire il est important qu’ils clarifient le sens de ce projet de changement. Il est plus facile à une équipe de se motiver au changement si le sens de celui-ci est clair et si l’anticipation du changement peut permettre un rythme d’adaptation plus souple que de DEVOIR changer de suite !
    Cette expérience, je l’ai vécue à multiples reprises, m’a convaincue, que cette démarche, d’explication du sens, est primordiale pour envisager un changement sans trop de réticences mais bien plutôt avec des remontées du terrain sous forme d’engagement, de créativité et de dynamique positive.
    Bonne et heureuse année aux RH

  4. Cette capacité a être en interelation suppose deux prérequis:
    – Un prérequis individuel: Que l’acteur se considère comme interlocuteur légitime. Cela peut sembler évident mais pour que l’acteur se sente interlocuteur il est nécessaire qu’il existe un lieu d’élaboration de sa parole. pour qu’il se sente légitime à porter sa parole dans l’interrelation il est nécessaire qu’une fois sa parole élaborée il la considère comme étant légitime. qui mieux que ses pairs peuvent l’aider à élaborer une parole légitime. Mais ce prérequis s’appui sur des savoir faire et des savoir être qui s’apprennent. Nous ne naissons pas en sachant faire cela.
    – Un prérequis institutionnel: Que l’institution considère l’acteur comme un interlocuteur légitime. Autrement dit que la hiérarchie accepte le contrat d’une possible confrontation. Que la hiérarchie ne considère pas les questions et les remises en question comme des attaques personnelles et des tentatives de disqualification de la part de l’acteur, voire d’une tentative de déposséder le chef de son pouvoir. Qu’elle considère que la seule manière pour l’acteur de s’approprier les demandes de l’organisation c’est de les questionner. Quand un salarié questionne le hiérarchique ce n’est pas pour le mettre en défaut c’est pour comprendre et pour s’approprier l’intention.
    Ce type de contrat institutionnel n’est jamais passé. parce qu’au fond notre modèle managérial n’est pas très loin du modèle du chef qui commande par son expertise technique. Dans une période de changement permanent ou le chef n’est plus du tout sur de son savoir, il a tendance à renforcer sa stratégie de refus de l’échange tant qu’il n’a pas appris ce qu’il pouvait tirer du fait d’accepter la confrontation: l’engagement de l’acteur, sa créativité, son efficacité….